Prédire la fibrillation auriculaire en toute intelligence artificielle

La fibrillation auriculaire (FA) est à l’origine d’une morbidité substantielle du fait notamment d’un risque élevé de complications thrombo-emboliques dont, évidemment, l’accident vasculaire cérébral. L’identification précoce des patients à risque élevé de FA de novo à partir d’examens simples, non invasifs et peu coûteux constituerait un progrès majeur puisqu’elle déboucherait sur des mesures préventives ciblées. L’ECG de repos à 12 dérivations fait partie de ces derniers et une étude publiée dans Circulation suggère que sa lecture confiée à un algorithme dérivé de l’apprentissage profond pourrait répondre à l’objectif précédent.

Entraînement de la machine et évaluation des performances de l’algorithme

Dans un premier temps, les réseaux neuronaux profonds qui sont impliqués dans cette forme d’intelligence artificielle ont été entraînés à la lecture de l’ECG et à la prédiction du risque de FA à partir d’1,5 millions de tracés ECG enregistrés chez 430 000 patients entre 1984 et 2019. Ce trouble du rythme supraventriculaire ne figurait pas parmi les antécédents des participants. La capacité prédictive du modèle ainsi construit a été éprouvée dans les 12 mois qui ont suivi l’inclusion dans la cohorte de validation rétrospective.

Les performances diagnostiques ont été évaluées à partir de l’analyse de la courbe ROC (receiver operating characteristic) notamment de l’AUC (area under curve). Il a été également fait appel à une autre courbe dite precision-recall curve (PRC) ou courbe de rappel de précision qui est le reflet de la relation entre la précision et le rappel à mesure que le seuil de décision varie. Le rappel n’est autre que la capacité à détecter tous les échantillons positifs, tandis que la précision est la capacité à éviter les faux positifs. Le rapport rappel /précision dépend du seuil et des objectifs poursuivis dans l’étude en faisant quelque part appel à un compromis qui intègre la notion de rapport bénéfice/risque. L’analyse de survie sans évènement a été réalisée là aussi rétrospectivement sur une période de 30 années après la stratification du risque définie par les prédictions du modèle.

Une évaluation dans le monde réel a par ailleurs été faite à partir d’un modèle distinct construit à partir des ECG réalisés avant 2010. Les performances de ce modèle ont été rétrospectivement évaluées entre 2010 et 2014 à partir du registre des AVC, la survenue d’un AVC au cours de cette période étant le principal critère de jugement. Le risque correspondant a été calculé en fonction de divers seuils prédictifs.

Sept fois plus de FA chez les sujets jugés à haut risque

En ce qui concerne l’évaluation du risque de FA de novo à un an (incluant la détection des FA paroxystiques), l’AUC sous la courbe ROC a été estimée à 0,85 ce qui est bien et à 0,22 pour la courbe PRC, ce qui l’est moins. Le risque de développer une FA en l’espace de 30 années était multiplié par plus de sept (hazard ratio = 7,2 ; IC95 %, 6,9–7,6) chez les participants jugés à haut risque par l’algorithme versus ceux jugés à faible risque. Dans le scénario du monde réel, le modèle a prédit le risque de FA à un an avec une sensibilité de 69 % et une spécificité de 81 %. Le nombre de cas à analyser pour identifier un cas de haut risque de FA a été estimé à 9. Finalement, le modèle a rétrospectivement identifié 62 % des patients victimes d’un AVC dans les trois ans qui ont suivi l’analyse de l’ECG par l’algorithme.

Prometteur… à suivre

Un modèle d’apprentissage profond prometteur entre les mains de ceux qui l’ont élaboré : les étapes suivantes passent par son développement et sa validation prospective sur une grande échelle, ce qui vaut pour tous les algorithmes construits à l’aide de l’intelligence artificielle. Les perspectives qui découleraient de cette validation sont immenses si l’on prend en compte la prévalence élevée de la FA et de ses complications thrombo-emboliques. Prédire le risque de FA bien en amont de ces dernières reste un défi immense qui est peut-être accessible à de tels modèles. A suivre …

Dr Catherine Watkins

Référence
Raghunath S et coll. : Deep Neural Networks Can Predict New Onset Atrial Fibrillation From the 12-Lead Electrocardiogram and Help Identify Those at Risk of AF-Related Stroke. Circulation 2021 ; publication avancée en ligne le 16 février. doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.120.047829.

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Vos réactions (2)

  • Knock à l'oeuvre

    Le 17 mars 2021

    Dépistages, surdiagnostics et surtraitements sont les trois mamelles de la médicalisation à outrance.

    Dr Pierre Rimbaud

  • Biais ?

    Le 18 mars 2021

    Si effectivement cet algorithme pouvait aider, mais dans un futur très lointain, à mieux sélectionner des candidats à risques réputés "sains" de tout autre risque pour aller en longues missions d'exception et d'isolement sur Mars ou en longs périples sous marins, pourquoi pas ? Mais en attendant, il existe des facteurs de risques authentiques qui eux, sont bien établis et sont souvent négligés (HTA, facteurs de risque de coronaropathie, alcool, tabac, cholestérol, diabète, voire hyperthyroïdie etc...).

    Or cette étude ECG faite sur un seul paramètre unique, n'a pas, semble-t-il pris en compte et dissocié ceux porteurs ou non de ces autres facteurs de risque dont la concomitance éventuelle pourrait, à tout le moins, en moduler vraisemblablement la conclusion.

    Dr Jean Abécassis

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