L’hydroxychloroquine aux Etats-Unis, non conclusive

Le 30 mars 2020, la FDA (Food and Drug Administration), sous la pression du président Donald Trump, a donné son feu vert pour l’utilisation de l’hydroxychloroquine (HCQ) dans l’urgence chez les patients atteints d’un Covid-19, en dehors des essais randomisés programmés aux Etats-Unis. Parmi les recommandations, figuraient les formes sévères de la maladie nécessitant une hospitalisation en raison de difficultés respiratoires et, à ce jour, ce sont plusieurs milliers de malades qui ont « bénéficié » de ce traitement, alors même qu’il n’existait aucune preuve solide de son efficacité. De quoi alimenter une étude d’observation de grande envergure réalisée dans les hôpitaux de New York et de son district.

Des données chez près de 1 440

Les données ont été recueillies chez 1 446 patients hospitalisés de manière consécutive en raison d’un Covid-19 sévère, en excluant les patients intubés et ventilés, mais aussi ceux décédés ou sortis dans les 24 heures qui ont suivi leur passage par les urgences. Le critère de jugement principal combinait les décès ou la fréquence du recours à l’intubation dans le cadre d’une analyse basée sur les évènements survenus en temps réel. L’évolution a été comparée dans deux groupes –HCQ ou non- appariés selon la méthode des scores de propension. L’objectif est de corriger le mieux possible les biais inhérents à l’absence de tirage au sort : chaque observation est pondérée par l’inverse de la probabilité de recevoir le traitement –ici l’HCQ- en tenant compte des covariables qui pèsent le plus dans le choix, ce qui suppose quelques hypothèses de départ et souligne les imperfections de cette approche statistique. L’analyse a par ailleurs fait intervenir le modèle des risques proportionnels de Cox.

Soixante-dix patients ont été exclus de la cohorte pour les motifs évoqués plus haut. Sur les 1 376 patients restants avec un suivi médian de 22,5 jours, 811 (58,9 %) ont reçu de l’HCQ (1 200 mg en deux prises le premier jour, puis 400 mg/j pendant une durée médiane de 5 jours). Près de la moitié (45,8 %) a eu ce traitement précocement, soit dans les 24 heures qui ont suivi leur passage par les urgences et la majorité (85,9 %) dans les 48 heures.

Pas de différence de pronostic entre les groupes comparés

Dans le groupe HCQ, les formes du Covid-19 étaient plus sévères si l’on en juge sur le rapport PaO2/FiO2, soit 223 versus 360 dans le groupe témoin. Au total, pour l’ensemble de la cohorte, le critère de jugement principal a concerné 346 patients (25,1 %) : 180 intubations (avec 66 décès ultérieurs) et 166 décès en l’absence d’intubation.

Aucune différence intergroupe significative n’a été mise en évidence par l’analyse principale, quant à la mortalité hospitalière ou encore à la fréquence des intubations, le hazard ratio correspondant étant en effet de 1,04 (intervalle de confiance à 95 %, 0,82 à 1,32). Les analyses de sensibilité ont conduit à des résultats identiques.

Cette étude d’observation étatsunienne qui porte sur près de 1 400 patients atteints de formes sévères du Covid-19 ne saurait encore clore le débat, puisque selon certains, l’HCQ doit être administrée au début de la maladie. Il n’en reste pas moins que le médicament a été prescrit aux Etats-Unis dans l’indication qui avait été recommandée par la FDA, à la lueur des prémonitions du président Donald Trump qui voyait dans ce médicament un remède miracle.

Ces résultats méritaient néanmoins d’être rapportés même si cela doit rajouter un peu d’huile sur le feu. Comme l’écrivent, pour conclure, les auteurs de l’article : « Randomized, controlled trials of hydroxychloroquine in patients with Covid-19 are needed ». De fait, l’appariement selon les scores de propension a ses faiblesses intrinsèques qui ne doivent pas être ignorées à l’heure où cette méthode gagne du terrain, indépendamment de la pandémie de Covid-19.

Dr Peter Stratford

Référence
Geleris J et coll. : Observational Study of Hydroxychloroquine in Hospitalized Patients with Covid-19. N Engl J Med. 2020: publication avancée en ligne le 7 mais. doi: 10.1056/NEJMoa2012410.

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Vos réactions (8)

  • A la fin du bal

    Le 11 mai 2020

    Pour garder une certaine neutralité, je rappelerai simplement que c'est à la fin du bal que l'on paye les musiciens. A la fin de l'épidémie on relira avec intérêt certains texte.

    Dr Jean-Pierre Masini

  • Hydroxychloroquine active vraiment qu'en début de maladie

    Le 11 mai 2020

    Pourquoi écrire encore sur des essais faits en dépit du bon sens et surtout des recommandations des experts, recommandations connues depuis des mois ..!?
    Merci pour une réponse ?

    Dr Jacques Borek

  • Votre analyse de l'article

    Le 11 mai 2020

    Excusez moi mais votre analyse n'est pas claire, on ne comprend pas comment en partant de 1376 patients, tout à coup il n'y a plus que 346 patients concernés par le critère de jugement principal ! Sans compter que vous ne dites pas quel est ce critère ?
    Le plus simple aurait été de donner le nombre de morts dans le groupe traité par HCQ et soins classiques (811 patients soit 58,9 % de la cohorte) et le nombre de morts dans le groupe traité uniquement par les soins classiques (565 patients soit 41 % de la cohorte).
    Je crois que si l'on veut se faire une idée, le mieux est de consulter l'article original.

    Dr Jean-Claude Schumacher

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