
Stockholm, le lundi 30 novembre 2020 – L’ampleur de la seconde
vague en Suède remet en cause l’approche très libérale des
autorités dans la lutte contre l’épidémie de coronavirus.
Des métros bondés, des restaurants et des salles de sport
ouverts, aucun masque (ou presque) à l’horizon : en Suède, la vie
sous le coronavirus ressemble à s’y méprendre à la vie d’avant.
Contrairement à une grande partie de l’humanité, les Suédois n’ont
jamais eu recours au confinement pour lutter contre l’épidémie de
Covid-19, que ce soit durant la première ou la deuxième vague. Les
autorités misent avant tout sur la discipline et la coopération des
habitants, à qui il est recommandé de privilégier le télétravail et
de limiter leurs contacts.
Largement plébiscitée par la population lors de la première
vague printanière, ce modèle suédois est cependant de plus en plus
remis en cause. « N’allez pas à la gym, n’allez pas à la
bibliothèque, ne faites pas de diners ni de fêtes, annulez ! »
a déclaré le 16 novembre dernier le Premier Ministre Stefan Lofven.
Une déclaration exceptionnellement autoritaire et alarmiste qui a
été accompagné par l’interdiction des visites dans les maisons de
retraite, de la vente d’alcool après 22 heures et des
rassemblements de plus de 8 personnes.
Bilan mitigé pour le non-confinement
La Suède serait-elle entrain de rentrer dans le rang et
d’adopter le même modèle autoritaire que ses voisins ? Non répond
Thomas Gauchet, historien spécialiste de la Suède. Selon lui,
l’État suédois va continuer à s’appuyer sur le consentement des
habitants plutôt que sur la contrainte. « Les Suédois sont
profondément choqués par le recours à l’attestation dans d’autres
pays » explique-t-il. Il n’empêche, la violence de la seconde
vague a fait perdre quelques illusions aux descendants des vikings.
Depuis environ trois semaines, le royaume de 10 millions
d’habitants comptabilise environ 5 000 contaminations et 30 décès
par jour.
Au total, avec cette stratégie de non-confinement, la Suède
déplore environ 6 700 morts depuis le début de l’épidémie (soit 660
par million d’habitants). Un bilan mitigé, certes meilleur (en
nombre de décès par habitant) que dans beaucoup de pays européens
ayant fait le choix de l’autoritarisme (dont la France avec 801
morts par million d’habitants) mais catastrophique comparé aux
autres pays scandinaves, environ cinq à 10 fois moins
meurtri.
Anders Tegnell, le véritable roi de Suède
Le gouvernement continue en tous les cas d’accorder sa
confiance à Anders Tegnell, qui porte le titre très officiel
d’épidémiologiste en chef. Avec ses positions iconoclastes en
Europe (refus du confinement mais aussi de l’obligation de porter
le masque), le Dr Tegnell était devenu l’un des hommes les plus
populaires de Suède, à tel point qu’il n’est pas rare de voir dans
les rues de Stockholm ou de Göteborg des personnes portant sur les
bras des tatouages à son effigie. Mais avec l’aggravation de la
situation sanitaire, les langues se sont déliées et les critiques
fusent désormais de toute part. Annika Linde, qui fut elle aussi
épidémiologiste en chef, a ainsi dénoncé « les vœux pieux et la
lenteur » des autorités qui ont conduit au « pire des
scénarios ».
Quentin Haroche