Comment renforcer l’attractivité des carrières hospitalo-universitaires ?

Paris, le jeudi 8 juillet 2021 - Il y a trente ans, les gros bataillons des internes en médecine espéraient pouvoir exercer à l’hôpital public et la carrière hospitalo-universitaire représentait le graal pour ces médecins en devenir. La crise de l’hôpital public a entraîné la désaffection pour ce cursus honorum.

« Ainsi, l’attractivité de la carrière hospitalo-universitaire s’effondre comme en témoignent les démissions en cours de carrière et la désertification des viviers de certaines disciplines dont certaines ne sont plus représentées dans les CHU : ces trois dernières années, depuis 2018, 139 PU-PH et MCU-PH (78 PU-PH et 61 MCU-PH) ont démissionné et les jeunes candidats sont de plus en plus réticents à s’engager compte tenu d’un avenir incertain et des contraintes liées à la carrière » rapporte l’Académie de médecine.

« Préoccupée par cette situation, consciente de ses dangers pour la qualité des soins, de l’enseignement et de la recherche, soucieuse d’enrayer le déclin annoncé de la médecine hospitalo-universitaire française », l’Académie nationale de médecine publie des recommandations « pour restaurer l’attractivité perdue des carrières hospitalo-universitaires » poursuit-elle.

Thèse de sciences est-ce vraiment toujours nécessaire ?

« Les pré-requis permettant de classer un candidat en rang utile pour demander l’ouverture d’un poste au ministère se sont progressivement alourdis (M2, Thèse, HDR), tenant compte des recommandations des CNU et du ministère (bibliométrie, mobilité) » rappelle l’Académie.

Or, elle s’interroge « tout en gardant l’excellence, les critères doivent-ils être identiques pour un candidat à un poste de PU-PH dans une faculté où il y a de nombreux PU-PH de la spécialité et dans une faculté où il sera le seul PU-PH ? La formation et les critères doivent-ils être identiques pour une discipline clinique où prédomine l’excellence hospitalière, où le PU-PH assure le recrutement des patients, sert de référence par rapport aux praticiens hospitaliers et aux collègues du privé et pour une discipline biologique où les actes sont pour l’essentiel automatisés où doit prédominer l’excellence de la recherche fondamentale ? »

Soutenir les PU-PH dans la carrière

Premier levier d’attractivité, pour l’Académie, des aides administratives et financières.

L’institution rappelle ainsi « l’âge moyen de nomination de 44 ans pour les PU-PH et 37 ans pour les MCU-PH, sans comparaison avec les universitaires d’autres disciplines nommés beaucoup plus jeunes. Il existe une période de plus de 15 ans après la fin de l’Internat pendant laquelle le futur candidat va parfois vivre dans des conditions précaires par rapport à celles de ses collègues nommés praticiens hospitaliers (nommés environ 10 ans plus tôt) ou installés en secteur libéral. Pendant cette période, le candidat peut avoir des difficultés financières ou familiales qui finalement le découragent ».

Elle propose également une revalorisation des grilles salariales, pour éviter des stagnations en milieu de carrière.

La femme n’est toujours pas l’avenir des CHU

Entre autres, l’Académie de médecine pointe également la difficile installation de l’égalité femmes-hommes dans les hôpitaux universitaires. « L’écart ne s’est pas réduit au fil du temps, les courbes de nomination des PU-PH femmes et hommes sont identiques depuis 35 ans, sans convergence ni croisement ; les causes les plus fréquentes sont la faible compatibilité avec la maternité (remplacement absent ou partiel pendant le congé maternité, crèches inaccessibles aux PU-PH et MCU-PH), l’impact sur la vie de famille, des difficultés d’adaptation de l’entourage, l’attitude de la hiérarchie. Les pistes d’amélioration reposent sur des mesures institutionnelles (parité des congés maternité et paternité, aménagement du temps de travail), une plus grande présence de mentors féminins et un meilleur équilibre vie professionnelle vie privée » note ainsi l’Académie.

Xavier Bataille

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Vos réactions (4)

  • Tous ne seront pas prix Nobel...

    Le 08 juillet 2021

    L'alourdissement incroyable et souvent inatteignable du titre de Professeur ces 25 dernières années, depuis la Thèse en science aux publications dans des journaux "beaucoup lus" est inadapté à de nombreuses petites disciplines où même avec beaucoup de travail personnel le compte ne peut pas y être. Il serait en effet grand temps que les CNU cessent de décourager les vocations et essaient plutôt d'aider et de soutenir les candidats. Tous ne seront pas prix Nobel un jour...mais vont préparer le terrain pour en faire émerger un peut-être...
    S'il n'y a personne pour "tenir la discipline" il ne faut pas s'étonner qu'elle périclite.

    Dr Astrid Wilk

  • Que dire alors de l’attractivité dans les hôpitaux non universitaires ?

    Le 08 juillet 2021

    C'est encore bien pire. En notant en outre que beaucoup de jeunes médecins veulent rester dans les villes universitaires.
    Ancien PH, cela fait plus de 20 ans que l'on voyait les choses s'aggraver régulièrement dans les dits "hôpitaux généraux". Dans les années 80, les anciens internes et anciens chefs de cliniques sa battaient presque pour accéder à ces hôpitaux. En suite, ils se sont battus pour ne plus y aller. Ce qui m'amusait (!), c'était les accréditations : on s'intéressait à beaucoup de choses matérielles (la largeur des portes ou la hauteur de prises de courant), mais qu'il y ait ou non des médecins dans les services importait peu.

    Dr Gilbert Bouteiller

  • Vous avez dit attractivité?

    Le 11 juillet 2021

    Les CHU et les CHG c'est l' enfer. En CHU il n'y a plus d'argent, mais à quoi bon ? Structures hyper hiérarchisées où, insidieusement, les médecins ont perdu tout pouvoir décisionnel et on y travaille de façon kafkaïenne.
    Les directeurs et administratifs sont à genoux devant les ARS. Les médecins n'ont plus qu'un rôle "consultatif" alors qu'ils connaissent les patients, les maladies et les gestes techniques. Et portent de lourdes responsabilités sur leurs épaules. Et les autres ont suivi des cours de gestion a l'ESP de Rennes, et t ont seulement fait 3 semaines de stage en service clinique dans toute leur formation. Mais ce sont ces derniers qui règnent sur les hôpitaux et les CME.
    Les personnels infirmiers hypersyndiqués et en sous effectif tirent à vue, courent la "prime" de fin d année grâce au mouchardage et flagornerie (rapports bidons "d 'activité" ou de "procédures" débiles) auprès des administratifs de la "direction des soins" planqués dans les bureaux.

    Ce contexte permanent d'être en situation d'agir et de soigner avec une expertise - qu on a payé cher entre 18 et 28 ans-, sans aucun pouvoir décisionnel correspond a une injonction totalement contradictoire. De devoir travailler correctement sans rien décider de notre organisation, en étant critiqué en permanence, par les familles (ce n'est pas ma faute si il doit sortir... il va mieux et on n a pas assez de lits) et les personnels non médicaux que rien ne satisfera jamais. Alors que ce n est pas de la faute des médecins si les parameds sont mal payés et en sous effectif : les médecins ne décident plus rien. Diviser les personnels pour mieux régner c est la devise.

    Donc au revoir. Une "carrière" : laquelle ? On va d'un harcèlement à l autre. En burn out chronique : soigner, coder, essayer de publier, essayer d'obtenir des fonds de recherche en bossant les samedi dimanche à la maison des "projets avec les labos", faire de la psychothérapie pour les paramed, et écouter les mensonges du directeur.... sans oublier les gardes de nuit ou astreintes.
    En fait tout le monde (médecins et parameds) vit mieux après les adieux au CHU.

    Dr Isabelle Herry

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