
Or ce rhumatisme inflammatoire chronique est à même d’augmenter significativement le risque CV du fait de ses mécanismes pathogéniques voire de son traitement qui peut inclure, par exemple, une corticothérapie. D’ailleurs, dans l’estimation personnalisée du risque CV, il est recommandé de rechercher une PR pour adapter au mieux la prise en charge. Force est cependant de reconnaitre que rares sont les études prospectives capables d’estimer avec précision le risque CV encouru en cas de PR.
Les résultats de l’étude de cohorte prospective CARRÉ
(CARdiovascular research and RhEumatoid arthritis) méritent
à cet égard d’être rapportés, dans laquelle ont été inclus 353
patients atteints d’une PR confirmée. La fréquence des évènements
cardiovasculaires majeurs (ECVM) a été évaluée au cours d’un suivi
à très long terme (15 ans) au sein de cette cohorte et d’une autre,
composée de 2 540 témoins, dont un grand nombre atteint d’un
diabète de type 2.
Au moins 2 fois plus de risque d’événements cardiovasculaires majeurs
Le risque d’ECVM a été calculé sous la forme d’un Hazard Ratio (HR) après ajustement selon l’âge et le sexe : il a atteint respectivement 2,07 (intervalle de confiance à 95 %, IC95% 1,57-2,72, p < 0,01) et 1,51 (IC 95% 1,02-2.22, p = 0,04) en cas de diabète de type 2, comparativement aux participants non diabétiques. Le risque associé à la PR est resté élevé, même après ajustement selon les facteurs de risque CV, le HR étant alors estimé à 1,82 (IC95% 1,32-2,50, p<0,01). L’association d’une PR et d’un diabète- ou d’une insulinorésistance- a conduit à un risque de MCV particulièrement élevé, le HR atteignant en effet respectivement 2,21 (IC 95% 1,01-4,80, p = 0,046) et 2,67, IC 95% 1,30-5,46, p < 0,01 en cas d’insulinorésistance).Cette étude de cohorte prospective de type cas-témoins illustre la notion de risque CV associé à une maladie chronique telle la PR. Par rapport à une population témoin, le risque CV semble être plus que doublé et même supérieur à celui encouru lors d’un diabète de type 2. L’ajustement selon les facteurs de risque CV traditionnels ne change rien à la dimension quantitative de l’association : faut-il y voir la conséquence de l’inflammation systémique chronique qui caractérise la PR ? Cette hypothèse est plausible, mais cette étude cas-témoins ne permet pas de conclure plus avant. Elle souligne surtout la nécessité de prendre en compte l’existence d’une PR dans l’estimation personnalisée du risque CV global qui doit aller au-delà de SCORE et de la classification européenne du risque CV dont les limites apparaissent clairement.
Dr Philippe Tellier