Variant Delta et couverture vaccinale obnubilent le gouvernement

Paris, le jeudi 8 juillet 2021 – Après avoir pu afficher pendant plusieurs semaines une mine satisfaite et soulagée, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal a renoué hier avec un air préoccupé à la sortie du Conseil des ministres pour évoquer la situation sanitaire. Il n’a ainsi pas hésité à assurer que le variant Delta du SARS-CoV-2 qu’il a qualifié de « redoutable » « peut » « partout où il sévit (…) gâcher l’été ».

Situation au beau fixe dans les hôpitaux

Au-delà de cette menace qui plane, les indicateurs épidémiques sont ambivalents. Indéniablement, l’incidence progresse. Elle atteint aujourd’hui 25/100 000 pour toute la France quand elle ne dépassait pas 20 /100 000 il y a encore une semaine. Ainsi, le nombre quotidien de nouvelles contaminations a connu une hausse de « plus de 20 % en sept jours », a commenté Gabriel Attal. A Paris, le seuil de 50 cas pour 100 000 a été franchi. Le variant Delta est sans surprise à l’origine de cette augmentation : il concerne désormais 40 % des contaminations. Ce sont principalement les 20/30 ans qui sont touchés par ces nouvelles infections, avec un taux d’incidence qui a « pratiquement doublé en une semaine. »

Cependant, l’embellie à l’hôpital ne se dément pas et hier la France a symboliquement recensé moins de 1 000 patients infectés par SARS-CoV-2 en soins critiques. Par ailleurs, on observe dans les Landes qui a été le premier département où le variant Delta a entraîné une hausse rapide des cas que l’incidence est de nouveau en recul.

Vers des nouvelles restrictions ?

Si la situation est contrastée, le gouvernement veut montrer qu’elle est considérée avec le plus grand sérieux. Ainsi, un nouveau Conseil de Défense sanitaire sera réuni lundi et une prise de parole du Président de la République est programmée la semaine prochaine (le 14 juillet ?) qui devrait entre autres concerner la crise sanitaire. Doit-on s’attendre à de nouvelles restrictions ? A l’image des indicateurs épidémiques, le gouvernement est lui aussi ambivalent. Ainsi, Gabriel Attal a affirmé ce matin que la réouverture des discothèques, prévue ce vendredi, et qui s’annonce complexe (en raison d’incertitudes concernant le protocole et l’application du pass sanitaire) n’est pas remise en question. Néanmoins, certains prédisent que des décisions pourraient être prises à l’échelon territorial. Mais si Les Landes dont l’incidence est stabilisée restent dans le viseur, comment expliquer dès lors que la ville de Paris ne soit pas elle aussi concernée par certaines mesures (retour des jauges par exemple ?).

Les voyages au Portugal ou en Espagne déconseillés

La question du contrôle aux frontières et des déplacements transfrontaliers se pose également, non sans un certain flou. Hier, le Canard Enchaîné révélait comment le secrétaire d’État chargé des Affaires Européennes, Clément Beaune, n’avait pas caché son agacement à l’heure d’embarquer à Roissy le 3 juillet. Il a en effet pu constater le caractère aléatoire des contrôles des certificats sanitaires. Le témoignage du ministre (qui fait écho à celui de nombreux utilisateurs de Twitter ou de sujets interrogés par différents médias) aurait suscité la colère d’Emmanuel Macron qui a exigé un renforcement urgent des contrôles. Parallèlement à ces derniers, des recommandations commencent à être données sur les voyages à l’étranger.

Ainsi, Clément Beaune a préconisé ce matin aux Français qui n’auraient pas encore choisi de destination pour leurs vacances d’éviter le Portugal ou l’Espagne où le variant Delta flambe. Quelques heures auparavant, l’Espagne annonçait qu’elle accueillait tous les voyageurs sans contrôle d’une quelconque vaccination ou d’un résultat de test !

Atteindre les plus âgés

Mais le véritable levier d’action en France est la vaccination. Ces derniers jours ont été encourageant avec une nouvelle augmentation du nombre de rendez-vous pour une première injection. Le ministère de la Santé fait ainsi état d’une progression de 10 % par rapport à J-7, tandis que la journée de lundi a été particulièrement remarquée, avec une hausse du volume de rendez-vous de 40 % sur Doctolib. Les jeunes sont notoirement à l’origine de ces démarches : 17 % des rendez-vous sont pris pour des mineurs (800 000 soit 16 % des 12-17 ans ont déjà été vaccinés) et 60 % pour des personnes de moins de 40 ans. Si ces succès sont à saluer, la stagnation des taux de vaccination chez les plus de 80 ans continue à préoccuper le gouvernement. Elle constitue en effet une différence majeure avec plusieurs pays en pointe dans ce domaine. Ainsi, en Israël, en Espagne ou en Grande-Bretagne, quasiment 100 % des plus de 80 ans ont été vaccinés, contre 80 % en France. Le professeur Alain Fischer reconnaît dans Le Monde : « Il est possible que nous soyons moins performants pour aller vers ces populations, qui ne vont que très difficilement dans les centres. Multiplier toutes ces actions d’« aller vers » doit être l’une des priorités de l’été ». Dans cette perspective, un décret a été publié aujourd’hui permettant aux opticiens, audioprothésistes, diététiciens, psychomotriciens, ou assistants dentaires de réaliser des vaccinations (après une formation). Par ailleurs, une meilleure visibilité devrait être donnée à la possibilité de se faire vacciner chez soi : un point sur lequel le président de l’Ordre des infirmiers insiste beaucoup.

Vaccination obligatoire : plus qu’une affaire de réglages ?

Mais parallèlement à ces différentes stratégies, la tentation de l’obligation est toujours prégnante. Vis-à-vis des soignants, la décision ne semble plus faire aucun doute comme en témoigne, hier, la signature dans ce sens d’un texte commun par le ministère de la Santé, la Croix Rouge, Unicancer, la Fédération hospitalière de France, la Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France, et le Synerpa (Syndicat national des établissements et résidences privés et services d'aide à domicile pour personnes âgées). Les Ordres étaient également présents à la réunion à l’issue duquel le communiqué commun a été publié et l’ont soutenu. On sait par ailleurs que demain le ministre du Travail Elisabeth Borne recevra les partenaires sociaux afin de discuter les modalités techniques de cette vaccination obligatoire, notamment en ce qui concerne les sanctions.

Vacciner ne se décrète pas

Ces discussions présagent-elles d’une réflexion sur une vaccination obligatoire élargie ? Sur ce point, le patron de l’Ordre des médecins considère que le glissement est probable : « Obliger les soignant à se faire vacciner, cela veut dire que demain, il faudra peut-être obliger d’autres corps de métiers à se faire vacciner, et cela peut poser la question de la vaccination obligatoire tout court » a-t-il commenté en marge de la réunion d’hier. Quelques heures plus tard, l’Association des maires de France ajoutait sa voix aux défenseurs d’une vaccination imposée à tous. Mais quel pourrait réellement en être l’effet ? Alain Fischer met en garde : « Décréter la vaccination obligatoire ne permet pas de vacciner la dame de 90 ans seule chez elle sans accès à Internet, la personne obèse qui n’ose pas sortir, ou encore de mettre à l’abri ces quelque 230 000 personnes immunodéprimées ou souffrant de cancers très spécifiques que la vaccination ne protège pas ou très mal ». Aussi pour lui, c’est plutôt l’incitation à une très large vaccination qui doit primer, notamment celle des adolescents, y compris à travers une campagne dans les collèges et les lycées à la rentrée.

Aurélie Haroche

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