Le mavacamten dans la cardiomyopathie hypertrophique obstructive symptomatique : un espoir sérieux

Les traitements destinés à la cardiomyopathie hypertrophique (CMH) ne sont pas légion, notamment pour ce qui est de la pharmacothérapie. De surcroît, l’efficacité des médicaments préconisés dans les recommandations n’a jamais été démontrée par des essais randomisés en bonne et due forme et leur utilisation reste de facto empirique. Cela vaut notamment pour les β bloquants ou les inhibiteurs calciques n’appartenant pas à la classe pharmacologique des dihydropyridines, tels le disopyramide. Force est de reconnaître que le bénéfice thérapeutique est souvent modeste et les effets indésirables fréquents, a fortiori au fur et à mesure s’installe un tableau de CMH obstructive (CMHO) avec augmentation progressive du gradient intraventriculaire au niveau de la chambre de chasse du ventricule gauche (VG).

Un essai contrôlé de phase 2, dit PIONEER-HCM trial, avait attiré l’attention sur l’efficacité potentielle du mavacamten chez des patients atteints d’une CMHO et suscité beaucoup d’espoir. Ce dernier semble bien se matérialiser avec les résultats d’un essai de phase 3 (appelé EXPLORER-HCM trial) dont les résultats viennent d’être présentés au congrès de l’ESC (European Society of Cardiology).

Le mavacamten, premier représentant des inhibiteurs de la myosine cardiaque

L’essai EXPLORER-HCM mené à double insu contre placebo, le mavacamten (ou le placebo) étant prescrit en plus des médicaments autorisés ou recommandés dans la CMHO (cités ci-dessus). Le mavacamten est un inhibiteur de la myosine cardiaque, premier représentant de cette classe pharmacologique nouvelle, qui semble répondre à l’un des désordres hémodynamiques caractérisant la CMH, en l’occurrence l’hypercontractilité myocardique qui influe considérablement sur l’obstruction de la chambre de chasse du VG.

Cette étude multicentrique internationale (13 pays, 68 centres) a inclus 251 patients adultes (sur 429 jugés éligibles, soit 59 %), atteints d’une CMHO symptomatique caractérisée par un gradient intraventriculaire d’au moins 50 mm Hg ou des symptômes les situant dans les classes II ou III de la NYHA (New York Heart Association). Le recrutement s’est effectué entre le 30 mai 2018 et le 12 juillet 2019. Le mavacamten a été administré pendant 30 semaines, la dose initiale étant de 5 mg/jour. Le critère de jugement primaire a été ainsi défini : (1) augmentation de la VO2max d’au moins 1,5 ml/kg/mn et au moins un changement de classe d’une unité NYHA ; (2) ou augmentation de la VO2max d’au moins 3,0 ml/kg/mn sans détérioration fonctionnelle, la classe NYHA étant inchangée. Les critères secondaires ont été les suivants : variation du gradient intraventriculaire mesuré après l’effort, VO2max, classe NYHA et réponses aux questionnaires spécifiques KCCQ-CSS (Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire-Clinical Summary Score) et HCMSQ-SoB (Hypertrophic Cardiomyopathy Symptom Questionnaire Shortness-of-Breath subscore).

Mavacamten dans le traitement de la CMHO: efficacité hémodynamique, fonctionnelle et symptomatique

Deux groupes ont été constitués par tirage au sort : (1) mavacamten (n=123) ; (2) placebo (n=128). Le critère de jugement primaire a été atteint chez 45 patients du groupe traité (37 %), versus 22/128 (17 %) dans le groupe placebo. La différence moyenne intergroupe a été estimée à +19,4 % (intervalle de confiance à 95 % ou IC 95% 8,7 à 30,1 ; p=0,0005).

Par ailleurs, dans le groupe traité, la réduction du gradient intraventriculaire post-effort s’est avérée plus marquée que dans le groupe placebo, soit une différence moyenne de −36 mm Hg (IC 95 % −43,2 à −28,1; p<0,0001). Parallèlement, le gain de VO2max a été plus important (+1,4 ml/kg/mn, IC 95 % 0,6 à 2,1; p=0,0006) et il en a été de même pour l’amélioration des symptômes, qu’il s’agisse des scores KCCQ-CSS (+9·1, IC 95% 5,5 à 12,7; p<0,0001) ou HCMSQ-SoB (−1,8, IC 95 % −2,4 à −1,2; p<0,0001).

Un gain d’au moins une classe de la NYHA a été constaté chez 65 % des patients du groupe traité, versus 31 % dans le groupe placebo, soit une différence en valeur absolue de 34 % (IC 95 % 22,2 à 45,4 % ; p<0,0001). L’acceptabilité clinique et biologique du mavacamten a été jugée satisfaisante, la fréquence des évènements indésirables jugés sérieux étant voisine dans les 2 groupes. Une mort subite a été déplorée dans le groupe placebo.

Les résultats de cet essai randomisé multicentrique international, mené selon les règles de l’art, constituent une étape importante dans la prise en charge de la cardiomyopathie hypertrophique obstructive. C’est en effet la première fois qu’un médicament fait la preuve de son efficacité hémodynamique, fonctionnelle et symptomatique dans cette cardiopathie, ceci à l’aune des essais randomisés. D’autres études s’imposent cependant pour confirmer à plus long terme le rapport bénéfice/risque de cet inhibiteur de la myosine qui vise directement l’un des mécanismes pathogéniques jouant un rôle critique dans la maladie et son évolution tant hémodynamique que clinique.

Dr Peter Stratford

Référence
Olivotto I. et coll. Mavacamten for treatment of symptomatic obstructive hypertrophic cardiomyopathy(EXPLORER-HCM): a randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet 2020 (29 août) : publication avancée en ligne. Congrès de la Société Européenne de Cardiologie (ESC). Du 29 aout au 1er septembre 2020 (virtuel).

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