La fracture vaccinale ne cesse de se creuser

Genève, le mardi 13 juillet 2021 – Seulement 1 % de la population des pays à faible revenu a été vacciné, renforçant ainsi la fracture vaccinale entre les pays du Nord et les pays du Sud.

« Le monde est en train d’échouer ». Pour Tedros Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la fracture vaccinale qui est en train de se créer dans le monde est un véritable échec moral. L’humanité est en effet désormais coupée en deux. D’un côté les pays riches, où le taux de vaccination contre la Covid-19 est déjà important, puisque plus de 50 % des Américains et des Européens ont reçu au moins une dose. De l’autre les pays pauvres, qui n’ont pas ou très peu accès aux doses. Ainsi, seulement 2,9 % des Africains ont déjà été vaccinés.

Derrière la bonne volonté affichée lors des réunions internationales, la réalité est que les pays occidentaux et les laboratoires pharmaceutiques sont loin d’avoir assuré une répartition équitable des 3,4 milliards de doses de vaccin déjà administrés dans le monde. Le dispositif Covax, mis en place par l’OMS pour permettre aux pays pauvres d’obtenir des doses, est en train de tourner au fiasco. Il n’a réussi à distribuer que 100 millions de doses depuis sa création. L’objectif d’acheminer 2 milliards de doses vers les pays en voie de développement d’ici la fin de l’année ne sera vraisemblablement pas atteint.

L’immunité collective atteinte en 2023

Certes Covax a commandé ces dernières semaines plus de 3 milliards de doses auprès de différents laboratoires, mais elles ne seront pour la plupart livrées qu’en 2022. Les centaines de millions de doses promises par les pays du G7 lors du dernier sommet en juin arrivent également au compte-goutte. Selon une étude de l’université Duke aux Etats-Unis, si rien n’est fait pour mettre fin à ces disparités, l’humanité n’atteindra l’immunité collective (70 % de la population vaccinée) qu’en 2023.

Les critiques contre le dispositif Covax sont désormais de plus en plus virulentes. Il est notamment reproché à l’OMS d’avoir placé tous ses œufs dans le même panier, en misant presque exclusivement sur le Serum Institute of India, une usine indienne de vaccins AstraZeneca pour s’approvisionner. Mais depuis la vague meurtrière d’avril dernier, l’Inde a cessé toute livraison de vaccins. Selon Strive Masiyiwa, coordinateur du programme Avatt, un dispositif d’approvisionnement en vaccins mis en place par l’Union africaine, il aurait été préférable d’investir dans les unités de production africaines de vaccins, déjà présente en Afrique du Sud ou au Maroc.

Faut-il miser sur l’immunité naturelle en Afrique ?

Selon certains scientifiques, c’est toute la stratégie de vaccination dans les pays pauvres qui doit être refondée. Pour Eric Delaporte, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement, la politique de vaccination massive exécutée dans les pays européens n’est pas nécessairement transposable dans les pays africains, qui ne disposent pas des infrastructures nécessaires. Les États africains font également face à la réticence des populations locales et certains pays, comme le Soudan du Sud ou la République Démocratique du Congo, ont même dû restituer des doses.

Pour Delaporte, une stratégie adaptée serait donc de ne vacciner que les personnes âgées de plus de 65 ans (qui représentent moins de 5 % de la population africaine) et de compter sur l’immunité naturelle pour le reste de la population. Une étude de séroprévalence publiée le 5 juin dernier montre en effet que 16 % des Congolais présentent des anticorps contre le SARS-Cov-2, un chiffre qui monte à 40 % dans les grandes villes.

Miser sur l’immunité naturelle est cependant une stratégie risquée, puisque cela peut favoriser l’apparition de nouveaux variants plus contagieux et éventuellement résistants aux vaccins. C’est ce que rappelle Florence Débarre, chercheuse au CNRS, qui souligne que les pays riches ont tout intérêt à partager les vaccins pour faire cesser l’épidémie au niveau mondial. « Ce ne sera pas fini tant que ce ne sera pas fini partout dans le monde » affirme-t-elle.

Nicolas Barbet

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