La pandémie de Covid-19 a mis les médias et les réseaux
sociaux en ébullition, lesquels distillent vérités et
contre-vérités et contribuent certainement à disséminer de fausses
informations sur une grande échelle. C’est une mission qui leur
échoit par nécessité plus que par choix, car leur poids croissant
semble inversement proportionnel à la qualité de leurs messages et
leur succès s’apparente à une fuite en avant. La désinformation
dont ils se font les vecteurs joue potentiellement un rôle crucial
dans les rapports sociaux et le fonctionnement de la démocratie
notamment en période de crise sanitaire : il n’est point besoin
d’être un grand sociologue pour s’en convaincre.
Plus de 13 000 tweets sur le sujet en deux mois
Ces tendances peuvent se mesurer, dans le cas de Twitter, par
la production quotidienne des tweets ou des hashtags de tout un
chacun et l’analyse de leur contenu. La Covid-19 est un sujet de
choix comme le montre un article publié en ligne dans l’American
Journal of Medicine sous le titre évocateur : «
Misinformation dissemination in Twitter in the COVID-19 era
» (1). Les auteurs ont interrogé la twittosphère avec une série de
mots-clés permettant d’évaluer l’information circulante et de
dégager quelques sujets de prédilection. A titre d’exemples :
“covid”, “covid-19”, “corona”, “coronavirus”, “positive”, “test”,
“tested”, “feel”, “I”, “we”, “my”, “us”, “our” etc. La pêche a duré
deux mois, du 1er avril au
1er juin 2020 et deux investigateurs ont
passé en revue 25 % des tweets ainsi recueillis pour définir un
cadre conceptuel adapté à l’analyse de contenu. Les données au
demeurant publiques ont été traitées dans le plus strict anonymat
et dans le respect du code de confidentialité édicté par
Twitter.
C’est ainsi que 13 596 tweets non académiques associés à la
Covid-19 ont été disséqués. Dans les filets de cette pêche
printanière, figurent en bonne place la grippe et la 5G.
Si ce n’est pas la Covid, c’est la grippe
Un exemple rencontré dans 11,5 % des tweets : le vaccin
antigrippal peut fausser les tests diagnostiques et être à
l’origine de faux-positifs. Certaines maladies à composante
allergique, notamment l’asthme, pourraient favoriser la maladie
(2,8 %) au point de rentrer dans la catégorie des facteurs de
risque. Il en va de même pour les antécédents de grippe (2,8 %) et
les influenceurs potentiels de relayer ces messages sans vergogne
de manière lapidaire (1,7 %), du style : « la vaccination
positive les tests utilisés dans le diagnostic de la Covid-19
». Sur le même registre (5,9 % des tweets) : nombreux sont les
décès imputés à la Covid-19 qui relèvent en fait de la grippe et il
en va de même pour de nombreux cas de Covid-19. Cette
désinformation s’appuie le plus souvent sur des articles uniques à
la méthodologie imparfaite ou contestable : le manque de culture
scientifique est indéniablement la porte ouverte à des exégèses
erronées, même si l’étude de l’American Journal of Medicine
ne permet pas de le savoir.
La 5G, au centre du complot
Le discours sur le rôle de la 5G mérite qu’on s’y arrête
également un instant car il recèle quelques tweets à caractère
anthologique où excellent les conspirationnistes : les réseaux
hertziens contribueraient à la propagation de l’épidémie et à la
sévérité des symptômes de la Covid-19 (14,2 % des tweets), suivant
des mécanismes hypothétiques qui pourraient, selon certains auteurs
de tweets, reposer… sur une dépression immunitaire induite par la
5G ou autres techniques à support ondulatoire. La 5G pourrait être
aussi utilisée pour repérer et tracer les individus vaccinés ou non
(5,5 %) dans la mesure où elle est investie d’un pouvoir magique
faisant écho à la pensée magique qui se porte bien à l’ère de la
pandémie. La 5G vecteur de bien des maux avec son haut débit
d’ondes électromagnétiques maléfiques qui déferlent sur ses
victimes potentielles, prenant exemple sur la 3G et la 4G qui l’ont
précédée… Le sujet est apprécié des adeptes des théories du
complot, d’autant que la compagnie chinoise Huawei est le leader-
pour l’instant- dans le développement mondial de la 5G et la
commercialisation des smartphones qui en bénéficieront.
Il n’y a pas que Twitter !
Deux mois de pêche, c’est peu et au fur et à mesure que la
pandémie se prolonge, les tweets continuent de proliférer sur un
sujet qui reste brûlant. Cette étude à vocation sociologique est la
première à prendre le pouls irrégulier des réseaux sociaux au
travers de tweets non académiques qui reflètent l’amplitude et la
diversité de la désinformation ainsi relayée avec les conséquences
que l’on peut imaginer… une enquête de ce genre sur l’usage
des masques à l’échelon mondial ou national serait certainement des
plus instructives, mais l’exemple de Facebook qui abrite désormais
des groupes « antimasques » est à lui-même riche
d’enseignement sur le sujet comme en témoigne une enquête publiée
dans le Monde édition du 26 août 2020 : où l’on apprend que Twitter
n’est pas le leader en matière de désinformation et que d’autres
enquêtes sur les sujets gravitant autour de la Covid-19 sont les
bienvenues pour tenter de redresser le tir et de ménager les
démocraties par temps de crise triple, à la fois sanitaire,
économique et sociale.
A bon entendeur salut … en sachant que comme disait Esope pour qui
voulait l’entendre, « la langue est la meilleure et la pire des
choses ». Si le philosophe venait à ressusciter, il se pourrait
que, sa langue fourchant – ou son esprit agile s’adaptant à la «
post-modernité », il en vienne à mentionner les réseaux
sociaux qui sont désormais une voie de communication plus audible
que d’autres…pour le meilleur et pour le pire.
Des millions de nouveaux virologues-epidemiologistes
Le 27 août 2020
Ce phénomène est véritablement inquiétant. Le covid-19 a fait apparaître des millions de nouveaux virologues-epidemiologistes de cuisine. Et tout le monde y va de son couplet.
Mais le vrai scandale réside dans l'incroyable cacophonie des informations transmises par les différents professionnels de santé et expert sur les chaînes des mass-médias. Les expressions de désaccords entre visions de cette épidémie, clinique versus épidémiologique, et le lavage de linge sale en famille contribuent à exacerber les incompréhensions de la population qui ne sait plus à quel saint se vouer.
Tant les professionnels de santé que ceux de la communication sociale ont bafoué toutes les règles de la communication éducative en matière de santé publique. On a voulu assener des certitudes à la population dans un domaine où le savoir a changé tous les jours.
Quoi d'étonnant que les complotistes et les illuminés se soient saisis de cette histoire ?
Alain Deccache
Vous avez dit la désinformation?
Le 27 août 2020
Comme vous le dites "le manque de culture scientifique est indéniablement la porte ouverte à des exégèses erronées". Des exemples? "Le port du masque par les personnes en bonne santé est inutile, voire dangereux" (Jérôme Salomon, Directeur Général de la Santé, à ma connaissance toujours en poste).
"Il est inutile de porter un masque, cela ne protège pas" (Dr Olivier Véran, Ministre de la Santé). Si j'ai bien compris il ne dit plus la même chose.
Où est la désinformation, où sont les fausses nouvelles? Partout, malheureusement. et quand c'est le Ministre qui le dit, puis exprime le contraire sans état d'âme, on peut légitimement se demander ce qui se passe. Les médecins de plateau télé vont sûrement nous expliquer pourquoi nous ne comprenons pas, ignares que nous sommes. Je vous souhaite le bonjour, nous vivons une époque moderne.
Dr Jean-François Michel
Fake-news toi-même
Le 28 août 2020
Si la presse autorisée ne se vautrait pas dans les mensonges et les âneries, à commencer par les plus sérieux des journaux comme par exemple the Lancet, le recours aux réseaux sociaux serait moins nécessaire. Mais la surréaliste croisade anti-hydroxychloroquine menée par les pouvoirs politiques, administratifs et médiatiques réunis discrédite la parole de ces croisés-là...