Par le Pr Dominique Baudon (Professeur du
Val-De-Grâce)
Connaissez-vous l’origine de la légende selon laquelle les
cigognes apportent les bébés. Selon cette légende alsacienne, les
taux de natalité dans les villages où les cigognes faisaient leurs
nids étaient plus élevés que dans les villages où les cigognes ne
nichaient pas.
Nous avons là un « sophisme », raisonnement qui partant
d’une observation réelle (les cigognes nichent dans certains
villages) aboutit à une conclusion fausse. L'effet cigogne
consiste à confondre liaison et causalité. Pour résumer, ce
n'est pas parce deux évènements se succèdent qu’il y a forcément
une relation de cause à effet entre les deux.
Nous avons eu un exemple récent d’un effet cigogne avec
l’utilisation du vaccin AstraZeneca dans la Covid-19. Une
observation juste, la présence de cas de thromboses constatées dans
les suites de la vaccination, a abouti à une conclusion non
démontrée, « cela est dû au vaccin » ; il y avait la
liaison, mais pas la causalité. A partir d’une observation vraie,
on fait une mauvaise interprétation. La conséquence a été une
suspension de la vaccination pendant trois jours, du 15 au 18 mars
dans plusieurs pays de l’Union Européenne, puis la limitation de la
vaccination aux sujets de plus de 55 ans (seulement en
France).
Souvenons-nous de la vaccination contre l’hépatite B
Il y avait déjà eu en France, en 1993, la polémique sur la
vaccination contre l'hépatite B, accusée de déclencher des cas de
sclérose en plaques (SEP) sans qu’aucune causalité ne soit prouvée
(Effet cigogne). Cela avait entraîné le recul de la vaccination
contre l’hépatite B pendant trois années. Depuis, de nombreuses
études scientifiques ont montré l’absence de causalité entre cette
vaccination et la SEP. S’en était suivie une réticence accrue de la
population à toutes les vaccinations et cela pendant plusieurs
années. Pour éviter cet effet cigogne et ses conséquences néfaste
sur les vaccinations, il faut donc le plus rapidement possible
apporter la preuve que la maladie en cause (effet indésirable)
survient avec autant de fréquence dans la population vacciné que
dans la population générale ; si ce n’est pas le cas alors l’effet
indésirable grave est retenu.
Une étude bénéfice-risque sur les 3 vaccins utilisés en
France
Un autre point important est celui du rapport bénéfice
(vaccination)/ risque (effets indésirables graves). Même si des
effets secondaires graves était prouvés (causalité), il faudrait
alors mettre en balance ce risque avec le bénéfice attendu.
Le « Centre of Research in Epidemiology and StatisticS
» associé à l’INSERM, l’Université de Paris et l’AP-HP (Assistance
Publique Hôpitaux de Paris) présente sur le site, une étude
de bénéfice risque sur les deux vaccins ARNm (Pfizer BioNTech
et Moderna) et le ChAdOx1 (AstraZeneca). Il est calculé sur
des données réelles : 10 000 personnes non vaccinés malades de la
Covid 19, en comparant avec ces mêmes 10 000 sujets s’ils avaient
été vacciné. Je ne donnerai ici que les résultats portant
:
(1) sur le taux d’efficacité chez les sujets vaccinés, de 95 %
pour les vaccins ARN m et de 70 % pour le vaccin
AstraZeneca,
(2) sur les effets secondaires graves dans les deux mois après
la vaccination : 2 pour 10 000 (AstraZeneca et Pfizer) et 5 pour 10
000 pour le Moderna (aucun décès dans ce modèle quel que soit le
statut vaccinal).
Concernant le risque de thrombose provoquée par le vaccin
AstraZeneca, suite à une réunion extraordinaire du 18 mars 2021,
l’agence européenne du médicament (EMA) a indiqué que «
les avantages du vaccin AstraZeneca dans la lutte contre le
COVID-19 continuent de l'emporter sur le risque d'effets
secondaires ».
Un exemple oublié : la vaccination antivariolique
Dans le passé la vaccination antivariolique était réputée pour
ses effets indésirables graves. Selon l’OMS, environ 1 000
personnes par million ont eu, lors de la primo vaccination, une
réaction sérieuse sans que leur vie en soit menacée, entre 14 et 52
personnes par million ont eu des effets indésirables
potentiellement mortels, et on estime qu'une à deux personnes par
million de sujets vaccinés sont morts d'une réaction à cette
vaccination. La vaccination a par ailleurs évité des millions de
morts et il n’y avait aucune discussion sur le bénéfice
risque.
Dans le cas du vaccin Dengvaxia de Sanofi (vaccin vivant atténué
protégeant contre les 4 sérotypes du virus de la dengue), après que
800 000 enfants aient été vaccinés aux Philippines en 2015, la
survenue de décès a entrainé l’interdiction de cette vaccination
dans ce pays et le changement de populations cibles ailleurs,
réservant le vaccin aux seules personnes ayant déjà été infecté par
au moins un des sérotypes.
Pour conclure, devant la survenue d’un éventuel effet
indésirable grave, il faut rechercher une possible causalité (le
vaccin est-il bien responsable de l’effet indésirable grave ?) et
dans ce cas faire une étude du bénéfice risque. Ce n’est qu’à
l’issue de ces études que pourra être décidé la suspension de la
vaccination …ou sa continuité.
Si l’on veut consolider la confiance de la population dans la
vaccination, il faut être transparent dans la communication,
montrer l’efficacité de la pharmacovigilance pour la détection
d’éventuels effets indésirables, et ne pas succomber à l’effet
cigogne ni au principe de précaution.
En dehors de l'Alsace on citait plutôt comme Claude Bernard : post hoc ergo propter hoc. Simplement post hoc pour les initiés.
Dr Emmanuel Bisot
La raison devrait nous guider ...
Le 27 mars 2021
Clair, précis et pertinent. Hélas, aucun argument ne fera réfléchir les idéologues ni les sectaires hallucinés adeptes des cucuteries new age.
Dr Alexandre Krivitzky
Réticences des soignants
Le 27 mars 2021
Si un soignant se positionne en épidémiologiste, bien sûr, il pense qu'il faut vacciner car il raisonne en terme de bénéfice-risque global. Mais s'il se place en individu informé des risques, il raisonne autrement car s'il est victime d'un effet secondaire, pour lui, c'est 100% d'effet secondaire.
Pourquoi donc y a t-il plus de réticences chez les soignants que dans la population générale? C'est peut-être bien qu'ils sont mieux informés et notamment que l'on ne sait pas grand-chose des effets à long terme possibles des vaccins à ADN. Tout ce que l'on sait, c'est que des thérapies géniques sont suspectes, sur des très petites séries, d'avoir provoqué des leucémies. Et que dire de l'éventualité de maladies auto-immunes? Chacun pour soi et Dieu pour tous est un raisonnement tout à fait humain et compréhensible.