Dépistage du cancer du poumon : l’Académie de médecine en porte-à-faux avec 74 sociétés savantes

Paris, le vendredi 5 mars 2021 - L’essai Nelson a mis en évidence une réduction de la mortalité liée au cancer du poumon de 25 % chez les hommes (dans un groupe de 13 195 sujets) et de 33 % chez les femmes grâce à un dépistage systématique et régulier du cancer du poumon par scanner thoracique faible dose.

Un autre essai, NLST, a retrouvé des données comparables, mais sa méthodologie a parfois été remise en cause. Dans cette dernière étude, une diminution de la mortalité globale de 6,7 % a été mise en évidence.

Aussi, depuis plusieurs années, de très nombreuses sociétés savantes de pneumologie et d’oncologie demandent qu’un dépistage systématique du cancer du poumon chez les fumeurs et les anciens fumeurs par scanner thoracique faible dose soit mis en place en France.

La HAS (Haute Autorité de Santé) s’était déjà penchée sur la question en 2016 et n’avait pas recommandé ce dépistage arguant que « les conditions de qualité, d’efficacité et de sécurité nécessaires à la réalisation du dépistage du cancer broncho-pulmonaire par tomodensitométrie thoracique à faible dose de rayons X chez des personnes fortement tabagiques ou l’ayant été ne sont pas réunies en France ».

Les lignes bougent

Ces dernières semaines, les lignes semblent bouger. Dans le Figaro, la journaliste Anne Prigent indiquait ainsi en février « pour la première fois, l’Inca a demandé l’avis des Français sur ses propositions. Et ces derniers ont désigné l’évaluation de la faisabilité d’un dépistage du cancer du poumon comme une priorité ». Un dépistage qui s’adresserait aux personnes entre 50 et 74 ans, fumeuses ou ayant arrêté de fumer depuis moins de dix ans.

Mais l’Académie de médecine, dans un rapport adopté par 86 voix pour, 2 contre et 11 abstentions, repousse cette idée.

Elle souligne en particulier que cette baisse de la mortalité par cancer ne présage pas d’une baisse de la mortalité globale et est non significative chez les femmes en raison d’un échantillon trop faible.

« Par ailleurs de nombreuses inconnues persistent pour pouvoir définir une politique de dépistage, entre autres sur la définition de la population cible, le taux de participation souhaitable, la fréquence des tests, le type de test à réaliser, leur interprétation, les indications diagnostiques et thérapeutiques pour les tests positifs et la formation des radiologues » estime l’Académie.

L’Académie juge en outre : « il ne parait pas possible actuellement de construire un programme organisé de dépistage des cancers du poumon sans avoir résolu (…) le problème global d’acceptation du sevrage tabagique par les candidats à ce dépistage, seule solution qui permettrait de réduire la mortalité globale des fumeurs ».

Pourtant, dans l’étude Nelson, il semble qu’un résultat négatif de scanner, n’a pas d’impact négatif sur l’efficacité du sevrage et que ce dépistage est un moment privilégié pour proposer un dépistage. 

Un point de vue académique qui n’est sans doute pas partagé par de nombreux spécialistes.

En décembre 2018, Gerard Zalcman (Oncologie thoracique, Bichat), recommandait ainsi, interviewé par le JIM, un dépistage chez les fumeurs et anciens fumeurs de 50-74 ans (avec un tabagisme supérieur ou égal à 15 paquets années) à un rythme annuel puis bisannuel après deux scanners négatifs.

Voilà qui répondait au moins à l’une des objections de l’Académie !

F.H.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (1)

  • Raison garder

    Le 05 mars 2021

    L'Académie essaie de juger rationnellement le bénéfice d'un dépistage à grande échelle pour la santé publique.
    Les Sociétés savantes expriment leur intérêt professionnel pour une telle stratégie.
    Il est bien entendu que les grilles de lecture ne sont pas les mêmes.
    D'une manière générale, les professionnels les plus compétents et les plus actifs dans une spécialité ne sont pas les plus exempts de biais cognitifs quand il faut encourager les investissements et les dépenses publiques dans ce domaine.

    Dr Pierre Rimbaud

Réagir à cet article