Accouchement difficile pour la loi d’amélioration du système de santé

Paris, le mardi 15 décembre 2020 – La loi Riest visant à reprendre les propositions du Ségur de la Santé contient plusieurs dispositions visant à renforcer les prérogatives des sages-femmes. Elles sont loin de faire l’unanimité.

Déposé le 22 octobre 2020, la loi visant à « améliorer le système de santé par la confiance et la simplification » (tout un programme) a pour objectif d’inscrire dans la loi les mesures non-budgétaires adoptées lors des accords du « Ségur » du 21 juillet dernier. Portée par la députée LREM Stéphanie Riest, médecin rhumatologue, la proposition de loi a été enrichie de plusieurs amendements visant à augmenter les prérogatives des sages-femmes, afin de simplifier le parcours de soins des femmes enceintes et d’alléger la charge de travail des médecins obstétriciens. Selon le Dr Riest, il s’agissait de faire « gagner en autonomie » les sages-femmes et d’aligner leurs prérogatives sur leur statut de professionnel de santé.

Les amendements déposés en commission à l’Assemblée Nationale visaient notamment à permettre aux sages-femmes de prescrire des dépistages et des traitements d’IST aux femmes enceintes et à leurs partenaires ainsi que des arrêts de travail au-delà de 15 jours sans avoir à passer par un médecin. Plus ambitieux mais aussi plus polémique, des députés proposaient de permettre aux sages-femmes de pratique des IVG chirurgicales (elles ne peuvent pour le moment ne réaliser que des IVG médicamenteuses) et de créer un statut de sage-femme référente, qui serait chargé d’encadrer le parcours de soin de la femme enceinte, avant et après l’accouchement, en lieu et place du médecin traitant.

Les députés reculent sur les sages-femmes

Des propositions rejetées à la quasi-unanimité par les représentants des médecins. Dans un communiqué publié le 25 novembre dernier, le Syndicat des médecins libéraux (SML) exprimait son inquiétude face à ces propositions visant à transférer les prérogatives des médecins aux sages-femmes. Selon eux, en autorisant les sages-femmes à réaliser des IVG chirurgicales et en écartant le médecin traitant de l’encadrement de la grossesse, les députés font courir un grave danger à la santé des femmes. Il serait selon eux primordial que le médecin reste l’acteur premier de la « gestion » de la grossesse afin d’éviter toute complication. Le SML a rapidement reçu le soutien des principaux syndicats de médecins, comme par exemple MG France ou la CSMF.

Les inquiétudes des médecins semblent avoir été entendu par les parlementaires qui ont revu leur copie. Exit donc le statut de sage-femme référente, finalement abandonné en commission. Exit également le droit pour les sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales, retiré du texte à la demande du gouvernement et qui aurait sans doute été rejeté par le Sénat, qui examine actuellement la loi. C’est donc finalement à minima que la loi Riest va augmenter les prérogatives des sages-femmes.

Les sages-femmes dénoncent le sexisme des médecins

Du côté des maïeuticiens, l’heure est à la contre-attaque. Dans une tribune au vitriol publié dans le journal Le Monde publié ce lundi, deux sages-femmes, qui sont également enseignantes et chercheurs, dénoncent l’attitude des médecins, qu’ils jugent sexistes. Le communiqué du SML, qui rappelait avec un certain mépris que les médecins sont à Bac +11 tandis que les sages-femmes ne sont qu’à Bac +5, semble être particulièrement mal passé chez les sages-femmes.

Selon les deux auteurs de la tribune, derrière l’apparente défense de la santé des femmes, c’est en réalité le mépris des médecins pour une profession largement féminisé (97 % des maïeuticiens sont des femmes) qui sous-tend la position des médecins. Dans un texte très politique, les deux sages-femmes dénoncent la permanence d’un esprit de corps patriarcal chez les médecins. Dans la ligne des recommandations de l’OMS, elles militent pour « une expérience positive de la maternité » qui ne verrait plus dans la grossesse une source de pathologie qui devrait être encadrée par le médecin, mais un évènement qui doit être accompagné par la sage-femme, toute entière consacrée à la prévention et à la santé de la mère.

Nicolas Barbet

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