Une moindre survie pour la femme en cas d’arrêt cardiorespiratoire hors du milieu hospitalier

L’arrêt cardiorespiratoire survenant hors du milieu hospitalier (ACRHH) n’est pas à l’évidence la situation idéale pour le patient et les chances de survie, à court comme à long terme, sont le plus souvent minces. Même si le retour à une circulation artérielle spontanée est a priori de bon aloi et représente le meilleur des cas dans l’immédiat, plusieurs études d’observation suggèrent que le pronostic, même dans ce cas de figure, serait plus péjoratif chez la femme que chez l’homme.

Une étude d’observation issue du Continuous Chest Compression trial

Une autre étude ouverte qui est une émanation d’un essai randomisé dit Continuous Chest Compression trial, vient renforcer les soupçons sur une affaire qui ne devrait en aucun cas relever du genre. L’association entre ce dernier et la survie a été évaluée à l’aide d’une analyse multivariée hiérarchisée par régression logistique après ajustement selon les facteurs de confusion potentiels suivants : âge, rythme cardiaque au moment de l’ACR, présence ou non de témoins lors de l’évènement, manœuvres de réanimation cardiaque entreprises avant l’arrivée de l’équipe mobile d’urgence, lieu géographique, dose d’épinéphrine, délai d’intervention des secours et durée totale de la réanimation. Cette analyse a par ailleurs pris en compte la volonté des patients émise sous la forme de consignes écrites du type « ne pas réanimer » ou « arrêter les traitements de suppléance vitale ».

Des soupçons qui s’étoffent et des mécanismes inconnus

Au total, ont été inclus 4 875 patients (dont 37,4 % de sexe féminin) réanimés avec succès, de facto la reprise d’une circulation sanguine spontanée.

A l’état basal, les femmes se sont distinguées des hommes sur plusieurs points :

(1) un âge un peu plus élevé : 67,5 versus 65,3 ans (p<0,001) ;
(2) un moindre recours à la réanimation cardiorespiratoire par les témoins de l’évènement : 49,1 % versus 54,9 % (p<0,001) ;
(3) une proportion plus faible de troubles du rythme accessibles à un choc électrique externe : 24,3 % versus 44,6 % (p<0,001) ;
(4) la présence moins fréquente de témoins lors de l’ACR (55,1 % versus 64,5 % ; p<0,001) ;
(5) des consignes du type « ne pas réanimer » (35,7 % versus 32,1 % ; p=0,009) ou « arrêter les traitements de suppléance vitale » (32,8 % versus 29,8 % ; p=0,03).

Le taux de survie a été in fine significativement plus faible dans le sexe féminin, soit 22,5 % versus 36,3 % (p<0,001), ce qui conduit à un odds ratio ajusté (ORa) de 0,78 (intervalle de confiance [IC] à 95 % 0, 66 – 0,93, p=0,005).

L’association entre genre et survie a été modifiée par la prise en compte des consignes précédemment évoquées : en leur absence, les taux de survie ont été respectivement de :

(1) « ne pas réanimer » : 31,3 % versus 49,9 %, p=0,005, ORa=0,75, IC 95 % 0,60-0,91) ;
(2) « arrêter les traitements de suppléance vitale » : 32,3 % versus 50,7 %, p=0,002, ORa=0,73, IC 95 % 0,60 à 0,89).

En revanche, aucune différence liée au genre n’a été mise en évidence quand ces consignes étaient inscrites au programme, les chiffres correspondants étant respectivement de 6,4 % versus 7,4 % (NS) et de 2,8 % versus 2,4 % (NS).

Cette étude d’observation révèle que le pronostic de l’ACRHH pourrait dépendre au moins en partie du genre. Chez la femme, le taux de survie serait in fine plus faible, alors que la reprise d’une circulation spontanée était, dans cette large série, de bon aloi.

Une notion déjà évoquée dans d’autres études non contrôlées : aucune certitude, mais des soupçons qui s’étoffent et amènent à s’interroger sur les mécanismes potentiels d’une telle anomalie…

Dr Catherine Watkins

Référence
Mody P et coll. : Gender Based Differences in Outcomes among Resuscitated Patients with Out-of-Hospital Cardiac Arrest. Circulation 2020 (15 décembre) : publication avancée en ligne. doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.120.050427.

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