Vaccination contre la grippe, il s’agit aussi de protéger le cœur

La grippe et les maladies cardiovasculaires (MCV) sont 2 causes très fréquentes d’hospitalisation et de décès. Il existe, entre ces pathologies, des interactions nettes, la grippe majorant le risque d’évènements aigus cardiovasculaires et, à l’inverse, les MCV tendant à augmenter le risque de complications liées à la grippe.

Selon des études observationnelles, le pourcentage de décès hivernaux attribuables à la grippe varierait de 4 à 68 %. D’autres travaux suggèrent que 3 à 6 % du nombre d’hospitalisations ou de morts par infarctus myocardique sont en rapport avec une infection grippale. Plus récemment, des études épidémiologiques bien documentées rapportent une hausse de 5 à 10 % du risque de nécrose myocardique dans la semaine suivant la survenue d’une grippe confirmée par test en laboratoire. En 2020, une publication portant sur 80 261 hospitalisations pour grippe, révélait que 12 % étaient liées à des d’événements CV aigus, essentiellement des décompensations cardiaques ou des cardiopathies ischémiques. Divers mécanismes physiopathologiques peuvent intervenir : l’hypoxie, l’augmentation de la demande métabolique, l’inflammation, la rupture de plaques athéromateuses, l’induction d’un état pro thrombotique ou encore un impact viral direct.

La vaccination est associée à une diminution de la mortalité CV à un an dans 4 essais

Du fait de cette association étroite entre grippe et MCV, une des questions essentielles est de préciser si la vaccination anti grippale est à même de prévenir les manifestations CV. Plusieurs méta-analyses d’études observationnelles ont, de fait, établi que cette vaccination était associée à une mortalité globale moindre mais des biais multiples ont limité la valeur de ces résultats Dans la littérature médicale, seuls 4 essais cliniques randomisés ont été retrouvés sur cette question. Ils étaient de petite taille, avec moins de 2 000 participants au total mais confirmaient que la vaccination anti grippale était significativement associée à une diminution de la mortalité CV à un an : le risque absolu de mortalité par MCV étant à 2,3 vs 5,1 % en l’absence de vaccination et le rapport de risque (Risk Ratio RR) à 0,64 (intervalle de confiance à 95 % IC : 0,48- 0,86). Cette réduction était notamment très marquée chez les malades qui avaient souffert d’un syndrome coronarien aigu durant l’année précédant l’infection grippale. Toutefois, ces résultats doivent être pris avec prudence compte tenu des faibles échantillons et du risque de biais allant de modéré à élevé.

Dans une livraison récente du JAMA, Vardeny et ses collègues ont rapporté les résultats de l’ essai INVESTED, conçu pour comparer l’ efficacité sur les hospitalisations et les décès, toutes causes confondues, de 2 types de vaccins contre la grippe, le vaccin inactivé quadrivalent standard (SD-IIV4) et le vaccin inactivé trivalent fortement dosé (HD-IIV3). INVESTED est un essai multicentrique, effectué durant les 3 saisons grippales de Septembre 2016 à Janvier 2019 ; il a ciblé les malades ayant présenté un infarctus du myocarde (IDM) dans les 12 mois précédant la vaccination ou ayant été hospitalisés, dans les 2 années antérieures, pour défaillance cardiaque et qui étaient porteurs d’un facteur de risque supplémentaire. Le SD-IIV4 standard à 4 antigènes viraux a été comparé au HD-IIV3 qui avait des posologies d’hémagglutinine 4 fois supérieures pour les 3 antigènes viraux sélectionnés. Sur un total de 5 260 participants, d’âge moyen 65 ans, on notait 63 % d’insuffisants cardiaques et 37 % qui avaient souffert d’un IDM. Le taux de complications cardio respiratoires est notable, de l’ordre de 42 à 45 % dans chacun des 2 groupes, sans différence significative entre les 2 vaccins. La vaccination par HD-II3 s’est accompagnée de 883 hospitalisations et 92 décès, soit un taux de survenue de 42/100 patients-années vs 846 hospitalisations et 78 décès avec le SD-IIV4, soit un taux de 42/ 100 patients-années. Le Hazard ratio entre les 2 est donc non statistiquement significatif, calculé à 1,08 (IC : 0,97- 1,17).

L’efficacité absolue n’est pas établie

Ce travail amène à des questions de 3 ordres.

La première concerne l’évaluation de l’efficacité vaccinale. En l’absence de groupe témoin non vacciné ou placebo, seule l’efficacité relative entre SD-IIV4 et HD-II3 a pu être établie et non, hélas, l’efficacité absolue de l’un et/ou l’autre des modes de vaccination, ce qui aurait été une donnée très utile pour confirmer l’effet bénéfique de la vaccination anti grippale.

Le second point a trait à la non différence significative entre les 2 vaccins. Elle peut être reliée à un effet de taille et près de 20 000 participants auraient dû être recrutés au lieu des 5 260 d’INVESTED pour atteindre possiblement une signification.

La dernière question est liée aux nombreuses conditions CV pathologiques prises en compte dans le travail de Vardeny : nécroses myocardiques et défaillances cardiaques mais aussi douleurs coronariennes, arythmies, arrêts cardiaques, syncopes, pneumonies, AVC… Une analyse plus restrictive, ne portant que sur les seuls syndromes coronariens aigus, eut pu être plus contributive.

Eu égard au vieillissement de la population et au nombre croissant d’individus présentant des problèmes cardiaques, on ne peut que regretter que les efforts en matière de prévention contre la grippe aient pris du retard. Il est admis que les vaccins sont moins efficaces chez les sujets âgés du fait d’un émoussement des réponses immunes humorales. Il est donc impératif de tenter d’accroitre l’efficacité vaccinale, par exemple en augmentant les doses d’hémagglutinines, en additionnant d’autres souches ou un adjuvant, voire en ayant recours à des vaccins de type « universels », comprenant des antigènes dirigés contre des épitopes d’hémagglutinines conservées.

Au total, une infection par virus grippal peut avoir des conséquences CV très sévères mais l’on ne dispose, à ce jour, que de peu de données précises quantifiant l’importance de l’association grippe-événements pathologiques CV et on ignore quels évènements pathologiques peuvent être, au mieux, prévenus par la vaccination. Des essais multinationaux restent à mener sur les vaccins anti grippaux inactivés, incluant un groupe placebo. Leur efficience sera à préciser dans les différentes situations pathologiques CV. Dans l’attente d’une nouvelle génération de vaccins plus efficaces, une vaccination par vaccin quadrivalent, adapté en fonction de l’âge, (de type II-V4 sur culture à l’œuf ou sur cellules, vaccin recombiné RIV4, HD-IIV4 ou IIV4 avec adjuvant) est indiquée, notamment pour les sujets âgés les plus fragiles, porteurs d’une pathologie CV.

Dr Pierre Margent

Référence
Patel MM : Influenza Vaccine for Patients with High-Risk Cardiovascular Disease. JAMA. 2021;325(1):33-35. doi:10.1001/jama.2020.23948

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Vos réactions (1)

  • Grippe et covid, meme combat ?

    Le 01 février 2021

    Une equipe neerlando-allemande avait signalé en septembre qu'avoir été en contact avec les virus grippaux, par vaccination ou par contamination, semblait avoir une action benthique dans la lutte contre la Covid. Une présence sélective identique et concurrente dans les mêmes sites du corps humain dans la phase initiale pourrait expliquer cet affaiblissement dans le debut des cas de Covid. Les dégâts cardiaques rapportés ci dessus s'ajoutent a la liste des proximités.

    Maignan (Pharmacien)

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