TPO aux aliments : manque d’harmonie européenne

Deux documents sont disponibles pour apprécier la pratique des tests de provocation orale (TPO) en Europe. L’un est l’étude SIAIP, menée dans 4 pays européens (France, Italie, Espagne et Royaume-Uni). Le second est le rapport PRACTALL de l’AAAAI (American Academy of Allergy, Asthma and Immunology) et de l’EAACI (European Academy of Allergy and Clinical Immunology).

Le TPO, un examen-clé

Ces deux documents montrent qu’il n’existe pas de protocole standardisé permettant de comparer efficacement les données pour la recherche clinique. L’on ne dispose pas notamment de comparaison possible entre les TPO en ouvert ni en double aveugle, ces derniers étant pratiqués de manière variable selon les pays. Les enquêtes montrent aussi l’absence de standardisation des critères pour définir un TPO positif ou pour adapter le TPO aux différents âges.

Cette absence de standardisation est à l’origine de pratiques peu harmonisées, non seulement entre les pays, mais aussi entre les différents centres dans un même pays (modalités du bilan allergologique, âge de début de pratique du TPO, nombre de doses, délai entre les doses, surveillance, etc.).

Le TPO est un examen complémentaire clé, nécessaire pour mieux définir l’allergie et traiter le patient. Mais il s’agit d’un examen à risque, générant de l’anxiété chez les parents et les enfants, c’est pourquoi sa finalité doit leur être précisée et exposée clairement.

Le TPO peut avoir plusieurs indications : clarifier un diagnostic, ouvrir un régime restrictif à la forme cuite des aliments ou confirmer une guérison, définir un seuil réactogène ou une dose tolérée. De nouveaux outils émergent pour orienter l’indication du TPO : les IgE déterminants moléculaires ou le test d’activation des basophiles. Dans la dermatite atopique, les TPO ont un intérêt particulier : la dermatite atopique perturbe la lecture du dosage des IgE et la pratique du TPO dans cette situation évite de s’engager dans des régimes abusifs.

Chez le nourrisson, le TPO relève de l’expertise pédiatrique et nécessite une lecture particulière. Ses indications sont limitées.

Une interprétation parfois difficile

L’interprétation du TPO est sujette à de nombreux biais qui doivent être contrôlés le plus possible, qu’il s’agisse de biais venant du patient lui-même ou de l’observateur.

Lors d’un TPO en ouvert, l’absence de réaction signe l’absence d’allergie. La présence de symptômes objectifs confirme le diagnostic et constitue une indication d’éviction. Celle de symptômes subjectifs signe un test « douteux » et l’indication d’un TPO en double insu.

L’étude PRACTALL a permis de dresser une liste des symptômes rencontrés lors d’un TPO. Ils ont été classés selon leur sévérité et indiquent la marche à suivre : poursuite du test, observation du patient ou interruption du test. Selon les recommandations américaines éditées en 2020, la présence d’un critère majeur nécessite un arrêt du TPO ; en présence de critères moins graves, il est justifié si 2 critères sont réunis.

Le Dr Montserrat Fernandez Rivas rappelle que les symptômes subjectifs peuvent être des signes précoces de sensibilisation. S’ils se répètent après 3 doses consécutives, s’ils persistent plus de 40 minutes ou si des symptômes multiples surviennent, touchant plusieurs organes/systèmes, il est recommandé de considérer le TPO comme positif et de l’arrêter pour des raisons de sécurité. Cela augmente bien entendu le risque de faux positifs et celui de conclure sur une dose non complète.

Chez les nourrissons, qui sont incapables de communiquer les symptômes subjectifs, l’observation attentive doit repérer des signes subtils qui peuvent indiquer un prurit, ou un changement de comportement de l’enfant. Deux grandes cohortes complètent des données sur le TPO chez le nourrisson.

L’une d’elle (LEAP), retrouve 2,2 % de tests positifs, se manifestant le plus souvent par de l’urticaire, et aucune réaction anaphylactique. L’autre HealthNut retrouve un taux d’anaphylaxie non négligeable, de 2,4 %.

Le Dr M. Fernandez Rivas conclut en rappelant que le TPO ou le TPO en double aveugle est le gold standard du diagnostic d’allergie alimentaire et un outil essentiel pour l’évaluation des nouvelles thérapies. Il est donc nécessaire d’en améliorer la documentation et d’harmoniser son interprétation.

Dr Roseline Péluchon

Références
Test de provocation orale aux aliments : recommandations européennes
• Caimmi D. : États des lieux et pratiques en Europe
• Deschildres A. : Indication
• Fernandez-Riva M. : Interprétations

16ème Congrès Francophone d’Allergologie. Du 27-28 mai 2021 (virtuel)

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