La grippe et les maladies cardiovasculaires (MCV) sont 2
causes très fréquentes d’hospitalisation et de décès. Il existe,
entre ces pathologies, des interactions nettes, la grippe majorant
le risque d’évènements aigus cardiovasculaires et, à l’inverse, les
MCV tendant à augmenter le risque de complications liées à la
grippe.
La vaccination est associée à une diminution de la mortalité CV à un an dans 4 essais
Du fait de cette association étroite entre grippe et MCV, une
des questions essentielles est de préciser si la vaccination anti
grippale est à même de prévenir les manifestations CV. Plusieurs
méta-analyses d’études observationnelles ont, de fait, établi que
cette vaccination était associée à une mortalité globale moindre
mais des biais multiples ont limité la valeur de ces résultats Dans
la littérature médicale, seuls 4 essais cliniques randomisés ont
été retrouvés sur cette question. Ils étaient de petite taille,
avec moins de 2 000 participants au total mais confirmaient que la
vaccination anti grippale était significativement associée à une
diminution de la mortalité CV à un an : le risque absolu de
mortalité par MCV étant à 2,3 vs 5,1 % en l’absence de vaccination
et le rapport de risque (Risk Ratio RR) à 0,64 (intervalle de
confiance à 95 % IC : 0,48- 0,86). Cette réduction était notamment
très marquée chez les malades qui avaient souffert d’un syndrome
coronarien aigu durant l’année précédant l’infection grippale.
Toutefois, ces résultats doivent être pris avec prudence compte
tenu des faibles échantillons et du risque de biais allant de
modéré à élevé.
L’efficacité absolue n’est pas établie
Ce travail amène à des questions de 3 ordres.
La première concerne l’évaluation de l’efficacité vaccinale.
En l’absence de groupe témoin non vacciné ou placebo, seule
l’efficacité relative entre SD-IIV4 et HD-II3 a pu être établie et
non, hélas, l’efficacité absolue de l’un et/ou l’autre des modes de
vaccination, ce qui aurait été une donnée très utile pour confirmer
l’effet bénéfique de la vaccination anti grippale.
Le second point a trait à la non différence significative
entre les 2 vaccins. Elle peut être reliée à un effet de taille et
près de 20 000 participants auraient dû être recrutés au lieu des 5
260 d’INVESTED pour atteindre possiblement une signification.
La dernière question est liée aux nombreuses conditions CV
pathologiques prises en compte dans le travail de Vardeny :
nécroses myocardiques et défaillances cardiaques mais aussi
douleurs coronariennes, arythmies, arrêts cardiaques, syncopes,
pneumonies, AVC… Une analyse plus restrictive, ne portant que sur
les seuls syndromes coronariens aigus, eut pu être plus
contributive.
Eu égard au vieillissement de la population et au nombre
croissant d’individus présentant des problèmes cardiaques, on ne
peut que regretter que les efforts en matière de prévention contre
la grippe aient pris du retard. Il est admis que les vaccins sont
moins efficaces chez les sujets âgés du fait d’un émoussement des
réponses immunes humorales. Il est donc impératif de tenter
d’accroitre l’efficacité vaccinale, par exemple en augmentant les
doses d’hémagglutinines, en additionnant d’autres souches ou un
adjuvant, voire en ayant recours à des vaccins de type « universels
», comprenant des antigènes dirigés contre des épitopes
d’hémagglutinines conservées.
Dr Pierre Margent