Le variant britannique, plus létal ou non ? That is the question…

La découverte du « variant britannique » dans le Kent (Sud-Est de l’Angleterre) remonte au 20 septembre 2020. Près de trois mois plus tard, ce variant dénommé VOC 202012/01 (Variant Of Concern) circule largement dans l’ensemble du Royaume-Uni. Il suscite bien des questions pour certaines sans réponse définitive, loin s’en faut.

Quelques caractéristiques du VOC 202012/01

Sur le plan phylogénétique, ce variant fait partie du lignage B.1.1.7 et sur le plan génétique, il se caractérise par une délétion dite ΔH69/V70 qui aboutit à la perte des acides aminés situés en position 69 et 70, respectivement l’histidine et la valine. De ce fait, certains tests PCR ne captent plus que deux signaux au lieu de trois, d’où le terme de SGTF (S gene target failure) pour désigner la négativation de la détection du gène S qui en résulte. Cette perte de signal suggère la présence du variant VOC 202012/01 dans l’échantillon analysé et c’est le séquençage du génome viral qui le confirmera. En moins de deux mois, ce variant a véritablement envahi le Royaume-Uni, la proportion de souches caractérisées par la délétion ΔH69/V70 passant de 3 % (12 octobre) à … 98 % (7 décembre), mais c’est désormais dans plus de 50 pays que sa présence a été formellement identifiée. Les deux tiers des infections nouvelles au Royaume-Uni lui seraient désormais imputables.

Un point semble faire l’unanimité : c’est la transmissibilité élevée de ce variant qui serait de 40 % à 70 % supérieure à celle des premières souches du virus, voire plus dans certaines études ou le Re (R effectif) serait compris entre 1,40 et 1,84. La mutation en position 501 qui porte sur la séquence de six acides aminés impliqués dans la liaison du virus au récepteur ACE2 membranaire de l’hôte explique l’augmentation de son affinité pour ce dernier. Ces mutations ont-elles par ailleurs une incidence sur d’autres caractéristiques de la Covid-19, à savoir son expression clinique, sa sévérité, sa létalité ou le risque de réinfection ? Les réponses à ces questions ne font pas consensus à l’heure actuelle comme le suggèrent deux études récentes.  

Un peu plus de létalité selon l’agence sanitaire Public Health England

La première, datée du 14 janvier 2021 (actualisée en ligne le 26/1), émane de l’agence sanitaire PHE (Public Health England) (1). Il s’agit d’une étude prospective du type cas-témoins en cours dans laquelle sont comparés des cas d’infections SGTF et un nombre égal de témoins (non SGTF) appariés selon l’âge, le sexe et la semaine pendant laquelle le test PCR a été effectué.

Au terme d’une analyse initiale (8/1/2021) portant sur 14 939 cas et  15 555 témoins, le taux de létalité à 28 jours a été estimé à 0,17 % dans les deux groupes, le risk ratio (RR) étant à 1,00 (intervalle de confiance à 95 % IC 95% 0,58 – 1,73). Une analyse ultérieure (19/1/2021) plus précise et plus documentée (pour, notamment, la cause des décès) change quelque peu la donne, avec un taux de létalité à 28 jours qui atteint alors 0,2 % dans le groupe SGTF versus 0,1 % dans l’autre groupe, soit un RR de 1,65 (IC 95% 1,21-2,25).

Mêmes symptômes et pronostic que la Covid « classique » dans une autre étude

La seconde étude (2), elle aussi britannique, en preprint sur le site spécialisé medRxiv apporte d’autres données sans confirmer pour autant les résultats de l’enquête précédente. Il s’agit d’une étude longitudinale qui a reposé sur l’analyse des symptômes chez 36 920 participants de la CSS (Covid Symptom Study) dont le test PCR avait été trouvé positif entre le 28 septembre et le 27 décembre 2020. Cette cohorte a été constituée à partir d’un échantillon de plus de quatre millions de citoyens britanniques tous utilisateurs d’une application pour téléphone mobile spécifiquement destinée à la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

L’objectif était de rechercher une association entre la proportion régionale de la souche et les éléments suivants : symptômes, évolution de la maladie, taux de réinfection et transmissibilité.

En ce qui concerne les symptômes et le pronostic, notamment en termes de sévérité ou de durée de la maladie, rien ne distingue la souche B.1.1.7 de celles qui l’ont précédée. Il en va de même pour les taux de réinfection qui ont été estimés à 0,7 % (IC 95% 0,6-0,8) indépendamment de la souche infectante. Le Re, pour sa part, a été estimé à 1,35 (IC 95% 1,02-1,69). La valeur de ce dernier est descendue au-dessous de 1,00 dans les situations de confinement national ou régional, même quand la proportion de la souche B.1.1.7. atteignait des valeurs très élevées.

Plus haute contagiosité confirmée

Ces deux sources britanniques s’accordent sur un point, c’est la contagiosité nettement plus élevée de l’infection liée au variant VOC 202012/01, le R effectif moyen étant apparemment voisin de 1,5. En revanche, il y a divergence quant au taux de létalité sur lequel il est actuellement impossible d’avoir la moindre certitude d’un point de vue objectif. N’en déplaise au premier ministre Boris Johnson, il n’est pas possible d’affirmer que le variant en question soit directement à l’origine d’une surmortalité du fait d’une virulence accrue. S’il y a actuellement plus de décès liés à la Covid-19, c’est probablement du fait de l’augmentation du nombre d’infections par ce virus mutant jusqu’à preuve du contraire.

Des variants du variant

En attendant, ce dernier selon une communication récente de l’agence PHE semble s’enrichir de mutations nouvelles qu’il partagerait avec les variants brésiliens et sud-africains, ce qui témoigne de sa capacité d’adaptation mise à l’épreuve à la fois par la campagne de vaccination britannique et les mesures de restriction qui l’ont précédée.

Nous y revenons dans un article de la rubrique « pro et société », ce jour.  

Dr Philippe Tellier

Références
(1) Investigation of novel SARS-CoV-2 variant Variant of Concern 202012/01 Technical briefing 5. Public Health England 2021 ; 14 janvier.
(2) Graham MS et coll. : The effect of SARS-CoV-2 variant B.1.1.7 on symptomatology, reinfection and transmissibility. medRxiv 2021 ; publication avancée en ligne le 14 janvier. doi.org/10.1101/2021.01.28.21250680.

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Vos réactions (4)

  • Une question cruciale

    Le 05 février 2021

    Efficacité des vaccins sur les différents variants après 1 ou 2 injections ?

    Dr Marc Lefilliatre

  • Attention à la "capacité d’adaptation"

    Le 05 février 2021

    Attention lorsque vous mentionnez la capacité d’adaptation du virus. L’ARN mute de façon spontanée, aléatoire et sa capacité d’adaptation est juste une conséquence indirecte de mutation sélectionnée par la pression environnementale. Mais le virus ne s’adapte pas, la mutation la plus favorable à sa survie est sélectionné à posteriori. Une capacité d’adaptation sous tendrait un but recherché, voire une finalité. Or les virus n’en ont aucune, ce sont des particules parasites cellulaires qui au delà des pathologies sont indispensables à notre survie.À lire l’article très intéressant de Valérie Mils maître de conférence en biologie du développement. Université Paul Sabatier à Toulouse.

    Delphine Merino (pharmacien)

  • Plus létal ou plus mortel ?

    Le 05 février 2021

    C'est toujours la même question: un virus extrêmement létal entraîne souvent une faible mortalité, parce qu'il tue rapidement ses victimes et disparaît avec elles.
    A contrario, un virus très contagieux entraîne une forte mortalité absolue s'il permet à la plupart des sujets infectés de le propager largement.
    Répétons que le danger n'est pas tant le virus que les personnes infectées. Mais on n'ose pas le dire.

    Dr Pierre Rimbaud

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