Prise en charge des noyades, remettons-nous dans le (même) bain…

La noyade est à l'origine d'environ 300 000 décès prématurés chaque année…un nombre fortement sous-estimé. Il y a près de vingt ans, en partenariat avec l'International Liaison Committee on Resuscitation (ILCOR), a été établi un cadre normalisé pour la déclaration des incidents de noyade. Ce cadre, mis à jour en 2017, est aussi destiné à promouvoir la recherche et à améliorer les résultats de la prise en charge.

Le groupe de travail de l'ILCOR sur la réanimation initiale et la communauté internationale de recherche sur la noyade ont entrepris une revue de la littérature parue entre 2000 et juin 2020 afin d'identifier les prises en charge ayant fait leurs preuves en matière de réanimation pré-hospitalière, hospitalière et les critères de sortie de l’hôpital en toute sécurité. Les études étaient éligibles à l'inclusion si elles couvraient 9 domaines : réanimation dans l'eau, réanimation en bateau, gestion des voies aériennes, administration d'oxygène, utilisation de défibrillateurs, RCP par des secouristes, stratégies de ventilation, ECMO, protocoles de sortie d'hôpital…

Cette revue a retrouvé des éléments de preuves couvrant huit des neuf sujets principaux identifiés pour la revue. Aucun essai contrôlé randomisé n'a été identifié pour aucun des sujets examinés. Les études étaient de type observationnel et leur « taille » allait de 1 à 8 690 participants. Pour chacun des sujets, la définition et la présentation de la population, de l'intervention, des comparateurs et des résultats variaient beaucoup.

Confirmation de quelques conclusions déjà anciennes

Les principales conclusions sont que la réanimation dans l'eau et la réanimation dans un bateau semblent réalisables entre les mains d'équipes de sauvetage spécialisées. Malgré une justification évidente de l'utilisation de l'oxygène en cas de noyade, il n'y a pas de données pour soutenir ou réfuter son utilisation. Il semble donc que la recommandation de l'ILCOR, qui consiste à utiliser de l'oxygène à une FiO2 de 100 % jusqu'à ce que la saturation en oxygène artériel ou la pression partielle de l'oxygène artériel puisse être mesurée, soit raisonnable.

Étant donné que l'arrêt cardiaque est principalement dû à l'hypoxie, l'initiation d'une réanimation cardio-pulmonaire (RCP) conventionnelle qui comprend la ventilation et les compressions semble être confortée par les données identifiées dans cette revue. Le choix de cette approche est également conforme à la recommandation de traitement de l'ILCOR qui suggère que les personnes formées, capables et désireuses d'effectuer une RCP, le fassent chez tous les patients adultes en arrêt cardiaque.

Étant donné la faible incidence des rythmes choquables en cas de noyade, il semble raisonnable de se concentrer initialement sur une RCP de haute qualité pendant que le défibrillateur est préparé pour être utilisé.

Aucune des études n'a testé de manière prospective une règle de décision clinique permettant d'identifier les patients qui peuvent être renvoyés chez eux en toute sécurité.

Pour les interventions de réanimation avancée, la ventilation non invasive semble réalisable chez les patients présentant une défaillance d'un seul organe et un niveau de conscience préservé. Malgré un contexte physio-pathologique en faveur d'une intubation précoce en cas d'arrêt cardiaque dû à la noyade (faible compliance pulmonaire, risque élevé d'aspiration), il existe peu de données permettant de déterminer l'approche optimale. En l'absence de données spécifiques, une stratégie de gestion des voies aériennes, basée sur l'expertise de l'opérateur des voies aériennes, comme le recommande le groupe de travail ALS, semble justifiée.

En l'absence de données spécifiques sur l'approche optimale en matière de ventilation, le suivi des lignes directrices pour la gestion du SDRA semble raisonnable. L'ECMO est réalisable en tant qu'option de traitement de l'arrêt cardiaque ou de l'insuffisance respiratoire grave. Cela confirme la pertinence de la recommandation de traitement de l'ILCOR.  

Parmi plus de 3 000 références, 65 articles ont été retenus. Les preuves identifiées provenaient principalement de pays à revenu élevé, alors que la plupart des décès surviennent dans les pays à socio-démographie faible ou moyenne (Chine, Inde, Pakistan, Bangladesh). Toutes ces études manquaient de cohérence dans les populations, les interventions et les résultats rapportés. De plus, elles étaient exclusivement de nature observationnelle.

Dr Bernard-Alex Gaüzère

Références
Bierens J et coll. : Resuscitation and emergency care in drowning: A scoping review. Resuscitation. 2021 ; 162 : 205-217. doi.org/10.1016/j.resuscitation.2021.01.033.

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