Face aux impératifs sanitaires et politiques, le gouvernement oscille entre décentralisation et jacobinisme
Paris, le jeudi 1er octobre 2020 – Le
ministre de la Santé, Olivier Véran, doit s’adresser aujourd’hui
aux Français, pour un nouveau point hebdomadaire sur la situation
épidémique. Son intervention la semaine dernière avait conduit à la
présentation d’un nouveau système d’alerte, reposant sur la
conjonction de trois critères : le taux d’incidence pour 100 000
habitants, le taux d’incidence chez les personnes de 65 ans et plus
et le taux d’occupation par des patients atteints de Covid-19 des
lits de réanimation. Le dépassement de différents seuils de ces
indicateurs entraîne la classification des départements en zone
d’alerte, alerte renforcée ou alerte maximale. Chaque niveau est
associé à différentes mesures, qui vont crescendo, et qui sont
destinées à limiter les situations propices à la circulation du
virus.
Paris, la nouvelle Marseille ?
La présentation, mercredi 23 septembre, de ce nouveau
dispositif et des mesures qu’il entraînait avait été accueillie par
un mélange de stupéfaction et de consternation, en particulier à
Marseille, où la fermeture des bars et des restaurants s’est
imposée depuis lundi. Aujourd’hui, l’adoption de ces nouvelles
règles fait redouter le pire dans plusieurs grandes villes et en
premier lieu à Paris. Les dépassements de seuil qui ont conduit le
gouvernement à décider la fermeture des bars et restaurants dans la
cité phocéenne ont en effet été franchis cette semaine dans la
capitale : le taux d’incidence atteint 259,6 pour 100 000 habitants
(soit au-delà de 250), celui concernant les personnes de 60-69 ans
frôle les 133/100 000 (au-delà des 100 pour 100 0000), tandis que
32 % des patients admis en réanimation sont atteints de Covid-19
(quand le seuil d’alerte a été fixé à 30 %). Dans le Rhône (autour
de Lyon), le Nord (Lille) et dans l’Isère (Grenoble), si la tension
demeure, notamment dans les services de réanimation, les seuils
critiques (tels qu’ils ont été définis) n’ont pas encore été
dépassés.
Paris prie la Bonne mère
A Paris, l’analyse de la situation forçait l’adjointe au maire
chargée des questions de santé au fatalisme. « Nous ne sommes
pas dans une situation qui permette de dire non à des mesures plus
dures, ils ne peuvent pas aller au-dessous de ce qu’ils ont proposé
pour Marseille, il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures
», a ainsi observé Anne Souyris. Pourtant, elle demeurait
combattive, rappelant tout d’abord la nécessité de la concertation,
et préconisant plutôt un durcissement des « sanctions »
vis-à-vis des établissements ne respectant pas les règles… à
l’instar de ce que préconisait en fin de semaine dernière le
président de la région PACA, Renaud Muselier.
Ambivalence
Ce mélange de résignation et d’espoir n’est que le reflet de
l’ambivalence du gouvernement. Si plusieurs petites phrases de
différents membres du gouvernement ont conforté beaucoup dans
l’idée que les pouvoirs publics n’excluaient aucune piste, y
compris celle d’un confinement local, tandis que la prolongation
des mesures de chômage partiel est perçue comme le signe que les
mesures de fermeture sont amenées à se prolonger, ce matin le
Président de la République, depuis Riga, a observé : « Le
gouvernement doit pouvoir prendre des mesures additionnelles
nécessaires en fonction de l’évolution de l’épidémie et chaque
mesure prise a un temps de vie de quinze jours parce que c’est le
temps qui permet de voir son efficacité ». Une telle allusion à
la nécessité d’un plus grand recul pourrait renvoyer à au moins la
semaine prochaine la décision ou non de dispositions plus fermes à
Paris. Parallèlement, à l’issue de la réunion organisée aujourd’hui
par le Premier ministre Jean Castex avec plusieurs maires de
grandes villes, le gouvernement pourrait choisir une nouvelle fois
de renvoyer la responsabilité de l’application de mesures plus
sévères de contrôle de l’épidémie aux « territoires ».
Fermer les restaurants ne suffit pas…
Il s’agit à la fois pour le pouvoir central de se dédouaner en
partie de sa responsabilité, alors que parallèlement à l’inquiétude
toujours marquée des Français, les contestations progressent (avec
par exemple l’annonce des restaurateurs franciliens d’organiser au
moins une manifestation par semaine et le refus des députés non
marcheurs d’adopter le projet de loi visant à proroger les mesures
transitoires votées après l’état d’urgence sanitaire), mais aussi
de gagner du temps. Gagner du temps pour corriger les autres
leviers de contrôle de la maladie que sont les politiques de tests
et de traçage.
Or, aujourd’hui, les dysfonctionnements demeurent nombreux.
Ainsi, concernant l’identification des cas contact, les retards
très importants de rendu des résultats altèrent totalement
l’efficacité de cette stratégie. « L’enquête commence beaucoup
trop tard. Quand une personne est appelée tardivement pour donner
ses contacts, ceux-ci sont déjà contagieux depuis plusieurs jours.
Cela ne sert à rien de faire du contact tracing si on part avec
huit jours de retard. Pour raccourcir les délais, il faut réduire
les indications des tests à ceux qui en ont vraiment besoin : les
malades, les cas contacts, ou encore les soignants. », insiste
encore une fois dans les colonnes du Monde,
l’épidémiologiste Renaud Piarroux. Parallèlement, en dépit des
exhortations du Premier ministre au début du mois de septembre, il
semble qu’il n’y ait eu aucune réelle évolution concernant le
renforcement du contrôle du suivi des mesures d’isolement. Enfin,
le gouvernement ne peut ignorer que dans les hôpitaux, les équipes
n’attendent pas uniquement l’adoption de restrictions visant à
empêcher la circulation du virus, mais également des moyens
supplémentaires, qui avaient été déployés au printemps, mais qui
aujourd’hui font cruellement défaut.
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