
La fête est finie, mais pas l’école et la vie
Un tel dispositif a été justifié par la situation sanitaire
préoccupante, qui touche l’ensemble du pays (ce qui rend difficile
les transferts de patients). Cependant, refusant un reconfinement,
plus encore généralisé, cette mesure a été choisie par les
autorités politiques pour pouvoir tout à la fois protéger en partie
la vie économique et d’une manière plus restreinte sociale, sans
nuire aux activités d’enseignement, tout en mettant un coup d’arrêt
aux rassemblements festifs qui sont considérés comme générateurs
d’un grand nombre de contaminations. Emmanuel Macron a affirmé : «
Nous n’avons pas perdu le contrôle » et refuse de « céder
à la panique », mais insiste sur le fait que l’inaction est
impossible.
Des précisions attendues
Les détails de l’application de cette mesure doivent être
donnés aujourd’hui par le Premier ministre et par les ministres
concernés (Intérieur, Travail, Santé, Économie). Il s’agira
notamment de préciser les conditions juridiques et pratiques de
dérogations à la mesure générale de couvre feu. Des précisions sont
également attendues sur les compensations financières qui seront
allouées pour soutenir les secteurs fortement touchés
(restauration, hôtellerie, cinéma, spectacle vivant…), tandis que
le Président de la République a précisé les nouvelles mesures
financières concernant les plus précaires. Les mairies doivent
œuvrer en collaboration avec l’État pour la mise en place du
dispositif. Hier, la plupart d’entre elles ont accueilli les
annonces présidentielles sans surprise et en confirmant leur
souhait de travailler en bonne intelligence avec l’État. Cependant,
des aménagements sont encore espérés. Ainsi, Anne Hidalgo, à Paris
souhaite pouvoir discuter avec le ministre de la Culture afin de «
trouver des solutions ou des dérogations pour que les auteurs et
les artistes du spectacle vivant puissent continuer à présenter au
public leurs créations dans le strict respect des règles
sanitaires ».
La conférence de presse du Premier ministre sera également
cruciale pour préciser quelles autres mesures, associées à l’état
d’alerte renforcée ou maximum décrété dans différents territoires,
perdureront ces prochaines semaines (fermeture des salles de sport
par exemple).
Stop Covid : litote présidentielle
Parallèlement à ces annonces concernant le couvre feu, le
Président de la République a promis que notre arsenal de repérage
et de dépistage allait être renforcé pour gagner en efficacité. Il
a ainsi évoqué le recours aux tests antigéniques, qui ont été la
semaine dernière l’objet d’un avis de la Haute autorité de santé
(HAS) qui suppose cependant une utilisation restreinte à certains
cas (patients symptomatiques pour lesquels un résultat ne peut être
espéré avant 48 heures et dépistage de masse, mais pas les cas
contact par exemple). Alors que le gouvernement a dessiné un
dispositif très souple (avec par exemple la possibilité des
autotests), il est possible de supposer des élargissements par
rapport à la doctrine actuelle et les annones d’Olivier Véran sont
donc très attendues. Il devrait également peut-être être interrogé
sur le nouveau système numérique. Refusant le mot « d’échec
» et préférant la litote « Ça n’a pas marché », le Président
de la République a indiqué que face à l’inefficacité de Stop Covid,
ce dernier serait remplacé par « Tous anti Covid » (et non
pas télé Covid comme l'avait évoqué le premier ministre !). Alors
qu’Emmanuel Macron a évoqué la possibilité que ce système soit
déployé dans certains lieux comme les restaurants, les questions
sont nombreuses sur le régime qui s’imposera.
Bienvenue en Absurdie
Si la très grande majorité des médecins qui s’expriment de
façon régulière dans les médias et sur les réseaux sociaux ont
salué ces mesures considérées comme nécessaires et permettant
cependant d’éviter non seulement la mise à l’arrêt de tout le pays
mais aussi la suspension des consultations médicales (non Covid),
la classe politique s’est montrée moins unanime. Les critiques ont
été nombreuses à droite comme à l’extrême gauche. Jean-Luc
Mélenchon s’est ainsi fait remarquer, considérant comme «
absurde » de sonner le couvre feu alors que les écoles, les
universités et les entreprises sont aujourd’hui, selon les données
établies par Santé publique France et les ARS comme les lieux
comptant les plus grand nombre de clusters. Une correction a été
très vite donnée par Olivier Véran : « 60 % des clusters, ça
signifie 10 % des contaminations identifiées. Vous confondez
clusters et diagnostics. Dommage de polémiquer à l’heure où nous
voulons préserver l’éducation, sauvegarder les emplois et lutter
efficacement contre cette épidémie dans l’intérêt des Français
». Si les données concernant les clusters et les foyers sont
effectivement à interpréter de façon prudente, cette remarque du
président de La France Insoumise fait écho à de nombreuses
réactions décelant une forme d’incohérence, voire d’hypocrisie,
dans le choix d’imposer un couvre feu tout en refusant d’imposer
quand cela est possible le télétravail.
La solidarité doit-elle remplacer la liberté dans la devise nationale ?
Aurélie Haroche