Covid-19 : il court, il court le furet…avec le molnupiravir

Depuis quelques jours, une lettre à l’éditeur publiée dans Nature Microbiology suscite de nombreux communiqués de presse pour la plupart d’un enthousiasme mesuré. La publication émane d’une équipe de chercheurs d’Atlanta qui ont expérimenté un antiviral chez des furets infectés par le SARS-CoV-2 avec un succès indéniable.

Un antiviral expérimental destiné à la grippe saisonnière

La molécule testée n’est autre que le molnupiravir, un médicament antiviral parmi tant d’autres, initialement conçu en tant qu’antigrippal potentiel avec la dénomination MK-4482/EIDD-2801. Cette pro-drogue active per os a fait preuve d’une activité antivirale puissante chez la souris, le cobaye et le furet, mais aussi sur les organoïdes représentatifs de l’épithélium des voies aériennes supérieures humaines. Le molnupiravir est en outre capable de bloquer très efficacement la transmission du virus influenza des cobayes infectés aux animaux « contacts » non infectés. Par ailleurs, son spectre d’action antivirale in vitro est large au point d’inclure notamment les virus à ARN.

Il n’est pas surprenant qu’avec un tel profil, ce médicament ait fini par être proposé dans la lutte contre la Covid-19. Le pas a été franchi dans le cadre d’un modèle animal plus proche du vison que de l’homme, mais tout de même pas si éloigné de ce dernier si l’on se limite à l’infection par le SARS-CoV-2 et aux récepteurs cellulaires qui lui permettent de s’installer chez son hôte : il s’agit en effet du furet qui est capable de développer une maladie voisine de la Covid-19, à l’exclusion de ses formes sévères ce qui témoigne de quelques différences entres les mécanismes pathogéniques propres à chaque espèce.

Suppression de la transmission du SARS-CoV-2 entre furets

L’expérience a consisté, dans un premier temps, à infecter six furets par ce virus avec des charges virales ad hoc et à traiter trois d’entre eux par le molnupiravir administré per os en deux prises quotidiennes pendant 5 jours. Dans un second temps, douze furets non infectés ont été répartis dans deux cages à raison de six par cage, l’une étant occupée par les animaux infectés traités, l’autre par les animaux non traités. Dans les huit jours qui ont suivi, aucune infection n’est survenue chez les furets exposés à leurs congénères infectés et traités. Dans l’autre cage, tous les animaux sont tombés malades au contact de ceux qui n’avaient pas reçu l’antiviral.

L’interprétation de ces résultats semble relever de l’univoque : la transmission du virus aurait été interrompue par l’exposition au MK-4482/EIDD-2801 à des fins thérapeutiques chez des furets infectés par le SARS-CoV-2. En faveur de cette interprétation, un autre argument : c’est la forte élévation de la charge virale nasale à la phase aiguë de l’infection provoquée et sa décroissance dès la 24e heure après la première administration du médicament.

Le furet ne fait pas l’homme (dommage)

Mais ce n’est pas tout : ce dernier pourrait freiner la progression de la Covid-19, diminuer le risque d’une forme sévère et accélérer la récupération… tout en réduisant la durée de la contagiosité, sans parler de l’incidence potentielle sur la pandémie. Certes, mais le furet ne fait pas l’homme et il reste à savoir ce qu’il en advient chez ce dernier avant de chanter victoire ou d’annoncer la fin de partie …Un modèle animal n’est qu’un reflet bien utile de la maladie humaine qui n’autorise que des hypothèses à vérifier chez qui de droit.

L’exemple récent du remdésivir et des déceptions qu’il a suscitées incite à tempérer tout enthousiasme excessif et à envisager l’avenir à l’aune des essais thérapeutiques nécessairement randomisés dans une maladie comme la Covid-19 dont la mortalité réelle est finalement très faible, si l’on exclut les patients vulnérables ou atteints de comorbidités à risque.

Qu’on se rassure, le molnupiravir est d’ores et déjà évalué chez l’homme dans des essais de phase II/III dont les résultats ne sont pas attendus avant mai-juin 2021. D’ici là, il convient d’être patient et de « se contenter » des vaccins pour espérer changer la donne à court et moyen terme, à moins d’évènements imprévus qui sont toujours possibles dans l’évolution de la pandémie.

Dr Philippe Tellier

Référence
Cox RM et coll. : Therapeutically administered ribonucleoside analogue MK-4482/EIDD-2801 blocks SARS-CoV-2 transmission in ferrets. Nature Communication 2020: publication avancée en ligne le 3 décembre. doi.org/10.1038/S41564-020-00835-2.

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Vos réactions (3)

  • Quid du molnupiravir

    Le 12 décembre 2020

    Super nouvelle, mais pas encore commercialisé ? Pas dans le Vidal
    Pourquoi tous les journaux en parlent ?
    Il y a de nombreux traitements qui réduisent le risque d’aggravation mais personne n’en parle !
    J’ai du mal à comprendre, j’aimerais que l’on m’éclaire.

    Dr Claude Gaudin

  • Et le favipiravir ?

    Le 12 décembre 2020

    On en est où ?

    Concernant les vaccins je comprend qu’à l'on fasse une phase 3 de 2 ans pour déterminer si oui ou non on est protégé durablement mais concernant un antiviral on regarde le profil de tolérance plus rapidement et l’efficacité de phase 3 dans un pays qui subi une forte incidence et enfin on passe rapidement à la phase 4 comme pour les vaccins actuellement proposés ? Pourquoi aller plus vite avec un vaccin qu’avec un antiviral ?

    Dr François Roche

  • Eclat de rire

    Le 16 décembre 2020

    J'imagine l'énorme éclat de rire de l'assistance si des homéopathes avaient présenté une étude présentant comme efficace un traitement expérimenté sur douze furets, alors que leurs résultats sur des milliers de grenouilles, rats, et animaux divers n'ont pour l'heure suscité au mieux qu'un sourire amusé.

    Dr Jean-Jacques Perret

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