Travaux pratiques : et si tous les écoliers de France expérimentaient les capteurs de CO2 ?
Paris, le samedi 20 février 2021 - Il n’est pas suffisamment
mis en avant, regrettent de nombreux spécialistes, mais l’aération
est, de la même manière que le lavage des mains et le port du
masque, un geste simple permettant de limiter efficacement la
circulation de SARS-CoV-2. Dans les protocoles officiels, cette
mesure a été intégrée.
Ainsi, les écoles sont-elles tenues d’aérer régulièrement les
salles de classe. Cependant, comment être certain que l’ouverture
des fenêtres a été suffisante pour assurer la dispersion des virus
?
Une préconisation du HCSP
Pour évaluer l’efficacité de l’aération, certains préconisent
depuis de longues semaines d’utiliser la mesure de la concentration
en dioxyde de carbone. C’est par exemple le cas du Haut conseil de
la santé publique, dans un avis publié en octobre, qui observait :
« Il convient d’assurer le renouvellement régulier de l’air des
locaux avec un apport d’air neuf qui devra, si possible, être
augmenté. La mesure en continu de la concentration en dioxyde de
carbone (CO2), à l’aide de capteurs, permet d’en juger
la qualité ». Le HCSP préconisait encore de retenir comme seuil
d’alerte celui de 1000 PPM. « La possibilité d’être contaminé
dépend de la concentration de l’air en virus. Plus on le
renouvelle, plus le risque de diffusion est limité », explicite
Jacques Haiech, professeur honoraire de biotechnologie à
l’université de Strasbourg dans Le Parisien.
Généralisé en Allemagne
Les capteurs mesurent, le plus souvent aujourd’hui par infrarouge
non dispersif, la concentration en CO2. Le
CO2 absorbe en effet une partie du rayonnement
infrarouge, conduisant à une modification du signal et entraînant
l’émission d’alerte. Ces capteurs sont aujourd’hui généralisés dans
les écoles en Allemagne (et fonctionnaient avant la fermeture des
établissements scolaires chez nos voisins). Ils sont cependant
quasiment inexistants en France à l’exception de quelques
initiatives locales. Le ministère de l’Éducation se contente
aujourd’hui d’indiquer qu’ils peuvent être utilisés dans les
espaces de restauration scolaire « pour contrôler le
renouvellement de l’air ».
Cas pratique
Ceux qui se souviennent qu’à l’heure de la réouverture des
écoles en mai dernier il avait été révélé qu’un nombre majoritaire
d’établissements ne mettaient pas à disposition de leurs élèves du
savon en quantité suffisante, ne seront guère étonnés par l’absence
de capteurs CO2. Le coût est très
probablement la raison principale de cette lacune. Cela n’empêche
cependant pourtant pas les défenseurs de cet outil de continuer à
faire la promotion de son utilité pour apprécier l’efficacité des
mesures d’aération (leur efficacité pour limiter la diffusion de
SARS-CoV-2 apparaissant bien plus complexe à démontrer). Le
collectif Écoles et Familles Oubliées étudie ainsi la possibilité
d’un recours devant le Conseil d'État pour imposer ces capteurs.
D’autres privilégient des méthodes plus pédagogiques. Ainsi,
quelques professeurs ont présenté sur Twitter les expériences
réalisées avec leurs élèves. Le relevé des mesures de concentration
en CO2 grâce aux capteurs (et pour la
grande joie des enfants ravis de ce travail) signale régulièrement
que les quelques minutes d’aération préconisées par le protocole
sanitaire sont souvent insuffisantes pour un renouvellement optimal
de l’air. « Cet appareil nous a permis de nous rendre compte que
le seuil était très, très vite atteint. Et que les mesures que nous
demandait notre protocole sanitaire, à savoir d'aérer toutes les
deux heures, ne suffisaient pas » a par exemple rapporté sur
Europe 1 récemment, Oriane Stihlé institutrice.
Souvent, dans les classes, un enfant est désigné pour relever
chaque jour la température qu’il fait : à quand un préposé aux
capteurs de CO2 ?
Il est évident que l'erreur la plus importante dans la compréhension de la dynamique (et pour autant de son traitement) de cette pandémie a été de ne pas réaliser et admettre tout de suite que la façon primordiale de son extension si agressive et rapide ne pouvait être autre que les aérosols (on ne pourra pas dire qu'au Colorado (usa) ils n'ont pas dénoncé depuis le mois de juin/20 ce "big-mistake"). Certainement les facteurs économiques aussi atroces et cruels qu'ils soient ont été des arguments tristement protagonistes, mais comme dit le refrain on ira retomber 100 fois sur la même pierre. Encore à nouveau l'aspect pécunier prend le devant et même avec toutes les certitudes scientifiques en relation à l'importance prioritaire des capteurs co2 on en restera aux mesures bien moins efficaces: masque /lavage des mains/distance sociale qui ayant sans aucun doute leur raison d'être ne peuvent en aucun cas remplacer la mesure du renouvellement de l'air: paramètre clé dans la prévention de la transmission du sars-cov-2. Il va sans dire que les capteurs sont bien plus chers. Comme on dit chez moi: "lo barato sale caro".
Dr Gabriel Perrote
Travaux menés par les physiciens sur CO2 et aération
Le 22 février 2021
En complément au message précédent, je vous renvoie aux travaux menés par un groupe d'universitaires associant Normale Sup, Centrale-SupElec, l'Université de Paris et celle de Paris-Saclay sur ce sujet. Voir par exemple le site http://projetco2.fr 2 webinaires regroupant des centaines de personnes se sont déroulés ces deniers jours. Optimiser, à l'aide de la mesure de la concentration en CO2 la ventilation d'une local (salle de réunion, salle d'attente, amphithéâtre, cantine) est facile à faire et les capteurs performants pour mesurer le CO2 sont peu onéreux (qq 10aines d'euros pour des capteurs reposant sur la technique NDIR, de loin la plus performante). Le lien entre la concentration en CO2 et la charge particulaire est maintenant bien documentée. Revenir à un niveau de 800 ppm en CO2 dans un premier temps par l'aération (ventilation mécanique, ventilation naturelle) serait un énorme progrès. Le port d'un masque avec un rendement "réel" de filtration souvent très loin des performances théoriques mesurées au laboratoire (> 95 % par exemple mais avec des fuites majeures en périphérie...) sera d'autant plus efficace que l'air environnant n'est pas trop contaminé par les aérosols. Cette démarche est maintenant celle retenue par l'éducation nationale et par de nombreux pays voisins tant pour l'école que pour d'autres secteurs, y compris le secteur santé.