Toxicité des e-cigarettes : les preuves s’accumulent
« Les arômes présents dans les e-cigarettes se combinent à leurs
solvants pour produire de nouveaux produits chimiques toxiques
irritant pour les voies respiratoires et au potentiel délétère pour
les poumons et le système cardio-vasculaire », affirme
Sven-Eric Jordt (Université de Duke, Caroline du Nord, États-Unis)
dans le cadre du congrès virtuel de la Société Européenne de
Pneumologie (1). Cette déclaration qui va à l’encontre
des affirmations de l’industrie du tabac est basée sur les travaux
de son équipe qui ont montré, dans un premier temps, qu’en se
combinant au propylène glycol ou à la glycérine végétale (les deux
solvants les plus communément utilisés dans les e-cigarettes), les
arômes présents dans les e-cigarettes (vanilline et
éthyle-vanilline, benzaldéhyde et cinnamaldéhyde ) forment de
nouveaux produits de la classe des acétals. Plus de 50 % des arômes
présents sont ainsi convertis en acétals après 48 heures de
mélange.
Les acétals produits par la combinaison « solvants + arômes »
ont un impact délétère sur les cellules respiratoires
Les chercheurs ont ensuite analysé l’impact de ces acétals sur
des cultures de cellules respiratoires et constaté que ces produits
activent les récepteurs irritants sensoriels des terminaisons
nerveuses bronchiques, à savoir les TRPV1 et TRPA1. L’activation de
ces récepteurs enclenche une série de réponses inflammatoires et
peut augmenter la fréquence cardiaque entrainant chez les personnes
prédisposées, une irrégularité du rythme et une élévation de la
pression artérielle.
Cette activation génère aussi une augmentation des sécrétions
dans les voies nasales et les poumons, conduisant à des difficultés
respiratoires et de la toux. Enfin, même à faible concentration (de
l’ordre de la millimole), ces produits nouvellement formés
entraînent la mort des cellules qui tapissent les bronches. Une
analyse plus fine a permis ensuite de constater que cette toxicité
passe par la suppression de la capacité des mitochondries à
consommer de l’oxygène et à produire de l’ATP.
La principale conclusion de cette étude, selon les auteurs, passe
par la nécessité absolue d’imposer aux fabricants d’énumérer non
seulement les produits chimiques entrant dans la composition
primaire de leurs e-cigarettes, mais aussi les produits
nouvellement formés lorsque le liquide est stocké pour une durée
quelconque. Il faudrait également lancer des études toxicologiques
pour évaluer l’innocuité de ces nouveaux composants (dont on sait
qu’ils irritent les récepteurs sensitifs des canaux ioniques TRP
pour Transient Receptor Potential) afin d’évaluer le niveau
de risque pour la santé des cigarettes électroniques et émettre des
recommandations aux fabricants afin de réduire les concentrations
pour atténuer le risque à un niveau acceptable.
Des compositions différentes selon les régions
La même équipe a analysé les liquides contenus dans les
e-cigarettes à la menthe, à la vanille et à la mangue du leader du
marché américain de cigarettes électroniques (Juul), et comparé ces
contenus avec ceux des mêmes produits vendus au Canada, au
Royaume-Uni, en France, en Allemagne et en Italie, où Juul a été
introduit au cours du second semestre 2018 et au début de 2019
(2). Concrètement, la composition de ces
e-liquides est identique aux États-Unis et au Canada, mais diffère
des e-liquides disponibles en Europe. Les premiers contiennent
jusqu’à 59 mg/ml en nicotine, soit environ 5 % du liquide, alors
que la réglementation Européenne limite la teneur en nicotine à 20
mg/ml, soit environ 1,7 % du liquide.
Cependant, du fait d’une teneur plus faible en nicotine (au
goût très amer), les produits Européens contiennent également des
quantités plus faibles d’agents aromatisants en comparaison aux
produits Américains et Canadiens, à une exception près : la
quantité moindre de menthol (qui procure l’effet rafraîchissant)
dans l’e-liquide Européen à la menthe a été remplacée par un
liquide de refroidissement synthétique, le
N-ethyl-p-mentane-3-carboxamide, appelé aussi WS-3 (pour
Wilkinson Sword-3), qui produit un effet de rafraichissement
similaire au menthol, mais sans son odeur distinctive. Le problème
selon Hanno Erythropel qui présentait l’étude est que la sécurité
de l’inhalation de ce WS-3 dans les cigarettes électroniques est
encore largement inconnue.
Prendre des mesures ?
Ces résultats soulignent que les cigarettes électroniques ne
peuvent être considérées comme une alternative sûre aux cigarettes
classiques et qu’il faudrait entreprendre des recherches plus
approfondies sur les composants constitutifs des e-liquides et
leurs combinaisons, concluaient les experts.
La cigarette thermique produite par les industriels du tabac est elle aussi fort riche en composés physico-chimiques divers : - particules fines ; - monoxyde carbone ; - composés divers (nitrosamines, formaldéhyde, benzène, hydrocarbures insaturés, goudrons)... Les essais sur l’homme sont aujourd’hui toujours en cours, dans tous les pays. Les conclusions intermédiaires ont été publiées et elles sont concordantes : perte d’espérance de vie en bonne santé estimée à 10 ans, chez les fumeurs constants. En toxicologie, la dose toxique minimale (DTM ou DTmin), est la plus petite dose toxique d'une substance connue pour avoir des effets toxiques, chez une espèce animale particulière ou chez l’homme. On a ainsi pu montrer que le taux de mortalité de l’eau potable en administration aigüe chez l’homme est de 100 %, à la dose de 1 millilitre/gramme seulement. Pour revenir à cette publication, en l’absence totale de données chiffrées, et sans mise en contexte dans les conditions usuelles d’utilisation, il est impossible de tirer la moindre conclusion quant à la toxicité supposée ou réelle de la (ou des) cigarettes électroniques, tout simplement….
Se pose aussi également une autre question : Quel est l’intérêt de publier ce type d’étude, que je qualifie volontiers de "scientifico-anxiogène", car ce n’est pas la première du genre : à qui profitent-elles, par qui pourraient-elles être financées ? Ne soyons pas trop naïfs…