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Préparation minutieuse
Rien ne prédestinait ce médecin de campagne, aujourd’hui âgé
de 55 ans, à l’allure modeste et aux éternelles lunettes rondes, à
déclencher un tel engouement. Mais la détermination, la rigueur et
la volonté constante de diffuser un message simple, exact et
compréhensible par tous de Jung Eun-kyeong ont été remarquables.
Déjà, en 2015 les Sud-Coréens avaient su apprécier son sens de la
précision et son refus de cautionner des projections optimistes,
lors de l’épidémie de Mers (Syndrome respiratoire du Moyen-Orient).
Si à l’époque, les critiques contre le gouvernement quant à sa
gestion de la crise avaient été nombreuses, Jung Eun-kyeong avait
été épargnée tant par le grand public que par ses supérieurs.
Aussi, la préparation des futures épidémies lui avait été confiée.
Elle s’y est attelée en essayant de ne négliger aucun aspect. En
collaboration avec le gouvernement, notamment, elle a surveillé la
production de matériels de protection et de kits de dépistage par
des entreprises coréennes, comme le signale France Inter qui lui a
consacré cette semaine un portrait. En 2017, ses efforts étaient
salués par sa nomination à la tête des Centres de contrôle des
maladies (CDC).
Un exemple dans son pays et pour le monde
C’est à ce titre qu’elle est apparue tous les jours à la télévision
(et au plus fort de la crise deux fois par jour) pour présenter
l’évolution de l’épidémie, parfois en s’aidant de graphiques.
Jamais de triomphalisme et un pragmatisme constant, par exemple
quand elle joint le geste à la parole pour expliquer comment
tousser dans son coude. Parallèlement à ses qualités de
communication, Jung Eun-kyeong a su déployer une stratégie
efficace, souvent décrite dans ces colonnes (confinement sélectif
des plus fragiles, dépistage massif, traçage des cas et des cas
contact…). Elle a également pu obtenir de façon rapide la liste de
tous les noms des membres de la secte évangélique à l’origine de la
première flambée de Covid-19 dans le pays. Son rôle phare auprès du
public et la réalisation sans faille de ses missions ont été rendus
possible par la confiance claire des autorités politiques, qui
jamais n’ont essayé d’interférer dans la gestion de la crise, à la
différence de ce que l’on peut observer en Europe ou de façon plus
certaine encore aux Etats-Unis.Ce pacte entre le politique et le scientifique, incarné dans la personne de Jung Eun-kyeong suscite aujourd’hui l’admiration de bon nombre de pays et notamment Outre-Atlantique. « Son succès est dû au fait qu'il y avait une volonté politique de laisser les scientifiques prendre les devants », explique Jung Pak, expert de la Corée pour le Brookings Institute cité par le Philadelphia Inquirer, dans un article dont le titre suggère que la Corée est une « leçon pour l’Amérique ». « C’est comme si le docteur Deborah Birx (coordinatrice du groupe de travail de la Maison Blanche sur le coronavirus) et le Dr Anthony Fauci (directeur des National Institute of Health) étaient les seuls sur scène », compare de son côté avec une certaine ironie Scott Snyder, directeur du programme « Etats-Unis-Corée » pour le conseil des relations étrangères.
La situation contraste en effet avec l’omniprésence de Donald Trump.
Aurélie Haroche