
Souffle
Ainsi est l’internaute qui subit son second confinement, se
demandant si la culture, les ballets, les opéras, toutes ces choses
non essentielles mais qui apparaissaient pourtant constituer le sel
de l’existence, son surplus d’humanité, reviendront un jour. Ainsi,
est l’internaute quand il découvre Marta Gonzalez. C’est une
minuscule femme, presque décharnée, dans un fauteuil roulant.
Accablée par les heures qui se sont écoulées sans lumière,
recroquevillée sur des articulations usées, elle flotte dans une
chemise trop grande pour elle. Elle porte un casque. Elle entend le
souffle de Tchaïkovski, la puissance de cette musique qui
s’emporte, Le lac des cygnes. Et soudain, son corps ne flotte plus
dans sa chemise trop grande pour elle, mais prend la forme d’un
vol. Les bras se détendent et dessinent les arabesques de
l’ancienne danse. Les images sont superposées avec celles, en noir
et blanc, d’une danseuse. D’un cygne blanc il y a des
décennies.
Libération
Ces images ont été diffusées par l’association espagnole
Musica para despertar (la musique pour se réveiller) qui
plébiscite le recours à la musique pour soutenir les personnes
atteintes de maladies neurodégénératives. Marta Gonzalez est une
ancienne danseuse espagnole, décédée récemment, qui avait un temps
été danseuse étoile au Ballet de New York, comme le révèle un
certificat publié par l’association. L’éveil de ses souvenirs et de
son corps sous l’effet de la musique fait écho à quelques histoires
célèbres de danseurs qui, l’âge venant et la mémoire
s’affaiblissant, ont pourtant conservé au-delà des troubles
neuronaux le souvenir précis de pas ou de mouvements. Surtout, il a
été reçu comme un témoignage, un cygne d’espoir sur nos vies et nos
devenirs, montrant qu’il n’y a pas de confinement absolu pour les
passions et les notes de musique.
Aurélie Haroche