Les prérequis (pas tous remplis) de la sortie du confinement

Paris, le dimanche 26 avril 2020 – Le conseil scientifique, présidé par le Pr Jean-François Delfraissy a publié deux avis sur la sortie du confinement. Le premier concerne l’école et le second les « prérequis et les mesures phares » de la sortie du confinement. Dans ces quelques lignes nous nous pencherons sur les conditions que jugent nécessaires cet aréopage à la sortie du confinement, le 11 mai ou après…

En préambule, le Conseil rappelle que les données disponibles indiquent que le confinement « a permis de réduire la transmission du virus de 84 %, avec un nombre de reproduction estimé à 0,5 pendant le confinement, alors qu’il était de 3,3 avant l’initiation du confinement ». Aussi le Conseil calcule qu’au 11 mai « le nombre de lits occupés en service de réanimation pourrait alors être de l’ordre de 1400-1900 ».

Il faut un pilote dans l’avion

Peut-être sensible à la confusion qui règne au gouvernement depuis le dernier discours du Président de la République, le Conseil scientifique considère que le premier prérequis à la sortie du confinement est la « mise en place d’une gouvernance en charge de la sortie de confinement » qui se chargera de « contrôler la survenue de nouveaux foyers épidémiques » et participera à la cohérence des politiques régionales et européennes. Ce comité devra également « veiller à une observation impartiale de principes éthiques et à s’associer la participation de citoyens ».

Les indicateurs à prendre en compte

Pour le Conseil, plusieurs indicateurs doivent être observés et analysés avant toute sortie du confinement. En premier lieu, « les indicateurs de suivi de la charge hospitalière en réanimation des centres hospitaliers situés en zone épidémique » qui doivent montrer « un retour à un fonctionnement acceptable en routine ». En outre le conseil demande de s’assurer avant la sortie du confinement que « les équipes de soignants hospitaliers et non hospitaliers auront pu bénéficier d’une période de récupération suffisante pour surmonter l’effort considérable ».

Sur ce point, la dynamique semble favorable, ainsi, depuis le 10 avril, le nombre de patients en réanimation diminue chaque jour. Il était, au dernier bilan, d’un peu plus de 4 700 contre plus de 7000 le 9 avril.  De plus les capacités en réanimation vont continuer de s’accroitre jusqu’à 14 000 lits de soins intensifs fin juin selon les previsions.

Au-delà du simple nombre de patients en réanimation, le Conseil préconise également l’évaluation du nombre de patients admis en hospitalisation qui « permet de mesurer le niveau de circulation du virus SARS-CoV-2 en France ». Ensuite, le Conseil appelle à ce que le confinement ne soit levé que si le R0 est inférieur à 1. Ce qui semble être le cas aujourd’hui.

Identifier, tester, isoler

Le Conseil milite également pour une augmentation des capacités d’identification des cas et de leurs contacts, et d’isolement des patients et de tous les porteurs sains contagieux. 

Sur cette question, hier, Olivier Véran a promis, hier, 500 à 700 000 tests PCR par semaine et l’on sait que des premiers dispositifs pilotes « d’hôtel Covid-19 » ont été mis en place à Paris et Perpignan. Néanmoins, l’isolement en hôtel des personnes présentant des formes paucisymptomatiques ou asymptomatiques ne pourra se faire que sur la base du volontariat a précisé le gouvernement. Ce point, s’il correspond aux respects des libertés individuelles, risque néanmoins de diminuer l’efficacité de la mesure.Corolaire de cette politique d’identification, de test et d’isolement le Conseil appelle à la mise au niveau de notre système de surveillance épidémiologique pour qu’il soit suffisant performant pour être « capable de détecter (…) une reprise de l’épidémie ».

« Le système de recueil des indicateurs les plus sensibles, comme le nombre de nouveaux cas sur le territoire national et le nombre de nouvelles admissions hospitalières, doit être consolidé de façon à assurer un contrôle extrêmement strict de l’épidémie. La surveillance doit permettre d’identifier les lieux à risque de transmission voire d’épidémie. Enfin, il est urgent de constituer une base de données dans un premier temps hospitalière, permettant de disposer en temps réel des caractéristiques des patients hospitalisés pour COVID-19. Cette base de données (…) permettra de décrire les parcours des patients et d’identifier des facteurs de risque de formes graves et aussi d’évaluer les éventuelles moins bonnes prises en charge d’autres pathologies » développe le Conseil. Sur ce point, si la collecte de données s’est améliorée avec l’épidémie, la France reste encore à la traîne par rapport à d’autres grandes nations.

Equipement de protection : le point d’achoppement

Si les prérequis vus jusqu’ici semblent remplis, les pénuries d’équipement de protection, notamment de masques, pourraient empoisonner la sortie du confinement.

Le conseil prévient, il ne peut y avoir de sortie de confinement si les stocks de matériel, de traitements spécifiques à la réanimation, et d’équipement de protection n’ont pas été « reconstitués de façon suffisante, tant pour les personnes cibles (personnels soignants hospitaliers et non hospitaliers, personnes en situation d’exposition accrue au virus du fait de leur activité professionnelle), que pour l’ensemble de la population, selon leurs besoins ».

En effet pour le Conseil, il ne fait pas de doute que « l’ensemble de la population doit porter un masque dans les espaces accueillant du public (espaces fermés, et notamment dans les transports, les magasins...). »

Une recommandation qui sera d’autant plus difficile à mettre en œuvre que le Conseil semble douter de l’efficacité des masques dit « grand public » vantés par le gouvernement.

L’équipe constituée autour du Pr Delfraissy rappelle ainsi : « il est à noter que nous n’avons pas de données solides actuellement sur l’efficacité des masques alternatifs ». 

Le Conseil sera-t-il écouté ? Réponse mardi avec la présentation d’Edouard Philippe du plan de sortie du confinement devant la représentation nationale.

F.H.

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Vos réactions (1)

  • Stratégie : sortir de la pyramide

    Le 26 avril 2020

    Ce n'est pas une surveillance épidémiologique centralisée manipulée par l'hôpital qui est nécessaire mais un maillage sanitaire de proximité mis en réseau, animés par les personnels ambulatoires, et en premier lieu les médecins généralistes, les infirmières ambulatoires et les laboratoires d'analyses médicales de proximité.

    Il est nécessaire d'expliciter les erreurs initiales et changer les messages : diagnostiquer effectivement le maximum de cas est primordial, et tracer les parcours est important. Donc, si ça gratouille ou si ça chatouille, allo docteur. Lequel docteur peut aider au deux.

    De même imposer l'abstention thérapeutique comme la conduite déontologique du medecin, outre l'invraisemblable contresens proféré, doit être abandonné, car on attrape pas les mouches (les covidés) uniquement avec du vinaigre, et qu'essayer d'aider son prochain est une action médicale louable, comme essayer de voir quand l'ombre domine.

    Quant au message "n'encombrez pas nos lits de réa, venez donc y crever plus tard, après le coup de feu" doit être modulé, car il n'est pas vendeur. Une communication centrée sur l'usager plus que sur l'institution serait bienvenue, style "aidez vous à ne pas mourir".

    La France administrante plan plan "on s'occupe de tout" doit faire un (bon) pas en arrière, à moins que la devise Shadock "plus ça rate, plus on a de chance que ça marche" ne soit vraie, et qu'il faille donc continuer la stratégie centralisée pyramidale actuelle centrée sur l'hôpital.

    Sortir de la pyramide, et pourquoi pas traverser la mer rouge, tant qu'on y est, c'est de saison...

    Dr Gilles Bouquerel

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