Après le rendez-vous manqué du Ségur, l’hôpital à nouveau dans la rue demain

Paris, le lundi 14 juin 2021 – Il y a un an quasiment jour pour jour, les personnels médicaux et paramédicaux de l’hôpital public défilaient dans la rue pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail, cruellement mise en lumière par la crise sanitaire. Depuis, les accords du Ségur ont conduit au déblocage de plusieurs milliards d’euros pour la revalorisation du salaire d’un grand nombre de personnels hospitaliers, tandis que des engagements ont également été pris en ce qui concerne les investissements et la reprise de la dette hospitalière. Côté réforme institutionnelle, une proposition de loi a été votée au Parlement, tandis que le Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (COPERMO) a été supprimé l’été dernier.

Revalorisations inégalitaires

Pourtant, l’amertume et la déception dominent et constituent le ciment de la manifestation prévue demain à l’appel non seulement des centrales comme la CGT et SUD qui avaient refusé l’année dernière de signer les accords du Ségur, mais aussi des Collectifs inter-hôpitaux et inter-urgences ou encore d’organisations de praticiens hospitaliers.

Les revendications sont multiples. D’abord, il s’agit de dénoncer une certaine inégalité de traitement entre les différents métiers et professions. La CGT Santé détaille : « A partir du 1er octobre 2021, certain(e)s professionnel(le)s soignant(e)s (aides-soignants, infirmiers toutes catégories, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, ergothérapeutes, audioprothésistes, psychomotriciens, auxiliaires de puériculture, diététiciens) et personnel éducatif (aides médico-psychologiques, auxiliaires de vie sociale et accompagnants éducatifs et sociaux) exerçant dans ces établissements percevront une rémunération supplémentaire de 183 euros nets par mois, représentant 49 points d’indice. (…) S’agissant des autres métiers qui ne sont pas, selon le protocole, exposés aux mêmes logiques concurrentielles de recrutement mais qui jouent un rôle indispensable dans l’accompagnement des personnes, la question de leur rémunération nécessite un travail plus large qui devrait être engagé d’ici à fin 2021 dans le cadre d’une conférence sociale ». Or, la CGT « refuse cette revalorisation inégalitaire », et en fait l’un de ses premiers mots d’ordre.

Une grève invisible des praticiens hospitaliers

Du côté des praticiens hospitaliers, la contestation a débuté dès le début de l’année. Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (SNPHARE) rappelle en effet que « les praticiens hospitaliers sont en grève illimitée des soins urgents et non urgents depuis le 11 janvier 2021 pour être entendus sur la perte de 4 ans d’ancienneté dans leur carrière instaurée par le Ségur de la Santé. Cette grève est peu visible car leur présence à l’hôpital est indispensable en ces temps de crise sanitaire ayant pour effet secondaire de retarder la prise en charge des patients ». Si le gouvernement a été sommé par le Conseil d’État de répondre aux interrogations des syndicats et si ces derniers ont bien été reçus par le ministère de la Santé, aucune évolution ne s’est encore dessinée. Aussi, les syndicats engagent les praticiens à une large participation aux cortèges de demain.

L’inaccessible choc d’attractivité

Tant la CGT que les syndicats de praticiens hospitaliers ou les collectifs convergent pour déplorer la crise d’attractivité que traverse le monde hospitalier. Dans de nombreux établissements du pays, les recrutements sont ainsi très difficiles, contraignant parfois les directions à transformer d’autorité les contrats à temps partiel en temps plein, suscitant la colère des personnels, comme à Brest.

RIP

Constatant tant la crise d’attractivité que les dysfonctionnements de l’hôpital public, le collectif « L’hôpital c’est nous » (qui regroupe des associations comme Aides, ADT Quart Monde, Oxfam, Emmaüs ou l’Armée du Salut et des collectifs interprofessionnels tels qu’Inter-Urgences et Inter-Hôpitaux) porte le projet d’un Référendum d’initiative partagée (RIP). La proposition a ainsi été présentée le 3 juin et vise par exemple à déterminer par spécialité et par type d’activité « un nombre minimal de soignants par patients ». Concernant le nombre de lits, il s’agirait de le fixer « en fonction de la densité de population, du nombre de personnes malades ou pouvant le devenir ». Ce RIP a déjà reçu la promesse de signatures de 180 députés de tous bords, tandis que vingt élus locaux de gauche, dont la maire de Paris Anne Hidalgo ont manifesté leur soutien. « La crise sanitaire aura montré l’extraordinaire engagement, le sens du collectif et la conscience professionnelle sans faille de ces femmes et ces hommes qui font vivre l’hôpital. Elle aura aussi révélé au grand jour des conditions de travail difficiles et les limites de notre système hospitalier », soulignent ces élus, parmi lesquels Martine Aubry (Lille) Nathalie Appéré (Rennes), Carole Delga (région Occitanie). Cependant, la voie du RIP est complexe et n’a pour l’heure jamais été couronnée de succès. Elle nécessité en effet pour que la proposition de loi soit soumise au référendum d’être soutenue par un cinquième des membres du Parlement (185 parlementaires) et 10 % des personnes inscrites sur les listes électorales (soit 4,7 millions de citoyens).

Léa Crébat

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Vos réactions (1)

  • Quizz : âge de la pleine retraite pour les PH ?

    Le 15 juin 2021

    Réponse pour les moins patients : 71Ans6Mois ou après : « sui generis* »

    Un aspect du Ségur mérité d'être surligné : La révision de la GRILLE de PH nommés après Octobre 2020, l'immense majorité donc, sans perte salariale :
    " Décret no 2020-1743 du 28 décembre 2020 portant création de trois échelons au sommet de la
    grille des émoluments des praticiens hospitaliers à temps plein et des praticiens des hôpitaux à
    temps partiel "
    Le statut des PH est géré par le Code de la Santé Publique, leur RETRAITE par celui du Régime Général
    Un peu de « Vie réelle » à nouveau , mais sans vaccin.

    1- Cas clinique personnel :
    A l'issue d'un parcours "sans faute", du service national ou apparenté, RETRAITE PLEINE : 71ANS 6 MOIS. Quand on aime, on compte pas ? Moi oui.
    Ancien 13ième et dernier échelon depuis 5 Ans 1Mois 26Jours , service publique exclusif chirurgical T plein , devient à l’issu du Ségur :
    • 11ième échelon nouvelle formule depuis le 1/1/2021 jusqu' au 6 Novembre 2023
    • 12iéme échelon nouvelle formule pour 4ans : jusqu' au 6Novembre 2027
    • 13ième échelon nouvelle formule pour 4ans (pleine retraite) : jusqu' au 6Novembre 2031 : 71Ans 6Mois
    Ce calcul personnel , devenu simplissime à l’heure des supputations et Modélisations stochastiques, a été validé par le Centre National de Gestion. Géné mais gestionnaire et comptable.

    2- Les réactions à l’outrage :
    En dehors (et encore) des 8223 praticiens hospitaliers 2020** (6988 Tplein , 1235 Tpartiel) :
    • Qui a entendu parlé du Mutisme arrogant de Mr O Véran et de Ségur ? : Non discuté par le Conseil d'Etat
    • Qui a entendu parlé du mouvement de gréve en cours "les Lundis" depuis Janvier 2021? Impact évident de la crise sanitaire , que les "Héros" d'hier ne deviennent pas les "Parias" de demain . La versatilité de la population me semble non contestable, RIP ou pas.
    • Qui a entendu parlé du recours en Conseil d'Etat en cours ?

    3- La perspective d’une retraite pleine à 71ans (ou après pour les parcours moins rectilignes) : Un garant de l’attractivité hospitalière ?

    4- «Sui generis » , pas pour longtemps ? :
    La crise sanitaire pourrait être à nouveau une OPPORTUNITE : Que le RE(Dé)-CLASSEMENT évoqué soit un ballon d’essai au sein d’une population notoirement compliante, en regard d'une révision ultérieure infiniment plus globale du régime des retraites.

    La goutte d’eau qui fait déborder le vase déjà plein n’est pas plus grosse que les autres : mais c’est la seule que l’on voit , « RIP » ou pas « RIP »
    Les implications quasi-existentialistes de cet aspect retraite pourraient impacter :
    • Les initiatives ou déclarations démagogiques
    • Les considérations légitimes sur nombre de lits , de soignants
    • La dé-médicalisation de la décision hospitaliaire et sa gouvernance monocéphale : Dans une entreprise il faut un seul patron . Le choix est fait Mme Bachelot.
    • Une révision individuelle du non-droit de grève effective , lassés du non-impact des grèves sparadraps dans notre pays.

    «Sui generis » : situation juridique dont la singularité empêche tout classement dans une catégorie déjà répertoriée
    * https://www.cng.sante.fr/praticiens-hospitaliers/etudes-sur-praticiens-hospitaliers

    Dr JP Bonnet, 61 Ans,1 Mois, PH

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