
Dans cette étude de cohorte multicentrique, les données sur
des patients adultes et transplantés hépatiques, atteints d'une
infection prouvée par le SARS-CoV-2 ont été colligées sur deux
registres internationaux (COVID-Hep et SECURE-Cirrhosis) à la fin
de l'évolution de la maladie.
Les patients dont le statut d'hospitalisation ou l’évolution
(mortalité) n’étaient pas connus ont été exclus. Les données ont
été comparées avec celles d'une cohorte contemporaine de patients
atteints d'une infection par le SARS-CoV-2 mais n’ayant pas eu de
TH à partir des dossiers électroniques de 4 hôpitaux
d’Oxford.
Le risque de décès n’est pas augmenté chez les patients greffés infectés par le SARS-CoV-2
Les principaux critères comprenaient le décès, l'hospitalisation, l'admission en unité de soins intensifs (USI), l'exigence de soins intensifs et le besoin d'une ventilation invasive). Entre le 25 mars et le 26 juin 2020, l’étude a concerné 151 transplantés hépatiques de 18 pays (âge médian 60 ans [47–66], 102 [68 %] hommes, 49 [32 %] femmes) et 627 patients n'ayant pas subi de TH (âge médian de 73 ans [44–84], 329 [52 %] hommes, 298 [48 %] femmes). Les groupes ne différaient pas en ce qui concerne la proportion de malades hospitalisés (124 [82%] dans la cohorte de TH vs 474 [76 %] dans la cohorte de comparaison), ou ayant nécessité des soins intensifs (47 [31 %] vs 185 [30 %]). Cependant, l'admission en USI (43 [28 %] vs 52 [8 %]) et la ventilation invasive (30 [20 %] vs 32 [5 %]) ont été plus fréquentes (p < 0,0001) dans la cohorte de TH. Vingt-huit (19 %) patients de la cohorte de TH sont décédés, contre 167 (27 %) dans la cohorte de comparaison (p = 0,046). Dans l'analyse appariée sur score de propension (ajustement en fonction de l'âge, du sexe, de la concentration de créatinine, de l'obésité, de l'hypertension, du diabète et de l'origine ethnique), la TH n’augmente pas de manière significative le risque de décès chez les patients atteints d'une infection par le SARS-CoV-2 (différence de risque absolu : 1,4 %). L’analyse multivariée montre que l'âge, la concentration sérique initiale de créatinine et le cancer non hépatique sont associés au décès chez les transplantés hépatiques.L’âge et les comorbidités sont ici aussi déterminants
Les proportions de greffés hépatiques hospitalisés pour une
infection par le SARS-CoV-2 (82 %) et décédés (19 %) sont
similaires à celles d'une précédente série de cas européenne, qui
rapportait que 81 % des patients étaient hospitalisés et 16 %
décédés. Chez ces greffés, plus souvent hospitalisés dans les USI
et rapportant plus de signes digestifs, l'âge avancé, la
dégradation initiale de la fonction rénale apparaissaient
indépendamment associés à un risque accru de mortalité. En
revanche, le type d'immunosuppresseurs utilisés et le temps écoulé
depuis la transplantation n’intervenaient pas. Contrairement aux
résultats d'autres cohortes plus petites, l'âge biologique plutôt
que le moment de la transplantation était le plus fortement corrélé
au décès.
Il existe probablement quelques biais dans les différences
d'approches de diagnostic, de probabilité d'admission à l'hôpital
ou aux USI entre les centres de greffe et la cohorte anglaise de
comparaison. Les thérapies antivirales rapportées (notamment
Chloroquine ou Hydroxychloroquine, Lopinavir ou Ritonavir,
Remdesivir) pourraient également avoir été initiées de préférence
chez des patients atteints d'une maladie plus grave ou en réponse à
un autre facteur, différent d'un centre à l'autre. Leur efficacité
est très controversée et ne paraît pas devoir intervenir dans leur
prescription prépondérante chez les patients greffés. De façon
générale, les facteurs traditionnels de mortalité due au Covid-19
prennent néanmoins le pas sur le simple statut de greffés
hépatiques soumis à une immunosuppression qui n’a pas été modifiée
durant l’épisode infectieux. Ces résultats devraient rassurer les
patients, les cliniciens et les tutelles sur le fait que la TH et
probablement les autres transplantations d’organes ne confèrent pas
de risque supplémentaire majeur à l’infection Covid-19. D’autres
registres de transplantation nationaux pourront répondre à cette
interrogation.
Dr Sylvain Beorchia