Masques pour tous, juste un principe de précaution

Dans un avis publié le 6 avril 2020, l’OMS se positionnait contre le port du masque dans la population générale. Elle appelait à réserver les masques pour les professionnels de santé et les personnes présentant des symptômes évocateurs de Covid-19.

Le port du masque dans la population générale est un sujet très débattu au cours de cette pandémie. Force est de constater que les éléments manquent pour se forger une opinion « basée sur des preuves ». Le British Medical Journal publie une analyse résumant les données disponibles et met la lumière sur un réel manque de données incontestables et transposables à l’actuelle épidémie.

Des milliards de personnes concernées

L’insuffisance de ces données et/ou leur hétérogénéité est à l’origine d’interprétations différentes par les autorités sanitaires. Quatre arguments sont évoqués pour justifier l’opposition à la généralisation du port du masque.

Le premier est le manque de preuve solide de son efficacité contre la transmission du coronavirus. A cela il est d’usage de rétorquer que l’absence de preuve d’efficacité n’est pas une preuve de l’absence d’efficacité. Viennent ensuite les arguments que les masques ne sont généralement pas portés correctement et qu’ils donnent une fausse impression de sécurité à l’origine d’une baisse de vigilance sur les autres mesures de protection (lavages des mains, distanciation). Si ces deux arguments sont validés par les essais, rien n’indique que cela se confirme dans le contexte actuel. Il ne s’agit plus ici d’un certain nombre de volontaires qui participeraient à un essai au cours d’une épidémie de grippe, mais bien de milliards de personnes cherchant à préserver leur santé et conscientes de la gravité de la pandémie. Il se peut que ces personnes soient un peu plus motivées pour apprendre et respecter les bonnes pratiques du port du masque…

Quid des masques « faits maison » ?

Enfin, le quatrième argument avancé est la nécessité de garder les masques pour les soignants. Si cela est un motif pour une intensification de la fabrication des masques, ce n’en est pas un pour dénier leur utilité pour la population. En attendant que les masques soient disponibles en nombre suffisant, les masques en tissus « faits maison » peuvent être un substitut, s’ils sont conformes aux recommandations et souvent lavés. Notons toutefois qu’il n’existe jusqu’à présent aucun résultat d’essai évaluant l’efficacité de ce type de masques dans l’épidémie actuelle. Des recherches sont nécessaires en urgence pour déterminer certains points comme la matière idéale pour les fabriquer, le nombre de couches de tissu nécessaires, la façon dont ils doivent être ajustés et la durée pendant laquelle ils peuvent être portés avant lavage.

Certes les auteurs de l’analyse du BMJ conviennent que nous manquons de preuves incontestables de l’efficacité des masques dans la population générale. Mais ils estiment que dans le contexte actuel de gravité de la pandémie, attendre des preuves infaillibles de cette efficacité peut entraver la prise de bonnes décisions. Ils plaident pour l’application sans délai du principe de précaution.

Dr Roseline Péluchon

Référence
Greenhalgh T et coll. : Face masks for the public during the covid-19 crisis. BMJ 2020;369:m1435.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (15)

  • Science sans conscience....

    Le 16 avril 2020

    Pensez vous que nous ayons des études prouvant qu'opérer masqué diminue le risque opératoire?
    Pensez vous que les excellents résultats des pays refusant le confinement mais imposant le port du masque pour tous soient indépendants du port du masque?
    Enfin pensez vous qu'une pathologie souvent asymptomatique, dont la sérologie ou les tests ont des résultats très aléatoires, mais se transmettant principalement par voie orale puisse se passer d'une barrière mécanique aussi efficace qu'un masque?
    Arrêtons de délirer sur des pseudosciences et imposons le masque à tous jusqu'à la vaccination, soit au moins un an...

    Dr Serge Rouchet

  • Si tout le monde porte un masque, la population dans son ensemble est protégée

    Le 16 avril 2020

    En population générale le problème du port du masque n'est pas vraiment de savoir si un individu est protégé d'une contamination extérieure mais de savoir si en portant un masque il protège les autres.
    Ainsi si tout le monde porte un masque (avec au minimum les normes AFNOR publiées), il parait logique de penser que la population dans son ensemble est protégée, ce qui semble être le cas notamment à Hongkong.

    Le problème est bien évidemment différent pour le personnel exposé à des patients Covid +.

    Professeur Richard Villet, Président de la Fondation de l'Académie de chirurgie

  • Eviter la contamination plutôt que protéger

    Le 16 avril 2020

    Les masques chirurgicaux ne protégeraient qu'à 70%. Les masques artisanaux probablement (?) très peu ceux qui les portent, mais : empêchent ceux qui sont contagieux (souvent sans le savoir...) de contaminer ceux qu'ils croisent ...et ça c'est prouvé : une étude récente le confirme pour le sars-cov2. Il faut l'imposer à tous et c'est c'est surement plus efficace qu'une distanciation sociale de 1 mètre alors que le virus peut rester dans l'air (aérosols) pendant quelques heures après la toux, l’éternuement et même, oui, même , avec les postillons générés par la parole !

    Dr Jean-Georges Leh
    Ps : je peux vous fournir les références des articles à l'origine de ce que je dis.

Voir toutes les réactions (15)

Réagir à cet article