
L'émergence spectaculaire du SARS-CoV-2 dans nos vies et la
pandémie qui s'en est suivie ont donné lieu au développement actif
de près de 200 candidats vaccins. Après les publications
préliminaires sur le vaccin américain de la firme Moderna, voici
les résultats de deux essais de phase précoce concernant des
vaccins anti Covid-19 présentés dans le Lancet : l'un
réalisé par l'Institut Jenner de l'Université d'Oxford
(Royaume-Uni) avec le soutien d'Astra Zeneca (1), l'autre par une
équipe de Wuhan (Chine) soutenue par Can Sino Biologics (2).
Au coude à coude, tous deux ont recours à un vecteur adénoviral, et
tous deux rapportent que leur vaccin a suscité des réponses
humorales vis-à-vis du domaine de liaison du récepteur de la
glycoprotéine de pointe (Spike = S) du SARS-CoV-2 à J28 ainsi que
des réponses des cellules T. Tous deux font état d'effets
indésirables locaux et systémiques légers sans aucun événement
indésirable grave.
Côté britannique
Il s’agit d’un essai randomisé de phase 1/2 par injection d’un
vaccin ayant comme vecteur l’adénovirus du chimpanzé. Le vaccin
administré à une seule concentration a été testé par rapport à un
vaccin anti-méningococcique conjugué quadrivalent chez 1 077
adultes en bonne santé (50 % d'hommes, 90,9 % de Blancs) âgés de 18
à 55 ans (médiane 35 ans, IQR 28-44), recrutés dans cinq centres et
suivis pendant 28 jours. Les effets indésirables locaux et
systémiques (fatigue, céphalées, douleur au site d’injection) ont
été fréquents mais tolérables et résolutifs sous paracétamol, sans
survenue d’événement indésirable grave. Des anticorps neutralisants
ont été générés par plus de 90 % des participants avec une réponse
soutenue jusqu’à au moins J56. Un petit sous-ensemble de doses
renforcées, non aléatoire, a suscité de fortes réactions
neutralisantes et peu d'effets indésirables qualifiés de légers.
Fait capital des réponses cellulaires T ont été induites chez
tous les participants.
Côté chinois
Il s’agit d'un essai randomisé de phase 2 avec une injection
de vaccin anti Covid-19 porté par un adénovirus non répliquant. La
formulation du vaccin à deux concentrations (1×10¹¹ ou 5×10¹⁰
particules virales par mL) a été testée contre un placebo chez 508
adultes sains non exposés à la Covid-19 (50 % d’hommes) âgés de 18
à 83 ans (moyenne de 39,7 ans), recrutés dans un seul centre à
Wuhan, et suivis pendant 28 jours. Des effets indésirables
(fatigue, céphalées, douleur au site d’injection) ont été rapportés
par 294 (77 %) des 382 personnes vaccinées et 61 (48 %) des 126
personnes ayant reçu le placebo. Le sexe masculin a été associé à
une plus faible occurrence de fièvre post-vaccinale et aucun
événement indésirable grave n'est survenu. La séroconversion s'est
produite chez plus de 96 % des participants, et des anticorps
neutralisants ont été générés chez environ 85 % d'entre eux. Plus
de 90 % ont exprimé une réponse des cellules T. Les sujets âgés de
plus de 55 ans ont eu des réponses humorales un peu plus faibles
(bien que toujours supérieures à celles données par le placebo),
tout comme les personnes ayant une immunité antérieure au vecteur,
mais ces facteurs n'ont pas affecté les réponses des cellules T.
Enfin, l'immunogénicité ne différait pas selon le sexe.
Des résultats prometteurs
Bien que très préliminaires, de petite envergure et avec une
diversité ethnique très limitée, les résultats de ces deux études
sont de bon augure pour les essais de phase 3, au cours desquels
les vaccins devront être testés sur des effectifs beaucoup plus
importants afin d'évaluer leur efficacité et leur innocuité. Dans
l'ensemble, les résultats des deux essais sont globalement
similaires et prometteurs, malgré les différences de vecteur, de
localisation géographique des populations étudiées et de tests de
neutralisation utilisés. Les vecteurs adénoviraux sont un moyen
innovant et efficace de développement de vaccin en pleine pandémie,
car ils sont capables de générer des réponses humorales,
cellulaires et innées.
À quoi devraient ressembler les essais de phase 3 ?
Dr Bernard-Alex Gaüzère