
Le sommeil tenait une place de choix dans la programmation du
12ème Congrès français de psychiatrie. Il est vrai qu’il occupe
aussi une grande place dans notre vie, puisque nous passons près
d’un tiers de celle-ci à dormir. Le sommeil participe à la
maturation cérébrale, et donc au développement, pendant l’enfance
et l’adolescence, à la restauration énergétique et, tout au long de
notre vie, à la consolidation mnésique (apprentissage, plasticité
cérébrale). Au delà de ces fonctions, il contribue aussi au
maintien de notre équilibre thymique, immunitaire et hormonal et
l’on sait aujourd’hui que de nombreuses fonctions du corps sont
soumises à l’horloge biologique et au rythme veille-sommeil.
Rappelons que le besoin en sommeil est âge-dépendant, mais il est
aussi génétiquement déterminé, avec, chez l’enfant comme chez
l’adulte, des courts dormeurs et des longs dormeurs.
Les réveils nocturnes multiplient par 4 le risque de tentatives de suicide
En 2015, Winsler montrait, sur une population de plus de 27 000 adolescents de 13 à 17 ans, qu’une heure de sommeil en moins, en semaine, était associée à une augmentation des idées suicidaires et des tentatives de suicide. Ceci pose un réel problème de santé publique, si l’on se souvient que les conduites suicidaires concernent 10 % des adolescents. Plusieurs facteurs responsables ont été identifiés et parmi eux, la durée du sommeil : plus elle est courte, plus il y a risque de tentative de suicide, alors qu’une durée de sommeil ≥ 9 heures a plutôt un effet protecteur. Le risque d’idées suicidaires augmente aussi quand il existe un décalage de plus de 2 heures entre la durée de sommeil pendant la semaine et le week-end (« jet lag social »). Mais les facteurs les plus impactant sont les réveils nocturnes fréquents, qui multiplient par 4 le risque de tentatives de suicide, et le sommeil décrit par l’adolescent comme « non réparateur » et qui multiplie le risque de tentative de suicide par 3.44 min de sommeil en moins chez les adolescents suicidants
Une étude descriptive, comparative et transversale a été menée
aux urgences pédiatriques et pédopsychiatriques du CHRU de
Strasbourg et de Nancy. Elle inclut 58 adolescents ayant fait une
tentative de suicide (âge moyen 14,3 ans). Ils étaient comparés à
225 sujets témoins du même âge. Il apparaît que les jours d’école,
une durée de 44 minutes de sommeil en moins a été comptabilisée
chez les suicidaires au cours du mois précédant le passage à
l’acte, et une latence d’endormissement supérieure de 34 mn. Il
s’agit d’une étude d’association, et la méthodologie fait que l’on
ne peut pas écarter l’hypothèse qu’une certaine qualité de sommeil
soit un trait qui peut fragiliser certains adolescents pour un
trouble psychiatrique, ou que le déficit de sommeil soit déjà un
symptôme du trouble dépressif associé. Mais il se peut aussi que le
trouble du sommeil, quand il s’ajoute à un trouble
pédopsychiatrique, précipite le passage à l’acte, notamment par une
désinhibition au niveau frontal.
Dr Roseline Péluchon