Surmortalité et Covid-19 : une exception française ?

Paris, le jeudi 18 mars 2021 - Comment évaluer l’impact réel du Covid-19 en termes de surmortalité ? Un article de l’Institut national d’études démographiques (INED) publié le 17 mars tente de répondre à cette question épineuse qui permet de mesurer avec plus de précision les conséquences de l’épidémie en France.

En 2020, 654 000 personnes sont décédées en France, toutes causes confondues. L’Institut compte donc 55 000 décès de plus qu’en 2019, soit une hausse de 9,2 %.

Pourtant, la France affiche un nombre de décès liés au Covid-19 en 2020 bien supérieur, d’environ 65.000 morts, selon le recensement de Santé Publique France.

Pour France Meslé, chercheuse à l’INED citée dans Le Monde, la France apparait comme « un cas particulier, avec des morts dues à la pandémie bien supérieures au bilan global des décès : dans la plupart des autres pays, c’est l’inverse ». Le New York Times et le Financial Times avaient déjà eu l’occasion de souligner cette particularité française. A l’opposé, certains pays comme la Russie, ont dû admettre une sous-évaluation des décès avec plus de 400 000 décès sur l’année 2020, pour un bilan officiel de 90 000 décès liés au Covid-19.

Trois pistes d’explication

Comment expliquer cette spécificité française ? La première, déjà régulièrement avancée (mais qui n’est pas propre à la France), tient au fait que d’autres pathologies ou causes de décès ont diminué l’an dernier. L’épidémie de grippe saisonnière de l’hiver 2019-2020, par exemple, « n’a pas occasionné de surmortalité notable au début de l’année 2020 ». La piste d’une compétition entre Sars-Cov-2 et les virus de la grippe saisonnière, mais aussi celle de l’efficacité des gestes barrières est signalée. Autre élément à prendre en compte (dans une certaine mesure) la baisse des décès liés aux accidents de la route.

En novembre dernier, l’OCDE avait en outre souligné que la surmortalité française (moins importante que celle affichée en Belgique, Royaume-Uni, Italie ou Espagne) pouvait être expliquée par une meilleure prise en charge des infarctus, AVC, ou autres maladies chroniques par le système hospitalier français, même au pic de la vague.

Des patients qui « seraient de toute façon décédés en 2020 »

Autre piste évoquée : une partie des personnes mortes de Covid en 2020 « seraient de toute façon décédées », soit d'une autre pathologie, soit de vieillesse. Pour l’INED, parmi ces 55 000 décès supplémentaires, environ 13 000 sont statiquement imputables au vieillissement de la population. Celui-ci « s'observe chaque année en l'absence de gain d'espérance de vie », ce qui entraîne mécaniquement une hausse annuelle du nombre de décès, indépendamment de tout contexte épidémique, détaille l'étude. Autre élément, « d'autres causes de décès ont aussi probablement reculé comme le diabète, les maladies cardiovasculaires et l'insuffisance respiratoire chronique », observent les auteurs. « Une partie des personnes fragiles souffrant de ces maladies sont en effet mortes de Covid-19 », alors que, sans la pandémie, « elles seraient de toute façon décédées en 2020 » de l'une de ces pathologies.

La France a-t-elle (trop) bien compté ses morts ?

« La troisième raison possible serait une surévaluation du nombre de décès Covid par Santé publique France mais on a du mal à le penser, ou alors de façon marginale », indique encore la démographe. Ce phénomène aurait tout de même pu se produire au début de la crise, notamment dans les Ehpad. « Dans l’un d’eux où j’exerce, la première personne décédée n’avait pas été testée positive mais le tableau clinique était tellement évident que j’ai écrit Covid sur le certificat de décès », indique au Parisien Renaud Marin La Meslée, président du Syndicat des médecins généralistes et gériatres intervenant en Ehpad (SNGIE).

Une baisse de l’espérance de vie

Malgré tout, si l'étude permet de remettre en perspective le nombre total de décès liés à la Covid, elle souligne aussi que cette augmentation de la mortalité a eu pour effet de faire baisser l'espérance de vie à la naissance. Entre 2019 et 2020, elle a ainsi baissé de 0,4 année pour les femmes, et de 0,6 pour les hommes, pour s'établir respectivement à 85,2 ans et 79,2 ans.

C.H.

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