Surveillance de la Covid-19 par test salivaire : on mélange tout !

Les membres des équipes soignantes sont à haut risque d’infection par le SARS-CoV-2. Un pneumologue sur cinq en contact avec des patients a été infecté pendant la première vague de l’épidémie de Covid-19 au Royaume-Uni (entre mars et juillet 2020), et un sur 3 a dû se confiner au moins une fois du fait de symptômes ou de contact avec un sujet symptomatique. C’est dire la nécessité d’un système de surveillance efficace, pour réduire le plus possible le risque d’infection nosocomiale et limiter le manque de personnel lors d’un nouveau pic épidémique.

Le test PCR n’est pas bien adapté pour une surveillance pratique en routine : prélèvement relativement inconfortable, nécessité d’un contact étroit entre le prélevé et le « préleveur » pour une procédure qui peut entraîner de la toux et la production d’aérosols, technique opérateur-dépendante, et nécessité d’un nombre important de kits de prélèvement. Les allongements des délais d’obtention des résultats sont le témoin de l’inadéquation de ces tests en cas de besoins massifs de dépistage.

Les tests salivaires sont fiables

En août 2020, des chercheurs de l’université de Yale ont démontré que les prélèvements salivaires étaient aussi sensibles que les prélèvements naso-pharyngés pour la détection du SARS-CoV-2, pendant l’hospitalisation. Ils ont ensuite confirmé ce résultat sur des professionnels de santé asymptomatiques. Cela offre une option supplémentaire pour le dépistage à grande échelle. Mais, si le prélèvement salivaire est plus simple en pratique courante, il ne règle pas tous les problèmes de logistique. Le système serait encore vite débordé en cas de tests pratiqués régulièrement à très grande échelle, avec un délai rapide d’obtention des résultats, tel que l’exigerait un programme de surveillance des équipes soignantes.

Et il est possible de tester jusqu’à 32 échantillons mélangés

Pour pallier ces difficultés, une contribution au Lancet propose une solution : la mise en commun (« pooling ») des échantillons de salive. L’amplification du signal Covid-19 par PCR rend le test très sensible pour de faibles concentrations virales, et permet de regrouper et de tester plusieurs prélèvements en un seul test. Si le test d’échantillons « poolés » est négatif, cela signifie que toutes les personnes testées sont négatives. Les auteurs du billet proposent donc un nouveau système de surveillance, qui pourrait, dans un premier temps, être testé chez les professionnels de santé, analysé et corrigé si nécessaire.

Au moins une fois par semaine, chaque soignant en contact avec des patients fournirait 2 prélèvements de salive (échantillons A et B). L’échantillon A serait regroupé avec les prélèvements d’autres personnes, et testé. Si le test est négatif au SARS-CoV-2, l’on peut considérer qu’aucun des donneurs de salive n’est positif. Si le test est positif, les échantillons B de chaque individu sont à leur tour testés pour établir le ou les donneurs positifs. Les premiers travaux indiquent qu’au moins 32 prélèvements peuvent ainsi être mis en commun.

Si cette méthode s’avère efficace et fiable, les tests salivaires fourniraient un moyen rapide de surveillance des équipes soignantes, pour un coût relativement raisonnable. La méthode pourrait ensuite être rapidement étendue à d’autres groupes, EHPAD, écoles, universités, prisons, crèches, usines, etc.

Les auteurs reconnaissent que cette méthode de regroupement des prélèvements comporte aussi quelques inconvénients. Ils estiment toutefois que, si elle n’est pas idéale, elle est préférable aux délais d’attente des résultats des tests tels que de nombreux pays les connaissent actuellement, et mérite d’être évaluée.

Dr Roseline Péluchon

Référence
Fogarty A et coll. : Pooled saliva samples for COVID-19 surveillance programme. Lancet Respir Med 2020 – Publié en ligne le 22 Septembre. doi.org/10.1016/S2213-2600(20)30444-6

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Vos réactions (3)

  • L'analyse groupée devient enfin intéressante...

    Le 26 septembre 2020

    ... grâce à la méthode salivaire qui ne sollicite pas de gros moyens en personnel et en logistique. On peut même dire que l'intérêt principal des tests salivaires est justement cette possibilité.
    Le groupage n'est pas une méthode miracle en biologie : il ne résout aucune des vraies difficultés tenant à l'organisation des prélèvements et à la gestion des échantillons ; il pose des problèmes méthodologiques particuliers qui font que sa rentabilité effective dépend de ses modalités d'usage.
    En pratique, prélèvements salivaires et groupage sont assurément une solution adaptée au dépistage systématique réservé aux contextes professionnels à haut risque. Il est plus douteux que cela soit utile en d'autres contextes.

    Dr Pierre Rimbaud

  • Automatisation des tests de dépistage salivaire COVID-19

    Le 29 septembre 2020

    6000 tests par jour et par machine grâce à la technologie microfluidique du système développé et vendu par Fluidigm et autorisé en urgence par la Food and Drug Administration il y a un mois.

    NB: Je ne travaille plus pour Fluidigm et je n’ai aucun interêt financier.

    https://www.linkedin.com/posts/matthew-cucuzza-rsm-at-fluidigm-a6b66341_covid19test-publichealth-microfluidics-activity-6704417882006274048-h16V

    Anne Leyrat (San Carlos, USA)

  • Ce n'est pas un test salivaire mais un prélèvement salivaire

    Le 03 février 2021

    Ce n'est pas un test salivaire mais un prélèvement salivaire, le test est ensuite un test RT-PCR classique...
    L'idée est très séduisante mais :
    1) le prélèvement est plus délicat qu'annoncé. Il ne s'agit pas de cracher dans un tube mais de prélever à l'aide d'une pastette de la salive au niveau de la (des) glande salivaire. Ce prélèvement est déjà pratiqué pour des publics sensibles qui ne supporteraient pas le prélèvement nasopharyngé.

    2) il peut donc être réalisé en auto-prélèvement par des professionnels de santé, mais il faudra le réaliser pour les autres publics.

    3) l'idée de pooler est géniale mais interdite en France. Pourquoi ? suite aux conséquences dramatiques que ça a eu dans le cadre du dépistage du sida. Poolage par les CTS pour trier les poches de sang...
    Mais on est en 2021, la PCR est très sensible, il y a une étude concluante... il pourrait y avoir un décret dérogatoire.

    4) il n'y a aucun retard pour les tests PCR (je ne parle pas du rdv pour prélèvement) actuellement en France ! Olivier Véran lui-même a parlé de rendu en 0,6 jours.
    Ni aucun risque de saturation, les machines tournent 24/24 et 7/7 et il n'y a pas de pénurie de réactifs.
    DONC le poolage est inutile (il aurait pu être utile au printemps). Le prélèvement salivaire bien fait si. Dans le cadre d'un partenariat avec un laboratoire les prélèvements salivaires d'un service faits le matin seraient rendus l'après-midi. À condition que le protocole soit validé par la HAS !

    Dr Jouve, Biologiste

    PS : Extrait de l'avis de la HAS du 22/1/2021 sur ce sujet

    "Ainsi, avant de pouvoir préciser la place des RT-PCR sur prélèvement salivaire dans la stratégie de prise en charge de l’infection à SARS-CoV-2 (et tout particulièrement chez les personnes asymptomatiques), il convient de définir précisément :

    les conditions techniques de réalisation de ce test ;
    les organisations à mettre en place au niveau des laboratoires de biologie médicale, préalablement à tout déploiement à large échelle.
    Ces conditions techniques pourront être prochainement précisées en fonction notamment des résultats définitifs des études françaises COVISAL, SALICOV et SAMILCOV. Il conviendra également d’articuler les places respectives des tests RT-PCR sur prélèvement salivaire et des tests antigéniques rapides sur prélèvement nasopharyngé dans la stratégie de prise en charge de l’infection à SARS-CoV-2.

    https://www.has-sante.fr/jcms/p_3233975/fr/avis-n-2021-0005/ac/seap-du-22-janvier-2021-du-college-de-la-has-relatif-a-la-detection-du-genome-du-virus-sars-cov-2-par-technique-de-transcription-inverse-suivie-d-une-amplification-rt-pcr-sur-prelevement-salivaire

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