
Décalage entre le Parlement européen et la Commission
Derrière cette déclaration d’intention cependant, on le sait les
discussions sont particulièrement complexes et les
discussions au sein des instances dirigeantes européennes la
semaine dernière en ont témoigné. Ainsi, le Parlement européen a
adopté jeudi une résolution qui demande que soient conduites des
négociations pour la levée temporaire de l’accord sur les aspects
des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce
concernant les vaccins anti-Covid. Or, cette adhésion du Parlement
contraste avec la position bien plus prudente de la Commission
européenne et du Conseil européen. Tout en reconnaissant qu’il ne
faut pas faire l’impasse sur cette stratégie, la Commission et le
Conseil invitent en effet à ne pas faire de la levée des brevets
une « solution miracle » selon l’expression du Président du
Conseil européen Charles Michel.
Un quart seulement des professionnels de santé défavorables à la levée des brevets
La position des dirigeants européens et des pays du G7 est particulièrement complexe car aux enjeux économiques et industriels s’ajoutent la pression des opinions publiques et des médecins.
Un même objectif, mais des moyens différents
Cependant, il est peu probable que les 26 % de professionnels de santé qui se déclarent hostiles à la levée des brevets soient étrangers aux considérations de santé publique et de solidarité. Mais c’est plus probablement la pertinence de cette mesure pour atteindre l’objectif fixé qu’ils remettent en question, au-delà même des conséquences potentiellement fâcheuses pour le financement de la recherche privée. Le patron du syndicat de l’industrie pharmaceutique, Frédéric Collet avait ainsi observé dans une tribune publiée par Le Monde en mars dernier : « Fabriquer des milliards de doses pour des personnes à travers le monde sans jamais compromettre la qualité ou l’innocuité des vaccins est un défi sans précédent. Il s’agit de produits biologiques complexes à mettre au point et les outils de production disponibles sont déjà totalement mobilisés. Les technologies sont trop innovantes pour être transférées simplement d’un site à l’autre et les véritables verrous – technologiques et logistiques – ne seraient pas levés par des licences d’office. Chaque site de vaccination nécessite des techniciens hautement qualifiés et des équipements de pointe (bioréacteurs, centrifugeuses, chambres froides…) qui répondent à des normes réglementaires élevées de sécurité et de performance. Concrètement, lever les brevets sur les vaccins contre le Covid ne réglerait pas le défi de la production de masse qui se pose aujourd’hui ». Aussi, plutôt qu’une levée des brevets incertaine et complexe, beaucoup préfèrent prôner la générosité directe des pays riches achetant les vaccins pour les états pauvres, éventuellement en profitant de prix revus à la baisse. Pour l’heure, les annonces concrètes du G7 concernent cette voie, alors que la question des brevets reste encore virtuelle.
Aurélie Haroche