REGN-CoV-2 : un cocktail expérimental d’anticorps monoclonaux administré au président Trump
Washington, le 3 octobre 2020 - A un mois de l’échéance
électorale, le peuple américain retient son souffle, son Président,
honni ou adulé, a été hospitalisé pour Covid-19.
Après l’annonce du test positif, dans la nuit de jeudi à
vendredi, le médecin de la Maison Blanche, Sean Conley, s’était
pourtant montré confiant : « le président et la première dame
vont bien en ce moment et prévoient de rester chez eux à la Maison
Blanche pendant leur convalescence », avait-il déclaré. Mais ce
matin, on apprenait que le président était hospitalisé par mesure «
d’extrême prudence » après qu’il ait montré des signes de
fatigue et d’essoufflement.
Remdesivir et REGN-CoV-2
Le Président des États-Unis bénéficie d’un traitement inédit
et expérimental associant d’une part le bien connu et contesté
remdesivir et d’autre part le plus confidentiel
REGN-CoV-2.
Ce dernier médicament est un cocktail d'anticorps monoclonaux
expérimental développé par la firme de biotechnologie Regeneron qui
s’était déjà illustré dans le traitement de la fièvre hémorragique
à virus Ebola.
Le REGN-CoV-2 lui a été admistré avant son transfert à
l’hôpital Walter Reed en hélicoptère. Il consiste en une injection
unique d’une dose de 2, 4 ou 8 mg.
Dans la seule publication (en pré-print non relue par les
pairs) sur le site du BMJ (1) dont a fait l’objet le REGN-CoV-2,
les auteurs le présentent comme une sorte de vaccin thérapeutique,
« un cocktail de deux puissants anticorps neutralisants » «
ciblant la protéine spike du SARS-CoV-2 ». Ces travaux
démontreraient « l’efficacité in vivo de ce cocktail d'anticorps
chez les macaques rhésus et les hamsters dorés » et que le «
REGN-COV-2 peut réduire considérablement la charge virale dans
les voies respiratoires inférieures et supérieures et diminuer les
séquelles pathologiques induites par le virus lorsqu'il est
administré de manière prophylactique ou thérapeutique
».
Pas plus tard que ce mardi, la firme informait dans un
communiqué, que, dans un essai randomisé en double aveugle en cours
incluant 275 patients, le REGN-CoV-2 réduisait « la charge
virale et la durée de la phase symptomatique » chez les
patients non hospitalisés atteints de Covid-19 (2).
« Nous sommes très encouragés par ces données initiales
robustes et cohérentes, ainsi que par le profil de sécurité (…), et
nous avons commencé à discuter de nos conclusions avec les
autorités réglementaires tout en poursuivant nos essais en
cours » avait ainsi pu déclarer le Dr Yancopoulos directeur
scientifique de Regeneron
Avec ce traitement, associé au remdesivir dont l’efficacité
est démontrée sur des « critères cliniques peu convaincants
» comme le souligne au JIM le Pr Bruno Megarbane, c’est donc un
véritable coup de poker auquel se livrent les médecins du président
américain.
Ce n'est pas vraiment un coup de poker, puisqu'il s'agit en fait d'une version moderne (quant à sa technologie de fabrication) de la sérothérapie, bien connue depuis des décennies. Donc si on espère de la sérothérapie, pas de raison de ne pas espérer des anticorps monoclonaux.
Pour mémoire, l'administration de plasma de malades convalescents pour traiter une maladie virale ne date pas d'hier. Celle-ci avait déjà été expérimentée pour le traitement de la pandémie grippale en 1918 (oui, en 1918 !) ; plus c'était précoce, mieux c'était. Grigaut (A.), Moutier (Fa.). “Essai de traitement de la grippe par la plasmothérapie (injections intra-veineuses de plasma de convalescent)“. Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1918, Séance du 18 novembre 1918.