
Perte de chance pour les patients
Cependant, il est une étape dans cet élargissement de l’accès aux soins ophtalmologiques que les praticiens refusent de franchir : celle de dépistages à distance grâce à des outils de télémédecine. Pourtant, dans un rapport sur la filière visuelle publié en 2019, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale de l’éducation du sport et de la recherche (IGESR) avaient défendu la pertinence de développer la télémédecine en dehors des cabinets d’ophtalmologie. « Promouvoir la télémédecine dans les magasins d’optique comme le fait la mission est choquant et cette hypothèse a été rejetée à une écrasante majorité par les ophtalmologistes lors d’une récente consultation. Ce n’est pas en multipliant les potentiels compérages et conflits d’intérêt que l’on va améliorer la situation sanitaire. Ce premier recours laissé ainsi aux opticiens entrainerait inévitablement une perte de chance pour les patients, car ils pourraient ainsi se sentir faussement rassurés sur leur bonne santé oculaire » dénonçait avec force le Syndicat national des ophtalmologistes français (SNOF).Cinquante euros pour un dépistage complet
Cette virulence n’a pas empêché la start-up Tessan de mettre au point une table de télé-ophtalmologie. Cette dernière est équipée d’un autoréfracto-kérato-tono-pachymètre et topographe cornéen, un rétinographe non mydriatique et un réfracteur avec un frontofocomètre. Ces outils permettent de réaliser différents examens : bilan de la cornée, de la rétine et réfaction oculaire. En pratique, le patient réalise les différents examens guidé par un orthoptiste en vidéo. Le bilan est ensuite transmis à un ophtalmologue, qui peut établir si nécessaire une ordonnance. Le coût de ce dépistage global atteint cinquante euros, dont l’entreprise Tessan espère qu’ils pourraient être pris en charge par les mutuelles (des négociations sont actuellement menées dans ce sens). Le système est aujourd’hui installé dans un établissement à Levallois mais la start-up souhaite pouvoir le déployer rapidement dans certaines de ses vingt boutiques partenaires, voire dans des centres de santé.
Qui vivra, verra
Cependant, les ophtalmologistes voient rouge contre cette initiative. « L'orthoptiste est autorisé à réaliser plusieurs actes en autonomie uniquement après avoir reçu la prescription du praticien ou dans le cadre d'un protocole de coopération signé par l'ophtalmologiste. Ici, l'auscultation s'opère à distance et hors parcours de soins, pour moi, c'est de l'exercice illégal » s’emporte ainsi dans les colonnes du Quotidien du médecin, le patron du SNOF, le docteur Thierry Bour. Rappelant que dans certaines régions, le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous atteint parfois 90 jours, le patron de Tesan défend cependant la pertinence d’un dispositif permettant de rassurer les patients ou au contraire de détecter les situations d’urgence.Aurélie Haroche