Vaccination Covid en France : vers une étrange défaite ? [Tribune]

Le bon et le mauvais gouvernement (Ambrogio Lorenzetti, XIVe siècle, Palazzo Pubblico, Sienne)
S’il est des moments où l’on ne peut se contenter d’être uniquement un commentateur, celui-ci en est un.
Sidérés, comme un grand nombre de confrères, par les débuts misérables de la vaccination Covid dans notre pays nous nous devons de prendre la plume pour dénoncer ce qui pourrait augurer d’un nouveau fiasco qu’il faut tout faire pour éviter. 

Quelles sont les données en notre possession en ce 31 décembre 2020 au matin pour le vaccin Pfizer ?

Quand le Royaume-Uni et Israël ont atteint environ 800 000 vaccinés (après il faut le dire un début anticipé par rapport à l’Europe continentale, le 8 décembre pour le Royaume-Uni par exemple), l’Allemagne 80 000, le Portugal 20 000, la France plafonne à 332 avec seulement quelques dizaines d’EHPAD concernés bien qu’elle ait reçu, à la même date, la même dotation de vaccins par habitants que ses partenaires européens !
Pour justifier ce gap inquiétant (et il faut bien le dire humiliant), nos autorités politiques et sanitaires, nous martèlent, comme à des enfants impatients, qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation (sic) et que ces chiffres sont conformes aux plans établis.

En dehors de ce remake du Lièvre et la tortue, le gouvernement nous explique que cette lenteur est voulue et qu’elle se justifie par des précautions éthiques et médicales que nous serions donc les seuls à respecter : consentement éclairé des candidats à la vaccination avec délai de rétractation de 5 jours (comme pour un achat à crédit !) et consultation médicale préalable. En occultant le fait que le consentement est requis pour tout acte médical, que consultation et vaccination peuvent bien sûr être réalisées dans le même temps (comme c’est le cas par exemple pour la prévention de la grippe saisonnière pour des millions de nos concitoyens chaque année) et que ces précautions inusitées ne peuvent avoir comme effet que de renforcer la méfiance de la population (si l’on me laisse 5 jours pour réfléchir c’est bien que ce vaccin est dangereux !). De plus, même si le choix d’un consentement éclairé était la véritable explication de ce retard, il faudrait justifier le nombre ridicule d’Ehpad impliqués la première semaine car rien n’interdisait de demander simultanément leur consentement au million de personnes concernées. 

Comment comprendre ce début de campagne qui n’en est pas une, qui n’est appuyée par aucune communication gouvernementale et surtout par aucun enthousiasme des responsables sanitaires ?

Comme on ne peut imaginer que cette lenteur soit due à un doute sur la sécurité d’un vaccin que l’on vient pourtant d’autoriser et que des millions de personnes ont reçu sans dommage immédiat dans le monde, la seule explication rationnelle est celle d’une impréparation logistique de l’administration française (temporaire ?) face à l’accélération non anticipée du processus européen d’autorisation du vaccin, avancé, on se le rappelle, d’une semaine.

Comme les masques jugés inutiles (voire dangereux !) jusqu’au moment où l’on a pu en disposer en nombre suffisant, comme les tests considérés comme superfétatoires au printemps avant que l’on ne les pratique larga manu, gratuitement et sans ordonnance, vacciner le plus rapidement possible comme cela est recommandé par nos partenaires européens sera considéré comme une attitude brouillonne jusqu’au jour où notre administration sera enfin prête à respecter son propre plan de montée en puissance.

Espérons-le, le plus vite possible. Mais, croyons que le pire n’est pas sûr et que dès la semaine prochaine, le gouvernement révisera sa stratégie vaccinale. Car chaque jour qui passe sans immunisation collective nous coutera des centaines de morts et des centaines de millions d’euros.    

Dr Anastasia Roublev

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Vos réactions (24)

  • Je cherche vainement la différence

    Le 31 décembre 2020

    "S’il est des moments où l’on ne peut se contenter d’être uniquement un commentateur. Celui-ci en est un." Je cite la 1ère phrase de l'article.
    Et je constate que l'article entier n'est qu'un commentaire identique à ceux qui nous "bassinent" à longueur de jour (et sans doute de nuit) les chaînes de TV en continu où défilent en permanence tous les bavards disponibles et attirés par les spots des plateaux comme des papillons de nuit.

    On y distribue doctement ou "populistement", des bons ou des mauvais points, on y désigne de manière le plus souvent très péremptoires, les bons et mauvais élèves...Pour souvent "virer casaque" quelques jours après, quand on a découvert que les "bons" n'étaient pas si bons que ça car un "biais" s'était caché dans leur "méthode infaillible" et il fallait se résoudre à "réhabiliter" (mais pas trop) les "mauvais".

    Alors, un peu de sang-froid" ne serait pas superflu, ce qui pourrait éviter à certains de devoir un jour méditer ce poème de Bernard Dimey:" Quand on n'a rien à dire et du mal à se taire...."
    Meilleurs vœux à tous.

    H.Tilly

  • N'y a-il pas un Churchill à la française ?

    Le 31 décembre 2020

    Entièrement d'accord avec vous. Pour ne pas brusquer les antivax et les hésitants, on a le sentiment que cette campagne de vaccination n'est pas supportée par le gouvernement alors que c'est la seule option viable de sortie de crise. Dès lors, le seul problème est logistique (comment vacciner vite et bien un maximum de Français notamment à risque) et c'est là, comparé à nos voisins allemands que la comparaison est cruelle: partis en même temps, on a vacciné 200 fois moins en France qu'en Allemagne et 50 fois moins qu'au Portugal !

    Pendant ce temps on ergote à longueur de journée sur les chaines d'info continue sur la méfiance des Français vis-à-vis de la vaccination, laquelle ne tiendra pas dans le temps à mesure que le nombre de vaccinés sans problèmes augmentera. Pourquoi le gouvernement ne comprend-il pas que l'enjeu n'est pas de convaincre les hésitants mais de foncer et d'utiliser la masse croissante des vaccinés (il ne manque pas de candidats notamment parmi les soignants et les malades à risques immunodéprimés notamment) pour asseoir la légitimité de la vaccination ?

    Il faut oser prendre position et prendre des risques calculés et ce n'est pas le fort de nos gouvernants et encore moins de la haute administration qui gouverne nos vies de citoyens et de médecins! N'y a-il pas un Churchill à la française pour impulser la volonté politique nécessaire pour organiser le défi logistique de vacciner vite et bien tous les Français volontaires dans un premier temps.
    Espérons que 2021 sera l'année de ce sursaut.

    Dr Djamil Hamza

  • Sont-ils irresponsables ou devenus fous ?

    Le 31 décembre 2020

    Il y a environ 25 ans, Kouchner a supprimé la vaccination systématique hépatite B, effrayé par les risques prétendus de sclérose en plaques, entraînant l'indignation justifiée de la communauté scientifique internationale, OMS en tête. Depuis 25 ans, 2000 morts par an d'hépatite B, soit environ 50000 morts à ce jour si je compte bien.

    Merci Kouchner.La leçon n'a servi à rien! En effet, aujourd'hui, la Covid tue environ 300 français par jour, soit environ 9000 morts dans le mois, et on se permet de prendre des précautions de toutes sortes, plus fumeuses les unes que les autres pour faire traîner la vaccination. Ne me dites pas que l'on ne pouvait pas préparer l'infrastructure logistique pendant que Bruxelles "réfléchissait" bien lentement à valider le vaccin. Sont-ils irresponsables ou devenus fous ?

    Dr Didier Pomares

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