Le gouvernement pense plus au pass sanitaire qu’au confinement : un pari risqué ?

Paris, le jeudi 4 mars 2021 - C’est devenu presque un rituel ; désagréable, mais un rituel. Le premier ministre, Jean Castex, s’exprimera ce soir à 18 heures pour évoquer les mesures destinées à limiter la circulation de SARS-CoV-2 (sous tous ses variants). Au programme, on le sait, aucun relâchement n’est à attendre, y compris dans les territoires où l’incidence reste modérée (voire en diminution).

Cependant, et cela constitue davantage une surprise, un confinement le week-end ne devrait finalement concerner que le département du Pas-de-Calais et non pas l’ensemble de ceux (une vingtaine) qui connaissent une incidence dépassant les 250 pour 100 000. L’Ile-de-France, qui paraissait particulièrement en sursis, en raison de sa densité et d’une circulation majoritaire des variants, ne devrait notamment pas connaître de confinement en fin de semaine.

Paris n’est pas le Pas-de-Calais

Les justifications de cette différenciation sont multiples. D’abord, évidemment économiques : l’Ile-de-France constitue le poumon économique du pays, dont l’activité reste forte le samedi et même le dimanche et un confinement le week-end aurait eu des conséquences plus importantes que dans d’autres départements. Des considérations sociales ont également pesé : les logements sont souvent plus réduits en Ile-de-France et rares sont les franciliens à disposer d’espaces extérieurs, ce qui aurait rendu le confinement du week-end plus difficile à supporter encore. Des considérations proches ont sans doute également conduit à un choix similaire pour la ville de Marseille. D’ailleurs, certains élus, dont le maire de Paris, ont tenu à alerter le gouvernement de cette dimension psychologique, de ce risque d’une acceptabilité fragilisée ; l’édile parisien allant même jusqu’à parler d’une solution « inhumaine » (tout en prônant le zéro-Covid !). Il est probable que de la même manière que d’autres dirigeants européens (Angela Merkel par exemple), le pouvoir français soit de plus en plus sensible à cet aspect des choses. Enfin, la différenciation des mesures peut également s’expliquer par les disparités des capacités hospitalières. On sait par exemple que dans la capitale, même soumise à une forte incidence, la pression hospitalière ne dépasse pas 63 %, quand elle atteint 151 % dans le Pas de Calais. Dans les Bouches-du-Rhône, le niveau est intermédiaire, plafonnant depuis plusieurs jours à 89 %. Partout, cependant, des déprogrammations (plus ou moins importantes) n’ont pas pu être complétement évitées.

Toujours possible d’y croire

D’une manière plus générale, l’extension limitée du confinement le week-end au seul Pas-de-Calais confirme une nouvelle fois la réticence de plus en plus profonde de l’exécutif, Emmanuel Macron en tête (on sait que des dissidences existent toujours au sommet de l’État) sur le recours à ce type de mesure. Il faut dire que tant les prévisions que les indicateurs épidémiques peuvent conduire à discuter la pertinence des confinements. Concernant les modélisations, dont nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises les écueils, le spécialiste des data, Guillaume Rozier, faisait observer hier que les chiffres actuels d’hospitalisation sont inférieurs aux prévisions les plus optimistes de l’Institut Pasteur/Inserm (établies il y a plus de trois semaines et avant leur réactualisation). Par ailleurs, les chiffres de ces derniers jours ne montrent pas de dégradation brutale de la situation : on relève ainsi que l’ampleur de la hausse ne cesse de s’amenuiser, tandis que l’incidence dans les départements où elle est la plus élevée paraît se stabiliser. Autant d’éléments qui, alors que les hospitalisations restent stables, le nombre de personnes en réanimation en très légère hausse et la mortalité en baisse depuis un mois, confortent dans l’idée que les mesures actuelles pourraient demeurer suffisantes, en tout cas pour pérenniser l’équilibre fragile actuel, en attendant les effets de la vaccination.

Regarder vers l’avenir : le pass sanitaire !

Aussi, le gouvernement préfère aujourd’hui multiplier les perspectives optimistes. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a ainsi répété, au lendemain de déclarations similaires du Président de la République, qu’un assouplissement pourrait être envisagé à la mi-avril. Pour ce faire, le gouvernement travaillerait de façon de plus en plus active à la mise en place d’un « pass sanitaire » qui reposerait non pas seulement sur la vaccination, mais également sur les résultats de tests PCR, antigénique et sérologique et qui pourrait supposer un traçage accru.

Pass sanitaire : gare au feu de paille ?

Bien sûr, on le sait, une telle stratégie suscite la circonspection (voire pour certains la colère) d’une partie des spécialistes, qui toujours considèrent que pour un réel contrôle de l’épidémie, des mesures plus fortes devraient s’imposer. Ainsi, commentant la perspective donnée par Gabriel Attal d’une réouverture vers la mi-avril, le professeur Gilbert Deray a commenté sur LCI hier : « Est-ce que le 15 avril, nous aurons non pas contrôlé l’épidémie, mais contrôlé le nombre de morts dans les hôpitaux et le nombre de personnes en réanimation ? Peut-être », ne cachant pas qu’à ses yeux il ne devrait pas s’agir de l’unique objectif. Dans le même esprit, dans les colonnes du Monde, l’épidémiologiste Renaud Piarroux, et le directeur du centre de crise de l’AP-HP Bruno Riou évoquent le risque d’après-lendemains qui déchantent. « A n’en pas douter, mars et avril seront très éprouvants, mais qu’adviendra-t-il après ? On peut espérer que la campagne de vaccination s’intensifiera avec un effet d’autant plus spectaculaire qu’une grande partie de la population sera aussi immunisée du fait de la très forte circulation virale depuis octobre. On peut aussi espérer que l’effet saisonnier participe à la décrue. La potentialisation de l’effet de la vaccination là où un agent pathogène a circulé activement a déjà été observée dans le cas de la rougeole et de la coqueluche. La période de très faible transmission qui suit la mise en place d’une vaccination de masse est appelée « lune de miel ». Elle n’est cependant pas pérenne puisque, avec le temps, l’effet immunisant lié à la circulation du pathogène s’estompe. Dans le cas du Covid-19, la lune de miel risque d’être brève, car l’immunité ne semble pas suffisamment durable. Si la couverture vaccinale est insuffisante, une reprise épidémique est à craindre dès l’automne prochain. Ces rebonds épidémiques n’auront probablement pas la même gravité qu’actuellement. Ils ne seront cependant pas sans conséquences. En particulier, une reprise de la circulation du virus dans la population jeune, peu motivée pour se vacciner, constituera un danger pour tout voyageur issu d’un pays libre de Covid-19, par exemple en Asie ou dans le Pacifique. Qu’adviendra-t-il des pays ayant fait le choix de « vivre avec le virus » ? Ils représenteront des destinations à risque où les voyageurs hésiteront à se rendre, surtout si une quarantaine leur est imposée au retour. Certes, les pays libres de virus pourront tenter de protéger leur population par la vaccination, mais cette mesure leur apportera-t-elle une sécurité suffisante ? Logiquement, ils ne prendront pas le risque de laisser chacun aller et venir entre zones indemnes et zones de circulation du virus. Le monde pourrait bien être coupé en deux. Comme un couple qui fait chambre à part. Et nous pourrions bien nous retrouver dans la mauvaise chambre, celle des contagieux, des pestiférés ».

L’argumentation doit-elle être considérée comme une nouvelle poussée d’alarmisme destinée pour la millième fois à faire la promotion de Zéro Covid ? Ou doit-elle être lue comme une mise en garde pertinente à l’heure où la course au pass vaccinal s’engage, afin que le sésame français ne se transforme pas en un feu de paille s’il était considéré comme sans valeur par certains pays étrangers ?

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Grand article pour ne rien dire ...

    Le 04 mars 2021

    Long article pour ne rien dire ... surtout en prenant l’avis professeur Gilbert Deray, médecin néphrologue dialyseur en retraite...bonne référence comme cet article baratin...

    Dr Alain Haertig

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