Comment va s’appliquer le passe sanitaire à l’hôpital ?

Le Conseil Constitutionnel a validé jeudi l'extension du passe sanitaire à l'hôpital. Pour certains, cette décision constitue sans doute une surprise tant la disposition semblait controversée. Jeudi matin, devant les micros de France Inter, la Professeure Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP), estimait que la mesure « ne pouvait être acceptée par le Conseil Constitutionnel » puisque cette mesure devait être assimilée à « un refus de soin ». Mais la décision des Sages de la rue Montpensier soulève autant de questions qu’elle n’apporte de réponse.

Que dit la loi ? Qu’a dit le Conseil Constitutionnel ?

L’article 1, 1° d) de la loi du 26 juillet 2021 autorise désormais le Premier ministre à promulguer « dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie » un décret imposant la présentation d’un passe sanitaire pour entrer « sauf en cas d’urgence » dans les services et établissements de santé que ce soit pour les visites ou pour les personnes « accueillies pour des soins programmés ».

Pour les Sages, cette mesure doit bien être considérée comme conforme à la constitution, dans la mesure où « elle n’a pas pour effet de limiter l’accès aux soins » précisément parce qu’elle exclut de son domaine les situations d’urgence. Une précision qui tient davantage de la justification que de la réserve d’interprétation.

Qui pour apprécier l’urgence ?

Les prochains jours verront certainement la publication d’un décret au Journal officiel permettant la mise en œuvre rapide du passe dans les hôpitaux et établissements de santé.

Concrètement, le passe s’appliquera de manière certaine aux « personnes accompagnant ou rendant visite » aux patients, ainsi qu’aux patients accueillis pour des soins programmés.

Reste toutefois à savoir comment (et surtout par qui) sera interprété la notion d’urgence devant s’appliquer aux patients ? Une source proche du Conseil constitutionnel a indiqué à la presse que la décision de laisser entrer quelqu'un ou pas sera laissée à « l’appréciation des soignants » en fonction des situations.

La notion « d’urgence » n’est pas tout à fait étrangère à la déontologie médicale. L’article R.4127-47 du Code de la santé publique dispose que le médecin a la possibilité de refuser des soins « pour des raisons professionnelles ou personnelles » en dehors « du cas d’urgence ».

Comment mettre en place la logistique ?

Si le passage de la loi au décret n’est pas toujours une chose facile, le passage du décret à la réalité du terrain est sans doute encore plus déroutant.

Interrogé sur RTL, le président de la Fédération hospitalière de France, s’il se réjouit de l’entrée en vigueur du passe sanitaire, souligne que son application ne sera pas une chose aisée. « Cela va être aux hospitaliers de s'organiser, cela ne va pas être simple [...] mais on le fera en mettant en place des contrôles et des SAS aux entrées des établissements » indique-t-il.

Certains hôpitaux, à l’image de l’hôpital Nord Franche-Comté, ont mis en place un système de rappel par SMS pour les patients devant se rendre à l’hôpital pour une hospitalisation ou une consultation. D’autres établissements ont indiqué que les services d’urgences seront, quoi qu’il arrive, exemptés de pass. Les parents accompagnant les mineurs aux services d’urgence pourraient notamment être exemptés également de la mesure.

S’agissant du cas des visiteurs ou des patients imprudents, d’autres établissements indiquent que des tests antigéniques gratuits seront proposés sur place.

Qui pour contrôler ?

Pour simplifier les contrôles, l'AP-HP de mettre en place devant ses établissements des stands de dépistage, mais aussi des bornes, où les visiteurs et les patients devront scanner leur QR code eux-mêmes.

Une manière d'éviter d'attribuer aux vigiles une mission pour laquelle ils ne seraient pas formés (du reste, comment pourraient-ils apprécier le caractère d’urgence d’une situation médicale ?!).

D’autres établissements ont fait part de leur intention d’embaucher du personnel spécialement dédié à cette question.

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, s'est voulu rassurant jeudi : « personne ne sera privé de soins en fonction du pass sanitaire ». Mais dans la perspective future d’un éventuel déremboursement des tests antigéniques, reste à savoir si la mesure ne risque pas de retarder l’accès aux soins des publics précaires (qui sont aussi, le plus souvent, les moins vaccinés).

C.H.

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Vos réactions (4)

  • Ubuesque

    Le 06 août 2021

    Quand en tant que praticien je vais travailler je montre ma carte professionnelle au gardien. J'ai eu la covid et 2 vaccins.
    J'ai une intervention de prévue; mon QR code de vacciné ne suffit pas. Je dois présenter un test PCR négatif de moins de 48h, et je vais croiser du personnel antivaccin. Logique, non?

    Pr André Muller

  • Le crime légalisé

    Le 07 août 2021

    Simplement criminel! Car, il s agit d'une entrave au soins, d'une discrimination aux soins. Il est vrai que ce président et son gouvernement avaient déjà considéré pendant les confinements que le cancer ou des maladies cardio vasculaires, ne pouvaient être dépistés, avec des interdictions faites par les ARS de pratiquer certains examens.

    Quand on sait que le cancer alimente beaucoup plus la rubrique necrologique que ce coronavirus, on appréciera à sa juste valeur ces choix politiques, criminels.
    Il n'y a pas que les situations d'urgence qui peuvent être mortelles, il y a tous les diagnostics non faits et toutes les maladies chroniques non traitées. Ce pays serait il devenu fou?

    Dr Christian Trape

  • Obligation vaccinale pour tous

    Le 07 août 2021

    La primo - infection documentée est enfin DEVENUE un des deux piliers fixes du Pass : J11 - 6mois actuellement . 12 mois ?. L’autre est « choisi ou consenti » , vaccinal.
    Elle devient presque recherchée par les plus jeunes , équivalent de première dose** … sous réserve de la seconde.

    Il est facile d'appréhender les impasses, les situations ubuesques, la pléthore des exceptions ou particularismes qui émergeront de la mise en pratiques de mesures dont il est devenu difficile de dire qu'elles sont ... anti-constitutionnelles.
    Dissocier le statut des Soignants et des Soignés, des Enseignants et des Enseignés , des Contrôleurs et des Contrôlés n'est en rien une quête d'EQUITE. Et les pompiers , policiers etc : STOP et avec Fermeté.
    La mise en pratique "vie réelle" la aussi, les mouvements sociaux, les corporatismes mais aussi les aigreurs nous rappellerons que la galère supposée commune ne l'est pas et ne l'a jamais été.

    Une solution pourtant, politiquement courageuse, avec de bonnes bases scientifiques concordantes * que chacun d'entre nous devrait consulter avant de s'agiter et de jeter du trouble au trouble : OBLIGATION VACCINALE POUR TOUS LES PLUS DE 18ANS ,
    6 mois après une éventuelle primo-infection documentée virologiquement ou sérologiquement.

    La paucité des contre-indications (Trois) ne pose aucun problème.

    Il est probablement temps que l'égalitarisme forcené qui a prévalu pour la placardisation des primo-infectés deviennent raisonné, appliqué à l’obligation vaccinale pour TOUS les > 18ans déjà , nationaux ou non d'ailleurs.

    J'ai bien noté que l’ISOLEMENT OBLIGATOIRE a été retoqué, jugé "liberticide" : DESESPERANT.
    On nous avait ré-expliqué que l'Australie ou la Nouvelle-Zélande sont des iles. Les Antilles et la Corse aussi. Reste à re-miser démagogiquement sur le civisme sanitaire en testant ou non les hypothèse paraffine ou Vicks puisque c'est dans les vieux pôts etc ... : AFFLIGEANT.

    * E Dolgin . AFTER COVID, IS ONE VACCINE DOSE ENOUGH ? Nature 2021 July8 ; 595 : 161-2 doi: https://doi.org/10.1038/d41586-021-01609-4
    ** Focosi D et coll . Is a single COVID-19 vaccine dose enough in convalescents ? Hum Vaccin Immunother. 2021 May5:1-3. doi: 10.1080/21645515.2021.1917238
    **Mazzoni A et coll . First-dose mRNA vaccination is SUFFICIENT to reactivate immunological MEMORY to SARS-CoV-2 in RECOVERED COVID-19 subjects. J Clin Invest.2021 Mai3 Jun15;131(12):e149150. doi: 10.1172/JCI149150
    **Vicenti I et coll . SINGLE-dose BNT162b2 mRNA COVID-19 vaccine significantly BOOSTS neutralizing antibody response in health care workers RECOVERING from asymptomatic or mild natural SARS-CoV-2 infection. Int J Infect Dis. 2021 May19 Jul;108:176-178 doi:10.1016/ j.ijid.2021.05.033
    ** Anderson M et coll . SARS-CoV-2 Antibody Responses in Infection-Naive or Previously Infected Individuals After 1 and 2 Doses of the BNT162b2 Vaccine. JAMA Netw Open. 2021 May27 Aug6 ;4(8):e2119741. doi:10.1001/jamanetworkopen.2021.19741
    ** Ebinger JE, Fert-Bober J, Printsev I et coll . Antibody responses to the BNT162b2 mRNA vaccine in individuals previously infected with SARS-CoV-2. Nat Med. 2021 Apr1 Jun;27(6):981-984. doi: 10.1038/s41591-021-01325-6
    ** Lombardi A, Consonni D, Oggioni M et coll . SARS-CoV-2 anti-spike antibody titres after vaccination with BNT162b2 in naïve and previously infected individuals. J Infect Public Health. 2021 Jul17 Aug;14(8):1120-1122. doi: 10.1016/j.jiph.2021.07.005.
    **MJ. van Gils et coll . Single-dose SARS-CoV-2 vaccine in a prospective cohort of COVID-19 patients . medRxiv May25 doi.org/10.1101/2021.05.25.21257797 (Pré-print)

    **Sasikala M, Shashidhar J, Deepika G et coll . Immunological memory and neutralizing activity to a single dose of COVID-19 vaccine in previously infected individuals. Int J Infect Dis. 2021 May19 Jul;108:183-186. doi: 10.1016/j.ijid.2021.05.034

    Dr JP Bonnet -PH - vacciné

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