
L’Ile de France en zone d’alerte, la France dans un état préoccupant
Cette alerte est une conséquence directe de la situation actuelle dans les hôpitaux franciliens. Avec 1465 personnes en réanimation le 28 mars, le pic de cet automne est désormais dépassé. En outre, si en novembre, les établissements d’Ile-de-France avaient évité le débordement, différents signaux nourrissent actuellement la préoccupation des équipes. D’abord, le rythme d’admission de ces derniers jours se rapproche de la première vague. « Les chiffres d’hier qu’il s’agisse des entrées en réanimation ou en hospitalisation conventionnelle sont particulièrement élevés. Nous n’avions pas connu un nombre d’entrées aussi haut en vingt-quatre heures depuis la première vague » a ainsi remarqué mercredi dernier, le patron de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris. On constate notamment que l’écart entre le nombre de patients admis quotidiennement et celui du nombre de patients sortant se creuse. Le nombre de sorties était ainsi quasiment comparable au nombre d’entrées au tout début mars et plafonnait autour de 300, alors que le 28 mars 539 admissions étaient enregistrées contre 412 sorties (dont 61 décès). Par ailleurs, il n’y a pas de signes réels de décélération de l’épidémie dans la région. Enfin, à la différence de ce qui avait été possible au printemps derniers, les transferts semblent plus difficiles à mettre en œuvre. D’une part, parce que les refus des familles des patients sont de plus en plus nombreux. D’autre part, parce qu’un grand nombre de départements français ont eu aussi déjà dû commencer à déprogrammer des soins non urgents : le taux d’occupation des lits de soins critiques par des patients atteints de Covid culmine aujourd’hui à 94,5 % pour la France entière. Aujourd’hui, les deux tiers des départements connaissent un taux d’occupation égal ou supérieur à 80 %. Il n’y a en outre actuellement plus aucun département dont le taux d’incidence soit inférieur à 150/100 000.La responsabilité du gouvernement clairement mise en cause
Il est difficile d’affirmer que l’exécutif est « plus que
jamais » au pied du mur, tant depuis le début de l’année, se sont
succédées les semaines qualifiées de « décisive ».
Cependant, on peut constater que le ton s’est durci. Ainsi,
les médecins et épidémiologistes, qui ont longtemps
systématiquement tenu à rappeler que leur rôle n’était pas de
prescrire des mesures, et qu’il s’agissait du domaine de
compétences du politique, usent cependant désormais d’un ton plus
accusateur. Ainsi, une autre tribune dans le Monde, signée
par neuf spécialistes de réanimation, estime que l’attitude
actuelle du gouvernement tend à se défausser de la responsabilité
de l’inévitable « tri » des patients sur les soignants et ne
peut être qualifiée que d’« hypocrite ». Ces praticiens
considèrent sans nuance que la situation actuelle et ce risque de
plus en plus prégnant est clairement la conséquence des choix de
l’exécutif.
Encore une minute, monsieur le bourreau ?
Ainsi, accusé Emmanuel Macron, qui (nous l’avons déjà évoqué) récuse toute forme de mea culpa, veut encore gagner du temps. Selon de nombreux commentateurs politiques, il souhaite attendre les chiffres d’aujourd’hui et de demain, notamment dans les régions soumises à des mesures de freinage supplémentaires, pour déterminer si de nouvelles dispositions sont nécessaires. Il est pourtant très peu probable qu’une tendance significative s’observe, tant la différence entre les mesures actuelles et celles qui étaient en vigueur précédemment sont ténues et puisque les chiffres de contaminations du lundi sont artificiellement bas en raison du plus faible nombre de tests réalisés le dimanche. Quels que soient ces résultats, un Conseil de Défense se tiendra mercredi et certains assurent qu’une prise de parole du chef de l’État pourrait intervenir dans la foulée. Mais Emmanuel Macron a tenu à marteler ce week-end que rien n’était décidé et on sait qu’il aura probablement à cœur de se concentrer également sur d’autres indicateurs que l’incidence et les admissions en réanimation (le nombre de décès a quant à lui augmenté de 7,6 % la dernière semaine). Les records de vaccination de ces derniers jours mais aussi la multiplication des indices confirmant que les mesures sanitaires sont de moins en moins suivies auront sans doute également un impact sur sa décision. Ce qui se joue évidemment également dans une hypothétique décision de troisième confinement est en effet, au-delà de ses conséquences sanitaires, l’acceptation des mesures et leur coût économique et social.Polémique en chantant
D’aucuns considéreront cependant que cette réflexion sur l’acceptation, voire sur les conséquences des mesures de confinement, sont pour le gouvernement des prétextes pour d’abord justifier ses positions, qui sont aujourd’hui de plus en plus contestées. C’est ainsi notamment que l’on peut analyser la bataille de communication de ce week-end autour de la fermeture des écoles. Alors que les appels se multipliaient de toute part pour demander une suspension des cours (ou un avancement des vacances), pour toute réponse Jean-Michel Blanquer a tweetté l’appel de parents d’élèves américains demandant la réouverture de leurs établissements. Ce pied de nez a été particulièrement mal vécu par les syndicats d’enseignants qui n’ont pas manqué de lister toutes les erreurs et approximations du ministère.Écoles : des chiffres ambivalents malgré une majorité médicale qui se dessine en faveur de leur fermeture
Au-delà de ces passes d’arme, une majorité semble aujourd’hui
se faire jour dans le milieu médical (même si les pédiatres restent
réservés) quant à la nécessité de fermer pour un temps les
établissements scolaires. Cependant, même l’étude Comcor continue à
mettre en évidence une différence entre les écoles primaires d’une
part et les collèges et lycée d’autre part. Ainsi, avoir un enfant
au collège ou au lycée augmenterait de 27 et 29 % le risque
d’infection, alors qu’avoir un enfant scolarisé en primaire n’a pas
été jusqu’alors associé à un sur-risque. Par ailleurs, si le nombre
de classes qui ont dû fermer à cause de la Covid a nettement
progressé ces deux dernières semaines (de 2018 à 3256 soit une
hausse de plus de 50 %) et si avec le nouveau protocole en vigueur
dans les départements sous vigilance renforcée (fermeture des
classes dès le premier cas) l’augmentation devrait encore être
forte, la proportion de classes concernées demeure très faible (0,6
%).
Aurélie Haroche