
En mars-avril 2020, il y a eu à peu près 118 000 naissances vivantes au Royaume Uni. Des systèmes de surveillance ont permis d’identifier 66 nouveau-nés infectés par le SARS-CoV-2 au cours des 28 premiers jours de vie, qui étaient hospitalisés dans une Maternité, en suites de couches, ou dans des unités néonatales ou pédiatriques.
Les INN à SARS-CoV-2 ont été diagnostiquées à l’âge médian de 9,5 j ; toutefois, un diagnostic sur 3 (21/66) a été posé au cours de la première semaine de vie (« INN précoces »), dont 2 fois sur un prélèvement fait avant H12. Les nouveau-nés non-caucasiens et prématurés étaient surreprésentés (proportions : 45 % et 24 %, respectivement). Environ 25 % des mères (17/66) étaient elles-mêmes infectées par le SARS-CoV-2 en période périnatale. Les signes les plus fréquents au moment du diagnostic consistaient en de la fièvre, des mauvaises tétées ou des vomissements, une rhinite, des troubles respiratoires, une léthargie ; toutefois, 7 INN précoces étaient asymptomatiques. Les formes sévères à critiques, selon les critères de Dong et coll. (2), représentaient 42 % des INN (28/66). Un tiers des patients (22/66) a eu besoin d’oxygène et parfois d’assistance ventilatoire (3 fois sur une sonde trachéale). La durée de séjour médiane a été de 2 jours (écart interquartile 25-75 : 1 - 4). Fin juillet 2020, un patient était décédé, 58 étaient rentrés à la maison et 7 restaient hospitalisés.
Une incidence basse en période néonatale
On peut tirer de l’ensemble de ces données plusieurs conclusions sur les INN à SARS-CoV-2.L’incidence des infections à SARS-CoV-2 est basse en période néonatale. Au Royaume Uni, elle a été de 5,6 pour 10 000 naissances vivantes lors de la première vague de l’épidémie. Toutefois, elle a été plus élevée chez les nouveau-nés non-caucasiens (11,1 pour 10 000) pour des raisons à éclaircir.
Une transmission materno-fœtale du virus semble exceptionnelle. Elle ne peut être soupçonnée que chez les 2 nouveau-nés de mère infectée positifs avant H12, avec la réserve que peu de prélèvements nasopharyngés ont été effectués précocement. Les deux nouveau-nés précités ne remplissent pas les critères de transmission materno-fœtale proposés par Shah et coll. (3)
La contamination postnatale du nouveau-né par sa mère semble rare lorsque des mesures d’hygiène adéquates sont appliquées. Alors que la cohorte des naissances inclut plus de 300 mères infectées, seulement 17 nouveau-nés infectés sont issus d’une mère infectée – y compris les 2 transmissions materno-fœtales possibles - ; 7 de ces nouveau-nés ont été séparés de leur mère immédiatement à la naissance, dont 3 prématurés hospitalisés dans une unité néonatale. Une moitié des nouveau-nés infectés (34/66) a été en contact dès la naissance avec un proche infecté ; 8, dont 6 prématurés, ont contracté l’infection dans une unité néonatale ou pédiatrique (« INN nosocomiales »).
Ne pas séparer l’enfant de sa mère
Avec 42 % de formes sévères à critiques et 33 % d’oxygénothérapies/assistances ventilatoires les INN à SARS-CoV-2 semblent plus graves que les infections des enfants plus âgés. Toutefois, la prématurité est une comorbidité fréquente dans les formes sévères (les 3 nouveau-nés ventilés mécaniquement étaient nés prématurément) et l’évolution a été favorable dans la majorité des cas (pas de décès attribuable au SARS-CoV-2, 60 % de retours à domicile sans oxygène ni ventilation).La rareté de la contamination postnatale par une mère infectée et le bon pronostic à court terme de la majorité des INN confortent les recommandations actuelles de ne pas séparer l’enfant de sa mère et de ne pas interdire l’allaitement lorsque la mère présente une infection à SARS-CoV-2 en période périnatale. Il faut bien sûr que la mère observe des précautions d’hygiène : se laver les mains avant de toucher le bébé, tirer son lait ou donner le biberon, et porter un masque chirurgical pendant les manipulations du bébé et l’allaitement. C’est la politique qui est généralement appliquée dans les maternités des pays occidentaux, après quelques flottements initiaux.
Dr Jean-Marc Retbi