La France peut-elle sanctionner le non-respect des mesures d’isolement ?
Paris, le lundi 16 novembre 2020 - C’est sans doute l’une des
clés dans le contrôle de l’épidémie de coronavirus. Comment assurer
un isolement efficace des personnes qu’elles soient atteintes de
Covid-19 ou qu’elles soient simplement cas contacts ? On sait que
le maintien à l’isolement soulève de nombreuses difficultés
pratiques, notamment dans les quartiers défavorisés où des familles
partagent des logements exigus, tandis que les employeurs ne sont
pas toujours en ligne avec les préconisations des autorités
sanitaires. Par ailleurs, contrairement à d’autres pays, la France
n’a pas fait le choix de généraliser le recours aux hôtels pour
assurer le respect de l’isolement. Surtout, la France applique sur
cette question précise une politique libérale en ne prévoyant
aucune sanction en cas de violation des règles.
Les autorités semblent conscientes de cette situation et des
failles majeures de la stratégie française en la matière. Ainsi,
interrogé dimanche dernier sur l’antenne de France Inter, le
Ministre de la Santé Olivier Véran a reconnu qu’un certain nombre
de clusters en entreprises avaient pour origine des personnes qui,
bien que se sachant infectées par SARS-CoV-2 mais asymptomatiques,
avaient fait le choix de retourner au travail. Un retour au travail
parfois encouragé par les employeurs. Déjà, en septembre dernier,
le Conseil Scientifique s’était inquiété publiquement de l’absence
de données disponibles pour s’assurer du suivi efficace des mesures
d’isolement (mesures qui en outre ne seraient pas toujours
suffisamment bien expliquées aux sujets concernés).
Près de deux mois après cette alerte du Conseil Scientifique,
des députés du groupe Agir (apparenté à la majorité) ont proposé
l’instauration d’une contravention en cas de non-respect des
mesures d’isolement, par une amende pouvant aller jusqu’à 10 000
euros. Si Olivier Véran a écarté dans un premier temps cette
option, le gouvernement envisagerait à l’avenir de recourir à cette
solution qui soulève toutefois un certain nombre d’obstacles
juridiques.
Un droit qui permet (théoriquement) d’ordonner
l’isolement
En théorie, il serait possible pour les autorités
administratives et judiciaires de contraindre les patients atteints
de Covid-19 de s’isoler.
L’article L.3131-17 du Code de Santé Publique permet en effet
au représentant de l’état de prendre des mesures individuelles
ayant pour objet « la mise en quarantaine et les mesures de
placement et de maintien en isolement » par une « décision
individuelle motivée du représentant de l’État ».
Toutefois, en France, les mesures portant atteinte à la
liberté d’aller et venir et à la sureté imposent un contrôle
spécifique du juge judiciaire (comme c’est le cas, par exemple,
dans le prononcé des mesures d’hospitalisation d’office). Ainsi,
une décision de placement à l’isolement ordonnée par un préfet doit
nécessairement mentionner les voies et délais de recours ainsi que
les modalités de saisine du juge des libertés et de la
détention.
Il va de soi que « le placement et le maintien en isolement
sont subordonnés à la constatation médicale de l'infection de la
personne concernée » sur la base d’un certificat médical.
Lorsque la mesure interdit toute sortie de l'intéressé hors du lieu
où la quarantaine ou l'isolement se déroule « elle ne peut se
poursuivre au-delà d'un délai de quatorze jours sans que le juge
des libertés et de la détention, préalablement saisi par le
représentant de l’État dans le département, ait autorisé cette
prolongation ».
On se rend bien compte de la difficulté pratique que
représente le placement à l’isolement d’un point de vue juridique.
Impossible pour les autorités administratives et judiciaires de
prononcer chaque jour des dizaines de milliers d’arrêtés
individualisés pour ordonner l’isolement des patients.
Obstacles juridiques, sévérité à l’étranger
Du point de vue du droit, l’isolement est donc assimilé à une
mesure de privation de liberté nécessitant l’intervention du juge
judiciaire. De ce fait, il semble difficile pour le gouvernement de
contourner l’obstacle constitutionnel et de préjuger de la lecture
qui pourrait être retenue par les Sages de la rue de Montpensier en
cas d’adoption d’une telle mesure. En tout état de cause, le
ministre de la santé a insisté sur la nécessité d’un « débat
démocratique » sur cette question.
Dans de nombreux pays étrangers ces limites juridiques
n’existent pas et le droit est parfois extrêmement sévère avec les
personnes qui, se sachant atteintes du virus, rompent
l’isolement.
En Italie, tout contrevenant à l’obligation de quarantaine
risque une peine pouvant aller jusqu’à dix huit mois de prison
ainsi qu’une amende pouvant aller jusqu’à 5.000 euros. En Espagne,
l’amende pourra aller jusqu’à 500.000 euros si le patient s’est
rendu à une fête de grande ampleur ou s’il a été en contact avec
des personnes vulnérables.
Enfin, la Grèce prévoit une peine de prison à vie pour toute
personne jugée responsable d’un décès imputable à la Covid-19 suite
à la rupture d’une mesure d’isolement. De la même manière, le
Royaume-Uni a fait de la quatorzaine une obligation légale.
Mais ces démonstrations de force masquent la même difficulté :
comment assurer les contrôles ? Une question qui se pose partout et
qui pourrait également concerner la France si elle décidait de
sanctionner le non respect de l’isolement de quelle que manière que
ce soit.
On en crèvera tous, AU SENS LITTERAL DU MOT. Nos enarques comptables, qui confondent les chiffres de leurs registres avec la réalité du terrain, ne savent plus que pondre réglemente contradictoires sur règlements contradictoires et délirants, dans le seul but "d'ouvrir le parapluie", et ensuite ils se prennent les pieds dedans, et finissent par faire retomber leur incompétence sur les acteurs de terrain en leur ajoutant tâches inutiles sur tâches inutiles, ces bureaucrates 'responsables mais pas coupables" sont les boulets de notre pays.
Dr Pierre Baque
Chambres d'hôtel ?
Le 16 novembre 2020
Pourquoi ne pas recourir à des chambres d'hôtel ? Je crois que le groupe Accor avait accepté cette possibilité. Le coût social semble en faveur de cette mesure.
Rina Hanan
Redisons-le, ce n'est pas "le virus qui circule"
Le 17 novembre 2020
Ce qui circule, ce sont les porteurs de virus. On pourrait fort bien empêcher cette circulation - ou du moins la réduire fortement. Mais il faudrait le vouloir - et l'accepter.