Grand âge : la France toujours en quête de réponses

Paris, le jeudi 26 août 2021 – Après de nombreux reports, en partie liés à la crise sanitaire, le projet de loi dédié au « Grand âge » pourrait finalement être examiné cet automne. Il s’agit d’un chantier colossal, tant en ce qui concerne les questions de financement que les enjeux sociétaux. En effet, la France fait (comme souvent) face à un phénomène paradoxal : tout en reconnaissant et martelant que les plus âgés aspirent à pouvoir demeurer chez soi le plus possible, notre pays continue à connaître l’un des taux d’institutionnalisation les plus élevés d’Europe.

Ainsi, 21 % des personnes âgées de plus de 85 ans vivent en établissement en France, un niveau comparable à celui retrouvé en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne mais plus important que dans le Nord de l’Europe (entre 8 % en Finlande et 14 % en Suède) et le Sud (entre 5 % en Italie et 8 % en Espagne). Pourtant, au début des années 2000, le taux d’institutionnalisation était en France, inférieur à celui des pays du nord.

Surmédicalisation

Pour répondre aux besoins du grand âge, la France ne cesse en effet d’augmenter le nombre de places en Établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD). Ainsi, entre 2011 et 2019, le nombre de places dans ces structures a augmenté de 11 %, selon une récente analyse de la Fondation Médéric Alzheimer. Les constatations de cette dernière offrent un panorama contrasté de l’évolution de l’offre. On peut tout d’abord remarquer que les « places » adaptées aux personnes souffrant de maladie d’Alzheimer ont nettement progressé.  Ainsi, entre 2011 et 2019, les capacités d’accueil spécifiques ont connu une augmentation de 64 %, quand parallèlement les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer résidant dans un établissement d’hébergement progressaient de 35 %. Cette évolution suggère une véritable prise en considération des besoins spécifiques des sujets souffrant de maladie d’Alzheimer et de troubles apparentés. Cependant, parallèlement on observe que les critères d’admission dans les EHPAD se sont considérablement durcis, et cela, au détriment des personnes atteintes de troubles cognitifs. Par ailleurs, l’institutionnalisation et la concentration sur les personnes malades accroissent la tendance à la surmédicalisation de la prise en charge du grand âge, au détriment de la prise en considération d’une aspiration majoritairement exprimée : le désir de demeurer le plus longtemps possible chez soi.

Prime à l’habitat inclusif

Le gouvernement entend cependant y répondre dans sa loi grand âge à travers différentes mesures. Une des premières pistes est la création d’un « guichet unique » afin de simplifier la jungle des SAAD, SSIAD et autre SPASAD auxquels s’ajoutent de multiples associations. Le projet est également l’harmonisation des tarifs, ce qui suppose également une uniformisation entre les départements de l’Allocation personnalisée d’autonomie. Par ailleurs, des aides plus importantes pourraient être déployées. Déjà, l’habitat inclusif a été encouragé par deux dispositifs. D’abord, depuis près d’un an, chaque occupant d’un habitat « inclusif » peut percevoir une aide à la vie partagée. Par ailleurs, des crédits d’investissement vont être réservés à l’habitat inclusif.

Le manque d’attractivité : un vieux problème

Cependant, si une volonté politique pourrait se dessiner, l’enjeu majeur, tant dans les établissements qu’en ce qui concerne le maintien à domicile est le manque de personnels. La faible attractivité des métiers est en effet un fléau qui empoisonne les directeurs de maisons de retraite et de services de soins à domicile : selon une enquête de leur principale fédération 94 % déclarent rencontrer en la matière des difficultés majeures. Pour y répondre, certains déploient des formations « courtes », entre vingt et trente jours, avec promesse d’emploi à la clé. Dans certains départements, ils ont le soutien de Pôle Emploi. Mais, si le système rencontre un certain succès et que des aides étatiques existent, les directeurs regrettent une certaine frilosité des pouvoirs publics. Deux limites freinent en effet le gouvernement : la crainte d’une colère des aides-soignantes si une partie de leurs compétences est ainsi « transférée » à d’autres agents et d’autre part l’inquiétude de voir certains établissements profiter de ces nouvelles recrues ainsi rapidement formées pour proposer des embauches à des salaires encore plus bas. Or, il est certain que l’augmentation des rémunérations est l’une des clés de l’attractivité : le gouvernement espère d’ailleurs que la hausse « historique » de 13 à 15 % des salaires dans le secteur le 1er octobre entraînera un effet d’aubaine important.

L’angoisse de la vaccination obligatoire

Mais avant cette date, dans les établissements c’est une autre échéance qui inquiète, celle de la vaccination obligatoire contre la Covid des personnels dans les EHPAD et dans les services d’aide à domicile. Si le taux est désormais de 80 % concernant les personnels soignants, il n’existe pas de chiffres nationaux pour les personnels non soignants. Les premières remontées pourraient suggérer que même si seulement 5 à 10 % des personnels venaient à manquer, la situation serait particulièrement problématique. Ainsi, les directeurs commencent-ils à s’inquiéter : « La vaccination obligatoire se rajoute aux problèmes récurrents de recrutement du secteur », souligne le vice-président de l’UNA dans la Gazette des communes. « S’il y a des tensions, on gèrera, comme on l’a fait jusqu’à présent. On refusera parfois des nouvelles demandes d’aide et on priorisera les actions auprès des personnes suivies en retirant les actions qui peuvent l’être » ajoute-t-il encore. « Nous sommes, depuis le départ, contre la vaccination obligatoire (…) Quel est le bénéfice de se séparer de professionnels quand on en manque ? Nos résidents sont vaccinés et le Covid ne circule plus dans nos établissements. Le bénéfice de la vaccination des personnels est donc très faible, mais le risque est grand » estime pour sa part Pascal Champvert, président de l’AD-PA. La collision entre l’entrée en vigueur de la vaccination obligatoire des personnels et le lancement de la campagne de rappel dans les EHPAD, qui, Jean Castex l’a annoncé ce matin, devrait débuter le 12 ou le 13 septembre ne devrait pas manquer de créer de nouvelles tensions.

L.C.

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