
Ultimatum
Guillaume Rozier ne peut au début que s’en satisfaire. Mais très vite, il mesure que cet arrangement est très loin de l’esprit initial de son portail, devenu depuis le début de l’épidémie un point de repère pour des milliers d’internautes. Aussi, il lance un ultimatum : il met sa page en berne et indique que plus aucune donnée sur la vaccination ne sera relayée sur le site CovidTracker tant que des chiffres ne seront pas communiqués publiquement. Le message est très vite reçu par le ministère et quelques jours plus tard des informations sont enfin publiquement données quotidiennement.Une transparence inédite
A l’exception de cette anecdote et de quelques détails, l’entreprise de Guillaume Rozier n’est pas celle d’un justicier de la transparence des data. Ce jeune ingénieur, qui venait de débuter son stage de fin d’année en mars 2020 loue l’ampleur des informations disponibles. « D'une manière générale, on a tout de même de très bonnes données, de qualité assez exhaustive, depuis le début de l'épidémie. On a tout en open data, de manière quotidienne, par département, par âge… C'est une sacrée ouverture et une marque de transparence, mais on en veut toujours plus », note-t-il interrogé par Le Point. Comment expliquer alors que son site, CovidTracker, rencontre un succès croissant avec 700 000 visiteurs uniques par mois en moyenne ?L’antithèse des portails officiels
La simplicité et la clarté. Le site a tout ce qui manque aux portails institutionnels. D’ailleurs, certains responsables hospitaliers n’hésitent pas à dire que pour leurs réunions hebdomadaires sur l’épidémie, ils se référent bien plus facilement au site de Guillaume Rozier qu’aux tableaux imbitables des Agences régionales de Santé. A l’échelon national, quand il vous faut dérouler de multiples menus sur Géodes (le portail de Santé publique France) pour afficher la courbe souhaitée, revenir en arrière, risquer le bug ou quand le baromètre quotidien de Santé publique France ne semble jamais publié à la même place, CovidTracker est d’une limpidité merveilleuse. Surtout, les chiffres sont contextualisés. On ne vous assène pas uniquement que le taux d’occupation des lits de réanimation par des patients atteints de Covid est de 60 %, il est précisé qu’il s’agit d’une proportion « modérée et stable ». Enfin, de très nombreuses cartes et analyses peuvent être générées : les vues d’ensemble proposent ainsi par exemple une approche linéaire, logarithmique ou encore reposant sur la croissance hebdomadaire. Ainsi, le portail et les analyses qui régulièrement l’accompagnent se veulent un outil de décryptage. « Covid Tracker n’est pas là pour commenter les mesures prises par l’exécutif, mais pour avertir quand le raisonnement du Premier ministre n’est scientifiquement pas tenable », décrit Guillaume Rozier. D’ailleurs, les commentaires présents sur le site échappent le plus souvent à la polémique et sont très majoritairement des demandes pédagogiques, même si bien sûr, certains lui reprocheront peut-être un défaut de contextualisation plus large concernant la gravité historique de l’épidémie.
La météo de l’épidémie
A.H.