Une proposition explosive : n’analysons plus les échantillons de plus de quatre jours pour rattraper le retard

Paris, le mardi 22 septembre 2020 – L’efficacité de la politique de dépistage de la Covid-19 en France, qui a fait le choix cet été d’un très large accès aux tests, est remise en question. En effet, si près de 1,2 million de tests par semaine sont désormais réalisés, l’intérêt de cette performance est quasiment annihilé par l’accumulation des retards de rendez-vous et de rendus des résultats. Aujourd’hui, selon le vice-président du Syndicat national des médecins biologistes, le docteur Jean-Claude Azoulay, interrogé par plusieurs médias dont Le Monde et France TV, « la moyenne des retards pour obtenir des résultats des tests PCR c'est sept jours ». Or, connaître son statut virologique sept jours après un dépistage a une portée plus que limitée pour prendre des mesures efficaces pour limiter la contagion.

Quand c’est trop tard, c’est trop tard

Comment résorber ce retard. Le docteur Jean-Claude Azoulay suggère une mesure audacieuse : ne pas analyser les prélèvements réalisés il y a plus de quatre jours, puisque l’on peut considérer que le temps écoulé rend bien moins pertinent la connaissance du statut virologique. « Cela correspondrait à 7000 tests quotidiens en moins, sur une activité totale de 35 000 à 40 000 par jour » indique-t-il. Parallèlement, il préconise de consacrer 80 % de l’activité de PCR au traitement des prélèvements du jour et le reste à l’analyse des tests datant de un à quatre jours. « En trois jours, cette stratégie permettrait de résorber le passif, afin de pouvoir ensuite rendre des résultats dans un délai acceptable de moins de quarante-huit heures » assure-t-il.

Priorisation vraiment en marche

Bien sûr, le docteur Azoulay n’ignore pas qu’une telle mesure puisse être difficile à accepter pour les patients mais semble cependant répondre à une logique épidémique. Au-delà Jean-Claude Azoulay attend beaucoup des annonces de ces derniers jours du ministre de la Santé concernant la priorisation des tests. Hier, Olivier Véran a ainsi inauguré un des vingt nouveaux centres de dépistage et de diagnostic (CDDC) installés en Ile de France cette semaine, dont l’objectif est la prise en charge uniquement des personnes disposant d’une prescription médicale, des cas contacts (ayant fait l’objet d’un « traçage » de l’Assurance maladie) et des professionnels de santé. « Notre objectif c’est la priorisation. Toutes les personnes considérées comme prioritaires doivent pouvoir se faire dépister sans rendez-vous et avec des délais de réponse rapides. Nous visons un objectif de 500 tests par jour par centre et une réponse dans les 24 heures suivant le test », a insisté le ministre de la Santé.

1,2 million de tests, et après ?

Les représentants des biologistes médicaux ont salué ces initiatives mais certains considèrent qu’elles pourraient être insuffisantes. Peut-être ne serait-il en effet pas inutile de revoir non seulement la philosophie du dépistage mais aussi les conditions d’emploi des différentes méthodes aujourd’hui existant. Ainsi, Jean-Claude Azoulay s’interroge ouvertement sur la nécessité d’un aussi vaste dépistage. « Jusqu’à combien de tests par jour allons-nous monter ? Est-ce vraiment utile ? Est-ce qu’il est utile que certaines personnes viennent se faire dépister trois fois par semaine parce qu’elles sont inquiètes ? Il faut réguler. On est toujours capables de faire 1,2 million de tests par semaine mais autant les faire à bon escient » insiste-t-il.

Des outils pas ou mal utilisés

Enfin, au-delà des interrogations sur la finalité d’un dépistage aussi massif, la nécessité de repenser les outils existants est rappelée. Ainsi, à l’instar d’autres avant lui, Jean-Claude Azoulay défend la technique du pooling (par exemple pour les échantillons de personnes asymptomatiques). Par ailleurs, concernant les tests antigéniques, il semble regretter la stratégie retenue par les pouvoirs publics. « J’estime qu’ils pourraient être proposés en première intention aux personnes symptomatiques, avec contrôle par une PCR si le résultat est négatif (…). Ce qui est actuellement recommandé (…) est de pratiquer des tests d’orientation diagnostique et de les confirmer s’ils sont positifs. Exactement le contraire de ce que je préconise ». Le gouvernement devrait-il encore une fois revoir son modèle ? Pour certains acteurs, la réponse semble clairement affirmative.

Léa Crébat

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