
Washington, le mardi 4 août 2020 - La communication totalement
chaotique de Donald Trump face à l’épidémie de Covid-19 est sans
doute presque autant redoutée que les effets directs et indirects
du virus par les médecins, épidémiologistes et responsables
sanitaires américains.
L’espoir suscité par la gravité soudainement adoptée par le
Président des Etats-Unis au cours du mois de juillet, par son
discours enfin favorable au masque et par une apparente distance
vis-à-vis de l’hydroxychloroquine n’aura été que de courte durée.
La semaine dernière, Donald Trump a renoué avec les messages
fortement controversés, en soutenant notamment un groupe de
médecins faisant de l’hydroxychloroquine un traitement miracle, au
sein duquel intervient une femme acquise à la thèse selon laquelle
une partie des dirigeants américains serait des reptiliens. Puis ce
dimanche, il n’a pas tenté de dissimuler un accès de jalousie
puérile, en se demandant pourquoi la grande popularité dont
jouissent ses conseillers scientifiques, les professeur Anthony
Fauci et Deborah Birx ne rejaillissait pas sur lui. Il a en outre
une nouvelle fois manifesté son animosité vis-à-vis de cette
dernière en estimant que ses déclarations concernant la propagation
de l’épidémie aux zones rurales n’était qu’une volonté de
satisfaire les démocrates. Une telle interprétation à laquelle le
docteur Birx est habituée ne l’empêchera pas d’affirmer que
l’épidémie vient d’entrer aux Etats-Unis dans une « nouvelle
phase » où les espaces ruraux tendent eux aussi être
touchés.
Un vaccin pour les élections !
Si les experts de la Maison Blanche ont composé depuis des
semaines avec la versatilité de Donald Trump, ils se montrent
aujourd’hui cependant inquiets de sa politique volontariste
concernant le vaccin. Les Etats-Unis ont lancé dès le printemps
l’opération Warp Speed, destinée, notamment par le soutien aux
laboratoires et l’obtention de commandes prioritaires de prédoses,
à accélérer la mise à disposition d’un vaccin. Dans cette course
que les Etats-Unis ont engagée notamment face à la Russie, Donald
Trump promet désormais un vaccin disponible en octobre. La date
n’est pas anodine : non seulement elle correspond à la promesse
faite par Vladimir Poutine, mais elle permettrait surtout au
candidat Républicain aujourd’hui très mal placé dans les sondages,
notamment en raison de sa gestion de la crise sanitaire, de
probablement voir son image redorée à la veille des élections de
novembre.
Une précipitation dangereuse et peut-être contre-productive
Cependant, les experts scientifiques redoutent cette
précipitation, tant en ce qui concerne la sécurité du vaccin qui
serait ainsi aussi rapidement élaboré et évalué que vis-à-vis de la
confiance du public. Ainsi, tout en affichant son scepticisme
vis-à-vis des déclarations du ministre de la santé russe Mikhail
Murashko promettant une campagne de vaccination massive en octobre,
Anthony Fauci prévient qu’utiliser en Russie ou aux Etats-Unis un
vaccin non suffisamment évalué serait une « erreur
catastrophique ». L’inquiétude est partagée par de nombreux
autres experts.
Ainsi, « Beaucoup de personnes au sein du processus ont
peur que l'administration sorte deux ou trois vaccins et dise "on
les a testés sur quelques milliers de personnes, ça a l'air
sécuritaire, maintenant on les déploie" », révèle Paul Offit,
membre du conseil sur les vaccins au sein de la Food and Drug
Adminsitration. S’agissant du calcul politique de Donald Trump,
l’équation doit également être regardée avec attention. Une enquête
rendue publique la semaine dernière a en effet mis en évidence que
64 % des Américains préfèrent un vaccin complètement testé même si
sa mise à disposition est retardée.
Léa Crébat