Antibiothérapie pour appendicite chez l’enfant : succès dans les deux tiers des cas

Aux USA, plus de 180 000 adultes et 70 000 enfants souffrent, chaque année d’une appendicite. A côté de l’appendicectomie, intervention de chirurgie abdominale requérant une anesthésie générale, associée à un risque péri-opératoire, cause de douleurs et d’incapacité postopératoires, une approche non chirurgicale, par antibiothérapie, a démontré sa tolérance et son efficacité ; les taux de succès atteignent 65 à 75 % à un an, avec un nombre moindre de jours d’incapacité, une meilleure qualité de vie, une plus grande satisfaction du patient et de son entourage.

P C Minneci et collaborateurs ont mené une étude afin de déterminer le taux de succès de la prise en charge non chirurgicale d’une appendicite non compliquée chez l’enfant et d’en préciser les différences évolutives avec l’appendicectomie chirurgicale en termes d’incapacité liée au traitement, satisfaction, qualité de vie et complications. Leur travail a été prospectif, contrôlé mais non randomisé, multi- institutionnel, auprès de 10 hôpitaux pédiatriques universitaires. L’option thérapeutique, chirurgicale ou médicale, était décidée conjointement avec le patient et sa famille. Un consentement écrit était requis. Les enfants étaient âgés de 7 à 17 ans ; ils présentaient une appendicite aiguë non compliquée. Les critères d’inclusion étaient les suivants : 1 /présence, en échographie ou au scanner d’une appendicite non compliquée, ou en IRM, d’un appendice de 1,1 cm minimum, sans abcès, fécalithe ou phlegmon ; 2/leucocytose comprise entre 5 000 et 18 000/µL ; 3/douleurs abdominales récentes, de moins de 48 heures avant le début d’une antibiothérapie. Les critères d’exclusion consistaient en 1/des antécédents de douleurs abdominales intermittentes, 2/la constatation d’une péritonite diffuse à l’examen clinique, 3/un test de grossesse positif ou enfin, 4/ des difficultés majeures de communication avec le patient.

Appendicectomie ou 8 jours d’antibiotiques

L’option chirurgicale comprenait, dès l’admission hospitalière, le recours à une antibiothérapie intraveineuse (pipéracilline-tazobactam ou ciprofloxacine – métronidazole en cas d’allergie à la pénicilline), puis appendicectomie sous laparoscopie en urgence, dans les 12 heures suivantes avec, en postopératoire, arrêt des antibiotiques. La prise en charge médicale reposait sur l’administration pendant 24 heures au minimum d’antibiotiques IV (pipéracilline-tazobactam 2g/0,25 g ; en cas d’allergie ciprofloxacine sur la base de 30 mg/kg/ j, toutes les 8 heures et métronidazole, sur la base de 30 mg /kg/ j, toutes les 8 heures, jusqu’à 500 mg par dose). Une diète alimentaire a été maintenue au moins pendant 12 heures jusqu’à survenue d’une amélioration sous forme de diminution de la douleur et de la sensibilité. Les patients étaient alors passés sous antibiothérapie orale (amoxicilline-clavulanate : 45 mg/kg/j toutes les 12 heures pour les moins de 14 ans, 875 mg toutes les 12 heures pour les enfants de 14 ans ou plus ou encore ciprofloxacine : 30 mg/ kg/j, toutes les 12 heures, dose maximale 1,5 g/j et métronidazole : 30 mg/kg/j repartie en prise toutes les 6 heures, dose maximale : 500 mg/par dose. A la fin de l’hospitalisation, les enfants devaient poursuivre l’antibiothérapie pendant un total de 7 jours.

L’échec de l’attitude non interventionniste et la décision d’appendicectomie était prise :

1/en cas de non amélioration après 24 heures d’antibiotiques,

2/ en cas d’aggravation des douleurs ou de survenue de signes d’infection systémique.

Les 2 paramètres principaux analysés étaient le nombre de jours d’incapacité de l’enfant (non-participation à ses activités habituelles du fait de l’appendicite) et taux de succès (absence d’appendicectomie dans les 12 mois suivant l’hospitalisation initiale). Les paramètres secondaires sont plus divers : taux de succès en cours d’hospitalisation, durée de séjour hospitalier, taux de complications de l’appendicectomie ou de l’antibiothérapie, nombre de réadmissions, qualité de vie selon l’échelle Pediatric Quality of Life (Peds QL Inventory). La comparaison entre les 2 attitudes thérapeutiques a été quantifiée par la mesure de leur différence standardisée absolue.

Six jours contre dix jours d’incapacité

Entre le 1er Mai 2015 et le 31 Octobre 2018, 1 068 enfants ont été inclus, 370 (35 %) avec option pour une prise en charge non opératoire et 698 (65 %) pour une appendicectomie chirurgicale. Le taux d’enrôlement des patients éligibles a atteint 88 % (1 068/ 1 209).

Globalement 126 chirurgiens ont opéré, sur les 10 sites hospitaliers participants, avec une moyenne de 4 interventions par praticien (IQR : 2,8). L’âge médian des malades était de 12,4 ans et on dénombrait 38 % de filles ; 806 (75 %) ont eu un suivi complet : 284 (77 %) dans le groupe traité médicalement et 522 (75 %) dans celui traité chirurgicalement.  Les patients traités par antibiotiques étaient, dans leur ensemble, plus jeunes (âge moyen 12,3 vs 12,5 ans), plus souvent noirs (9,6 vs 4,9 %) ou d’autre origine ethnique (14,6 vs 8,7 %) ; leurs proches avaient un niveau d’éducation proche du baccalauréat (29,8 vs 23,5 %). Ils ont été explorés plus souvent par échographie abdominale (79,7 vs 74,5 %) et moins par tomodensitométrie (27,6 vs 32,4 %).

Les résultats, tant ajustés que non ajustés font apparaître un taux de succès à un an de l’approche non chirurgicale de 67,1 % (intervalle de confiance à 95 % IC : 61,5- 72,3 % ; p  = 0,86). Le nombre de jours d’incapacité du fait de l’appendicite a été significativement moindre que celui après chirurgie : 6,6 vs 10,9 jours, soit une différence de – 4,3 jours (IC : - 6,17 à – 2,43 ; p < 0,001). L’analyse des paramètres secondaires révèle un taux de succès initial, durant l’hospitalisation, de 85,4 % (IC : 81,0- 88,9 %). On note 53 échecs, liés, dans 16 cas à une décision parentale et dans les autres à une non-amélioration ou à une aggravation dans les 48 heures, 2 observations restant non documentées. A un an, le taux de succès de l’attitude non opératoire, sur les 329 enfants ayant eu un suivi complet, est de 62,8 % (IC : 57,1 à 68,5 %). Le taux de complications ne diffère pas significativement entre les 2 approches : 3,3 vs 3,6 %, soit une différence de – 0,3 %, en faveur de l’option médicale. Enfin, il faut signaler que le taux d’appendicectomies négatives a été de 7,5 % (52/698) parmi les enfants opérés.

Taux de complications et de satisfaction identiques

Dans ce travail ayant inclus 1 068 jeunes patients souffrant d’une appendicite non compliquée, une stratégie de non intervention initiale a eu un taux de succès de 67,1 %. Comparée à une prise en charge chirurgicale rapide, dans les 12 heures suivant l’admission, celle-ci est associée à une moindre incapacité de l’enfant, et donc de ses proches, alors même que le taux de complications et de satisfaction, en matière de soins de santé, est identique. Plusieurs essais cliniques randomisés et études de cohortes avaient antérieurement démontré, de façon constante, le caractère sans risque et l’efficacité de la prise en charge médicale, chez l’adulte comme chez l’enfant, avec des taux de succès entre 65 et 80 %, pour un taux de complications identique à celui observé en cas d’appendicectomie. Cette stratégie a aussi pour avantage d’éviter le risque d’interventions non nécessaires, de l’ordre de 7,5 % en cas de chirurgie.

Il faut souligner que la décision thérapeutique n’a pas été le fait des seuls chirurgiens mais une décision partagée. A l’inverse, il faut également noter que tous ces enfants ont été traités dans des hôpitaux pédiatriques universitaires. Des biais ont pu exister pour le choix de l’option thérapeutique. Enfin, la généralisation des résultats est entachée par un nombre non négligeable de suivis incomplets à un an.

En conclusion, en cas d’appendicite non compliquée de l’enfant, une prise en charge initiale non chirurgicale comportant une antibiothérapie est suivie d’un taux de succès de 67,1 %, comparativement à l’appendicectomie et est associée à un moindre nombre de jours total d’incapacité. Toutefois, le nombre considérable d’enfants perdus de vue durant le suivi grève le degré de signification statistique de ce travail.

Dr Pierre Margent

Références
Association of Non Operative Management Using Antibiotic Therapy vs Laparoscopic Appendicectomy with Treatment Succes and Disability Days in Children with Uncomplicated Appendicitis.P C Hineau. JAMA, published online. July 27, 2020, dos 10 1001.

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Vos réactions (2)

  • Appendicites et pendices

    Le 23 août 2020

    Il y a bien longtemps que les chirurgiens des hôpitaux de province, savent qu'il faut distinguer les appendicites aiguës vraies et les douleurs appendiculaires sans signes infectieux.

    Si je ne peux pas avoir accès immédiatement à un scanner, je me garderais bien de soumettre et de faire attendre en cas d'appendicite aiguë vraie, le danger de péritonite est trop grand.

    Quant aux douleurs appendiculaires sans signe infectieux, il faut reconnaître qu'elles sont bien plus nombreuses que les précédentes.

    En métropole, un corps étranger est en cause parfois. Outre mer c'est un parasite, mais pas toujours le même selon les DOM TOM, que j'ai presque tous fréquentés dans la période où j’exerçais encore.

    Dans les appendicites aiguës vraies, qui pratique l'examen bactériologique ?

    Dans les douleurs appendiculaires qui a pensé à demander un examen parasitologue de l'organe ?

    L'un ou l'autre, au CHU de Guadeloupe par exemple, pour trouver presque toujours, en cas d'épidémie, le même parasite issu des canalisations d'eau douce.

    A la Réunion par exemple, la filariose de Bancroft. Dans ces deux départements, le langage médical simplifié des internes qualifiait parfois les douleurs appendiculaires du curieux terme de "pendice".

    Bien entendu les vermifuges d'autrefois et les anti-parasitaires modernes peuvent être efficaces.

    Mais la récidive des parasites est probable, de sorte que la pratique usuelle est de préconiser l'appendicectomie quand même.

    Dr Jean Doremieux,
    chirurgien urologue depuis 1960

  • 50 ans après

    Le 26 août 2020

    Le traitement non opératoire (TNO) des appendicites aigues SUPPOSEES NON COMPLIQUEES
    de l’enfant est fort peu prisé en FRANCE :

    Abbo O, Trabanino C, Pinnagoda K et coll . Non-operative Management for Uncomplicated Appendicitis : An Option to Consider. Eur J Pediatr Surg. 2018 Feb ; 28(1) : 18 - 21
    Toulouse 2014-2015 Rétrospectif 166enfants > 5A SANS stercolithe - AUGMENTIN 7j :
    97% succés initial 13% récidives , toujours NON compliquées, au recul de 19 mois (3,5-19 M)

    Il faudra évaluer si les contraintes imposées par la CRISE SANITAIRE en cours ont modifiées cette tradition nationale très chirurgicale.

    Le diagnostic d’appendicite aigue est HISTOLOGIQUE : PAS de définition pré-opératoire pour des intitulés variables : «Compliquée/Non compliquée, Complexe/Simple, Perforée/Non perforée».

    L’appendicectomie BLANCHE est probablement la principale complication de l’intervention : l’imagerie en réduit l’incidence de «15-20%» à «3%».

    Diagnostics alternatifs (Fille

    Privilégier l’ECHO ABDO-PELVIENNE non irradiante et non la TDM : HAS Pertinence des soins Chirurgie pédiatrique Février 2018

    L'imagerie pénalisent les études sur le TNO des formes réputées «NON COMPLIQUEE» : Echo comme TDM sont spécifiques mais peu sensible pour reconnaitre les formes COMPLIQUEES : Fréquence des formes compliquées per-op dans les essais Chirurgie vs TNO de formes réputées non compliquées (Hollande : Cohorte APAC : 20%)

    50 ans après, le débat chez l’adulte puis l’enfant reste ouvert aux randomisations, études, essais, éditoriaux, tables rondes (Société Française de Pédiatrie 2020).

    Coldrey E. Five years of conservative treatment of acute appendicitis. J Int Coll Surg. 1959 ; 32 : 255 – 61
    L’auteur s’interrogeait déjà :
    « Looking into the future, one cannot help feeling that our successors will be more conservative in their outlook in this matter, and may look back on us as having been too " appendicectomy-minded." » Coldrey E. Treatment of Acute Appendicitis. Br Med J. 1956 ; 2(5007) :1458-1461

    La discussion pédiatrique porte AVANT TOUT sur les formes SUPPOSEES NON COMPLIQUEES. Une bonne REVUE suédoise par les promoteurs historiques de la méthode :
    Maita S, Andersson B, Svensson JF et coll . Nonoperative treatment for NONperforated appendicitis in children: a systematic review and meta-analysis. Pediatr Surg Int. 2020 ; 36(3) : 261-269
    21 articles pédiatriques sélectionnés :
    1/ Design hétérogênes : une UNIQUE RANDOMISATION en pédiatrie (Svensson 2015) : 24enfants dans le groupe antibiothérapie (ATB) sans perdus de vue à 5ans & 13 études prospectives

    2/ Variabilité des critères inclusion/exclusion (stercolithe ou pas) & des ATB (Augmentin vs …) : L’AUGMENTIN n’est probablement plus l’ATB de choix pour les traitements médicaux , il pénalise les essais (comme celui analysé) qui l’utilisait chez l’enfant comme chez l’adulte : Beaucoup de E Coli y sont résistant

    3/ Résolution des symptômes sous ATB 92% Complications & «Durée de séjour» : Identiques
    Comparer des durées de séjour est très aléatoire : Pays , Période , Structure

    4/ Appendicectomie aprés sortie 16% : Ces chirurgies (50% au recul de 5ans) ne sont PAS synonymes d’appendicite histologique : 17% d’appendices histologiquement pathologiques
    Patkova B, Svenningsson A, Almström M, Eaton S, Wester T, Svensson JF. Nonoperative Treatment Versus Appendectomy for Acute Nonperforated Appendicitis in Children: Five-year Follow Up of a Randomized Controlled Pilot Trial. Ann Surg. 2020 Jun ;271(6):1030-1035

    5/ Le TNO doit être réservé au cadre de randomisations ou au moins d'études prospectives PROTOCOLISEES

    6/ Après le risque des « appendicectomies blanches » , celui d’antibiothérapies inutiles pour des appendicites présumées non compliquées peu documentées : Antibiorésistance d’aval

    Les randomisations en cours sont réputées "pragmatiques" : modalités d’inclusion avec ou sans imagerie , choix de l’ATB laissé au praticien :
    • APPY trial (International) > 5ans : «Dg clinique et/ou radiologique (Echo et/ou TDM) d’appendicite aigue NON perforée»
    • CONTRACT trial (UK) > 4ans : «Dg clinique avec ou sans évaluation radiologique d’appendicite aigue»
    Restera à découvrir si le flou des inclusions influencera les conclusions

    7/ L’hypothêque de la recrudescence de « cancers digestifs après TNO chez l’adulte» pose la question des diagnostiques différentiels chez l’adulte plusqu’elle ne remet en question le TNO chez l’enfant : Enblad M, Birgisson H, Ekbom A et coll . Increased incidence of bowel cancer after non-surgical treatment of appendicitis. Eur J Surg Oncol. 2017;43(11):2067-2075

    La discussion du TNO pour les formes pédiatriques COMPLIQUEES se pose beaucoup moins :
    • L’imagerie est alors spécifique alors que peu sensible (Echo = TDM)
    • Historique du «réfroidissement» sous antibiothérapie
    • L’influence du stercolithe sur le résultat du TNO est diversement appréciée
    • Les modalités de l’ATB : Nature & durée & PO/IV : Décrescendo , applicable probablement au TNO des formes présumées «non compliquées»
    • Les résultats à 1Ans (RCT CHINA trial UK NZ Suède) & 5Ans (Cohorte Suède) valident l’ABSENCE d’indication documentée d’appendicectomie différée , stercolithe ou pas.

    Dr JP Bonnet (PH Chirurgie pédiatrique)

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