
Au moment où l’épidémie semble ralentir, la colère des généralistes ne faiblit pas.
Combien de médecins sont morts de l’épidémie ?
L’heure des comptes est avant tout l’heure du bilan de l’épidémie.La cellule investigation de Radio France révèle ainsi les statistiques présentées par SOS Médecins sur le coût humain payé par les professionnels de santé.
D’après l’étude, 16% des 1 300 médecins regroupés dans ses 63 associations ont été contaminés, dont 20% à Paris.
Ce chiffre est bien plus élevé que celui des médecins d’établissements de santé qui ont été touchés à hauteur de 10%, selon le point épidémiologique de Santé publique France du 19 mai.
Du coté des décès, le chiffre semble difficile à évaluer. Le Conseil de L’ordre des Médecins recense 40 décès, dont environ 30 médecins libéraux. « Un chiffre sans doute en-dessous de la réalité » selon le vice-président Jean-Marcel Mourgues. Une évaluation de la CARMF estime à 46 le nombre de décès de médecins libéraux depuis le 1er mars (26 médecins en activité et 20 retraités).
Le Président de la CARMF, Thierry Lardenois, souligne le sacrifice des médecins qui ont fait le choix de continuer à assurer les soins malgré le danger : « Ils auraient pu fermer leur cabinet, mais l'immense majorité des généralistes libéraux a continué à assurer des consultations en présentiel. Ils sont allés se battre en se débrouillant pour trouver des masques. C'était suicidaire au début. »
La logistique défaillante, l’Etat en cause
Comment expliquer un bilan si élevé chez les généralistes ? Pour les intéressés, la raison ne fait aucun doute : le manque de masques, gels et tests dans les cabinets.Dans les nombreux témoignages recueillis par la cellule investigation de Radio France, une constante : le sentiment d’avoir été dans la bataille « sans armes, ni munitions ». Le récit de la fille d’un médecin décédé de la maladie à Paris est sans doute symptomatique des failles à tous les étages : « à partir de fin février, de nombreux patients sont venus avec des toux suspectes, des maux de tête, et se sont fait hospitaliser début avril comme lui. On lui disait de porter un masque, mais il descendait tous les jours à la pharmacie. Et tous les jours le pharmacien lui disait qu’il n’en avait pas reçu. »
La carence en masques, et notamment en masques FFP2 (qui est toujours d'actualité), a été ressentie comme une trahison par les pouvoirs publics.
Interviewé par Radio France, Jean Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France s’insurge : « c’est insupportable d’avoir réservé ces masques en priorité aux hôpitaux, et en deuxième partie aux médecins généralistes. On a été en première ligne, et on est aujourd’hui très en colère. »
Commission parlementaire et procès en cascade
La commission des requêtes de la Cour de Justice de la République devra se prononcer dans les mois à venir sur la recevabilité de ces plaintes et pour celles qu’elle jugerait fondées, saisir la commission d’instruction de la Cour pour qu’elle mène des investigations.Mais la question des chaines de responsabilité devra être aussi étudiée par les deux assemblées dans le cadre d’une commission parlementaire dont les travaux commenceront au cours du mois de juin.
D’ores et déjà, la mission d’information sur la crise du coronavirus a rendu mercredi un rapport d'étape sur les travaux qu’elle mène depuis début avril. Sans surprise, les élus ont constaté « l’insuffisance des stocks stratégiques d’équipements de protection, et notamment de masques » qui a rendu nécessaire une « hiérarchisation de leur distribution » au détriment des médecins libéraux.
CH