
Bratislava, le mardi 29 décembre 2020 – La stratégie de
dépistage massif adoptée par le gouvernement slovaque fin octobre
est désormais remise en cause par les experts scientifiques du
pays.
Fin octobre, les regards du monde entier s’étaient tournés
vers la Slovaquie. Ce petit pays d’Europe centrale avait en effet
décidé d’adopter une stratégie inédite et ambitieuse pour combattre
l’épidémie de Covid-19, en testant le plus rapidement possible
l’ensemble de sa population adulte. En utilisant des tests
antigéniques rapides et grâce à une organisation quasi-militaire,
la Slovaquie est parvenue à tester 3,6 millions de personnes (66 %
de la population slovaque) lors du week-end du 31 octobre puis 2
millions de personnes (37 % de la population) le week-end suivant
du 7 novembre. Au total, environ 52 000 cas positifs avaient été
détectés lors de ces deux campagnes.
Si cette stratégie a pu être décrié par certains en raison de
ses difficultés d’organisation et de la fiabilité relative des
tests antigéniques, elle a également fait des émules et a été vu
par certains comme un moyen efficace de lutter contre
l’épidémie.
Le Royaume-Uni s’est ainsi converti au modèle slovaque et un
dépistage massif a été organisé à Liverpool, au cours duquel
environ 120 000 personnes ont été testés en quatre jours. Après
quelques hésitations, les autorités françaises ont également été
séduites par le dépistage massif, mais dans des proportions
beaucoup plus modestes : 30 000 personnes ont été testés au Havre
entre le 14 et le 19 décembre et des opérations similaires seront
menés à Roubaix et Saint-Etienne en janvier.
Le dépistage massif sur la sellette en Slovaquie
Mais alors même que le modèle slovaque fait des émules en
Europe, la stratégie de dépistage massif est en voie d’être
abandonné en Slovaquie, deux mois après cette opération historique.
Alors qu’un nouveau week-end de tests était prévu en décembre, il a
été reporté par le premier ministre Igor Matovic (lui-même testé
positif au Covid-19 le 18 décembre dernier).
Si officiellement ce report est dû à un problème
d’approvisionnement en tests antigéniques, le chef du gouvernement
slovaque a évoqué un « combat perdu » contre l’épidémie de
coronavirus.
Plusieurs épidémiologistes et infectiologues slovaques ont
signé une tribune demandant au gouvernement d’abandonner sa
politique de dépistage massif. Sans remettre en cause la première
campagne de dépistage, Pavol Jarcuska, président de la société
d’infectiologie slovaque, estime qu’une nouvelle série de tests
massifs serait inutile. Il préconise de favoriser des dépistages
ciblés dans les régions ou les populations sont les plus exposées
au virus.
Résultats mitigés d’une opération historique
Il faut dire que les résultats de ce dépistage massif sont
mitigés. Lors de son lancement, l’opération avait été présenté par
le premier ministre comme « l’arme atomique » permettant
d’éviter un confinement. Dans un premier temps, ce dépistage massif
et l’isolement des personnes contaminés semble avoir eu un effet
bénéfique sur la situation sanitaire, le nombre de nouveaux cas
diminuant en novembre, mais sans que l’on puisse être certain que
la stratégie mise en place par le gouvernement slovaque ait
véritablement eu un rôle déterminant dans cette baisse du nombre
des cas.
Mais depuis quelques semaines, la Slovaquie est à nouveau
submergée par l’épidémie. Avec environ 3 500 contaminations et 60
morts par jour, le pays n’a jamais été dans une situation aussi
grave et le recours au confinement n’est désormais plus écarté par
l’exécutif. Les deux séries de tests massif ne semblent avoir eu
aucun effet sur le pourcentage de positivité des tests PCR, qui
reste à un taux alarmant de 17-18 %. Ce seul élément « prouve
que le dépistage massif n’a pas réglé la situation » avance
Alexandre Brazinova, professeur d’épidémiologie à l’université de
Bratislava.
Quentin Haroche