
Les dispositifs électroniques de délivrance de nicotine (ENDS
pour Electronic Nicotine Delivery System), au premier rang
desquels les e-cigarettes, sont devenus de plus en plus populaires
au cours des dernières années, chez les jeunes adultes entre 18 et
24 ans. Cette constatation soulève de nombreuses questions et
notamment celle de l’impact sur la consommation de produits dérivés
du tabac et avant tout de la cigarette. Une étude nationale révèle
que 9,7 % des individus âgés de 18 à 24 ans, n’ayant jamais fumé de
cigarettes ont eu recours à un ENDS (face à seulement 3,2 % de la
population similaire mais de plus de 25 ans). Des études et méta
analyses récentes ont suggéré que l’usage d’un ENDS augmentait,
chez les jeunes, le risque d’initiation à la cigarette. Avec un
niveau de preuves modéré, les National Academies of Science,
Engineering and Medecine (NASEM) ont conclu que «
l’utilisation de la e-cigarette conduisait à un tabagisme
ultérieur par cigarette augmenté tant en fréquence qu’en
intensité », y compris chez les jeunes adultes n’ayant jamais
fumé antérieurement.
Quelques cigarettes en plus
La cohorte est composée de 1 096 jeunes adultes, entre 18 et
24 ans, n’ayant jamais fumé, ENDS naïfs au moment de la vague 1. La
majorité était des femmes (609, soit 55,6 %) et des Blancs (698,
soit 63,7 %) ; 276 (25,2 %) étaient d’origine hispanique. L’âge
moyen était de 21,4 (1,9) ans ; 584 (53,3 %) avaient un niveau
d’éducation atteignant au moins le collège ; 214 sur les 1 096
(19,5 %) avaient consommé de la marijuana dans les 30 jours
précédents. L’analyse des vagues 2 et 3 a montré que le tabagisme
moyen, tant en fréquence qu’en intensité, a augmenté de façon
parallèle à l’utilisation d’un ENDS dans les 30 jours ayant précédé
l’auto-questionnaire de la phase 2. Lors de la vague 3, les
variations, entre vague 2 et vague 3, de la consommation de
cigarettes étaient très minimes, mais variables selon les groupes,
allant de – 5 cigarettes pour les individus n’ayant jamais eu
recours à un ENDS vs + 22,6 pour ceux qui avaient utilisé un
ENDS plus de 6 jours, ceci dans les 30 jours précédant l’enquête
lors de la vague 2.
Mais pas d’association significative entre vapotage et tabagisme ultérieur
Lorsqu’avait été utilisé un ENDS en vague 1, on dénombrait,
lors de la vague 2, une hausse allant de 0,33 à 1,64 jours avec
tabagisme. Il a aussi été constaté une augmentation, non
significative statistiquement, de l’intensité du tabagisme entre la
vague 2 et la vague 3 chez ceux qui avaient utilisé un ENDS pendant
au moins 6 jours dans le mois précédent l’enquête, vs les
non utilisateurs. Cette augmentation, de l’ordre de 44 cigarettes
en moyenne fumées en un mois, était, elle-même, liée à l’importance
du recours à l’ENDS lors de la vague 2. Cependant, après
application du score de propension, il n’était plus décelé
d’association patente, significative, entre recours à l’ENDS en
vague 2 et variation de la fréquence ou de l’intensité du tabagisme
lors de la vague 3.
Ces résultats sont en opposition avec de précédentes analyses
issues de PATH, qui étaient basées sur des échantillons plus
réduits et avec des indicateurs de recours à la cigarette moins
précis. Leur caractère non contributif statistiquement peuvent être
liés à divers facteurs. La taille de l’échantillon a pu être trop
modeste (bien que des post analyses n’aient pas validé ce point).
En second lieu, il demeure possible qu’aient été retenus des
définitions et des critères différents concernant l’usage de l’ENDS
et la consommation de cigarettes, avec pour effet d‘aboutir à des
conclusions différentes selon les études. Ce travail doit, en
outre, être associé à plusieurs réserves. Les méthodes
d’appariement par score de propension ont des limites liées à un
poids excessif de certaines covariables, surestimation de données
particulières ou nécessité d’échantillons de grande taille.
Surtout, l’utilisation des diverses modalités d’ENDS s’est modifiée
ces dernières années et les résultats après 2018 traitant de
l’association ENDS et cigarettes pourront différer de ceux
rapportés dans cette publication.
Dr Pierre Margent