IEC et ARA II au cours du Covid-19, pas de danger…


Avertissement

Cet article de Mehra et coll. a fait l'objet d'une rétractation par ses auteurs sur le site du New England Journal of Medicine le 4 juin 2020,  en raison de l'impossibilité d'accès aux données brutes indispensables pour la validation des sources par un tiers.

Nous laissons provisoirement en ligne sur JIM, l'analyse que nous en avions faite dans l'attente des résultats définitifs de l'enquête qui devrait être conduite par le New England Journal of Medicine sur la fiabilité des données utilisées.

La rédaction


Du fait de ses effets délétères potentiels sur l’inflammation, la coagulation et la fonction endothéliale l’infection au SARS-CoV-2 s’accompagne d’un risque élevé de manifestations cardiovasculaires dont des arythmies cardiaques, des syndromes coronariens aigus, des atteintes myocardiques, des arrêts cardiorespiratoires. Par ailleurs, parmi les comorbidités qui aggravent le pronostic du Covid-19, figurent, en dehors du diabète et de l’obésité, la maladie cardiovasculaire et l’hypertension artérielle.

Des doutes imparfaitement levés par les sociétés savantes

Dans la prise en charge de ces dernières, l’inhibition pharmacologique du système rénine angiotensine aldostérone (SRAA) a par ailleurs suscité des interrogations  car le virus accède aux cellules de l’hôte en interagissant avec le récepteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA)  : de ce fait, certaines classes pharmacologiques, telles les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes de l’angiotensine II, largement utilisées dans le traitement de l’HTA et de l’insuffisance cardiaque ont inquiété les patients et les médecins. Il a été suggéré que les IEC et les ARA II pouvaient augmenter l’expression de l’ECA et, de ce fait, prédisposer à une forme sévère de la maladie ou aggraver son pronostic, encore que d’autres hypothèses contraires aient été émises. Dans le doute, les sociétés savantes après avoir étudié le dossier en profondeur s’étaient voulues rassurantes : ce fut le cas notamment de l’American Heart Association, de  l’American College of Cardiology et de l’European Society of Cardiology. Pour les décideurs, il n’y avait donc aucun argument pour interrompre ces médicaments chez les patients qui en avaient réellement besoin, mais il persistait tout de même un certain flou dans l’esprit de certains prescripteurs.

Nouvelles données d’une étude d’observation multicentrique internationale

Une étude d’observation multicentrique internationale devrait largement contribuer à le dissiper. Elle repose sur des bases de données constituées auprès de 169 hôpitaux répartis en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. L’objectif initial était d’étudier les relations entre la maladie cardiovasculaire et ses traitements, d’une part, la mortalité hospitalière imputable au Covid-19, d’autre part. Les hospitalisations se sont déroulées entre décembre 2019 et le 15 mars 2020. Les sorties et les décès en milieu hospitalier ont été dénombrés jusqu’au 28 mars 2020. Les données ont été traitées au moyen d’une analyse multivariée par régression logistique multiple avec ajustements multiples incluant notamment le sexe, l’âge, le continent et le niveau socio-économique.

Confirmation de l’effet délétère de la maladie cardiovasculaire

Sur les 8 910 patients atteints d’un Covid-19 confirmé et inclus dans les analyses statistiques, 515 sont décédés à l’hôpital (5,8 %) et les 8 395 autres en sont sortis vivants. Plusieurs facteurs indépendants ont été significativement associés à la mortalité hospitalière : (1) âge > 65 ans, soit 10,0 % versus 4,9 % en cas d’âge ≤ 65 ans (odds ratio, OR, 1,93 ; Intervalle de confiance à 95 % [IC], 1,60 à 2,41) ; (2) maladie coronarienne (10,2 % vs. 5,2 en son absence ; OR, 2,70; IC 95 %, 2,08 à 3,51) ; (3) insuffisance cardiaque (15,3 %, vs 5,6 % ; OR, 2,48 ; IC 95 %, 1,62 à 3,79) ; (4) arythmie cardiaque (11,5 % vs 5,6 %, OR, 1,95 ; IC 95 %, 1,33 à 2,86) ; (5) BPCO : 14,2 % vs 5,6 % (OR, 2,96 ; IC 95 %, 2,00 à 4,40 ; (6) tabagisme actif (9,4 %, vs 5,6 % vs non-fumeurs ou anciens fumeurs; OR, 1,79; IC 95 %, 1,29 à 2,47).

Pour ce qui est du tabagisme dont il a été beaucoup question ces jours-ci, il faut noter qu’un tableau récapitulatif comparant les patients survivants et ceux décédés ne relèvent pas de différence significative quant à la proportion de « fumeurs actifs » (5,3 versus 8,9 %) ou encore d’anciens fumeurs (16,8 vs 16,1 %).

IEC et ARA 2 innocentés

En revanche, aucune association significative défavorable n’a été établie entre l’exposition aux antagonistes pharmacologique du SRAA et la mortalité hospitalière. Ainsi, pour ce qui est des IEC, cette dernière a été estimée à 2,1 % versus 6,1 % en l’absence d’exposition à ces médicaments, ce qui conduit à un OR de 0,33 (IC 95 %, 0,20 à 0,54). Les valeurs correspondantes quant aux ARA 2 sont respectivement de 6,8 % et 5,7 %, soit un OR de 1,23 (IC 95 %, 0,87 à 1,24).

Trois messages

De cette étude d’observation, trois messages principaux sont à tirer. Le premier n’a rien de surprenant : il confirme l’impact délétère de la maladie cardiovasculaire sur le pronostic des formes sévères du Covid-19. Le second va à l’encontre de l’hypothèse d’un effet défavorable des IEC et ARA 2 : l’exposition à ces médicaments n’augmente en rien la mortalité hospitalière ce qui conforte les recommandations des sociétés savantes. Il semblerait même que l’exposition aux IEC soit associée à une réduction d’un facteur trois de ladite mortalité : mais il faut, sur ce point, garder l’esprit critique.

Ces résultats émanent en effet d’une étude d’observation de sorte que leur interprétation doit rester prudente. Avant de conclure à un effet protecteur des IEC, il faut évoquer la possibilité de biais ou de facteurs de confusion non pris en compte dans l’analyse statistique de données issues de 69 registres hospitaliers.  Seuls des essais randomisés sont capables de trancher sur ce point.

Le troisième message recueilli au passage : c’est l’influence finalement néfaste du tabagisme actif et de la BPCO sur le pronostic vital du Covid-19, ce qui n’est guère en faveur de la piste de la nicotine en tant que principe actif capable de protéger des nuisances multiples du SARS-CoV-2.

Dr Peter Stratford

Références
Mehra MR et coll. : Cardiovascular Disease, Drug Therapy, and Mortality in Covid-19. N Engl J Med. 2020 ; publication avancée en ligne le 1er mai. doi: 10.1056/NEJMoa2007621.

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